Finir une session, accueillir l’hiver

Chronique d'Élie Presseault

S’abstenir d’écrire relève parfois d’une éthique. Pour ma part, je viens de finir une autre session d’études universitaires. Après un long silence, je me suis attelé à l’écriture de mes travaux et en me retenant, cette fois-ci, d’intervenir sur le sujet précis de la politique. Réfléchir de temps à autre est nécessaire pour acquérir une perspective nouvelle. Je profite de l’occasion pour intervenir à deux sujets précis.
Tout au long des derniers mois, ma marque de commerce fut d’écrire de façon active et engagée sur la grève étudiante. L’association à laquelle je pris part fut l’une des toutes premières à entrer en grève et la dernière à en sortir. Je dois me déclarer au sujet de cette propension à favoriser une trêve, propension véhiculée tant par le PQ que des militants d’Option Nationale. L’usage de méthodes dissuasives ayant cours au fil du déroulement des manifestations et dans le contexte d’une répudiation claire et certaine des carrés rouges, nous nous devons de développer un esprit critique.
À prime abord, le PQ favorisait une trêve sans plus d’encombres. Peu à peu, les associations étudiantes se sont décidées à rentrer en classe à la rentrée de septembre. Ce fut surtout le fait des associations étudiantes du collégial. En effet, des menaces de faire échouer des étudiants du cégep aux portes de l’université sans plus de cérémonie ont agi sur le moral des troupes d’autant plus que les médias et l’effet du temps dissipant ont contraint ce retour en classe rentré en travers de la gorge.
Au menu, nous vivons avec les conséquences de cette même grève : reprise compressée de la session d’hiver au mois de septembre 2012, session écourtée à l’automne 2012 – 12 semaines plutôt que 15 et sans semaine de lecture (!) – et session écourtée à l’hiver 2013 pour une partie des étudiant-e-s, principalement ceux-celles qui nous viendront du cégep. Ceci n’est pas de nature à rallier l’appui des plus engagés d’entre nous.
Avec l’atmosphère du sommet qui prend des allures de conciliabule prédéterminé à l’avance, je contredirai directement l’affirmation de Michel David à laquelle il nous dit samedi le 22 décembre 2012 : «[Le PQ] pourra déjà se compter heureux si personne ne claque la porte avant la fin du sommet. Sauf l’ASSÉ, dont le départ serait presque le bienvenu pour démontrer qu’on n’a pas tout cédé aux «carrés rouges».»
Décidemment, nous n’avons pas réinventé la pensée critique en matière de détermination des consensus politiques. La compression des délais imposés pour la préparation des présentations du sommet sous forme de diapositives et la concertation «forcée» des discussions du sommet en incite certain-e-s à affirmer haut et fort le droit à la dissidence – même à l’intérieur des murs. Avec la récente décision de l’UQAM de forcer la sécurité à l’intérieur du périmètre des associations étudiantes de son institution, nous voyons le sort d’une démocratie remis en suspens.
Avant de critiquer quoi que ce soit, nous devons déterminer le pourquoi qui fonde l’expression de nos arguments à formuler. Dans le cas des détracteurs de l’ASSÉ, nous semblons – à l’instar de Michel David – «brandir» l’acronyme en argument comme suffisant en lui-même pour discréditer les objections de principe que la fédération étudiante formule. La formule de la concertation des discussions du sommet impose le consensus unanime. Ceci est de nature à simplifier la mise en perspective des raisons d’être de chaque entité qui use de son droit de parole avec toute la pensée critique nécessaire à l’expression d’une démocratie bien portante.
L’ASSÉ défend la gratuité scolaire depuis le jour 1. Elle a défendu le gel des frais de scolarité au cours de la dernière grève et ce, dans une perspective de gratuité scolaire à venir. Toute argutie de considération unanimiste traduit ex nihilo le refus d’accorder la possibilité d’un espace démocratique garantissant la liberté d’opinion et reconnaissant le droit à la dissidence à l’intérieur même du sommet.
De la même manière, je me déclarerai en opposition à ceux qui, ex cathedra, installent la dissension dans les rangs. Des militants d’Option Nationale usent d’un droit de parole à l’intérieur des instances des associations étudiantes. Il peut survenir que de telles esclandres consacrent une polarisation stérile qui mette en péril le droit des associations étudiantes d’agir souverainement et en toute indépendance de cause. Je peux bien militer pour Option Nationale, je refuserai tout de même que les considérations de parti empiètent sur la liberté d’action et de pensée des associations étudiantes autonomes en elles-mêmes.
Qu’on me comprenne bien ici : je ne répudierai pas le droit de tout orateur de s’illustrer au sommet de son art. Je m’en prendrai directement à toute personne qui nie les espaces qui font en sorte que le mouvement étudiant s’autogère. Ceux-celles qui me connaissent savent fort bien que je cautionne l’avènement d’Option Nationale. Ce qu’il faut interroger, c’est le réflexe d’impliquer les consensus de parti ou encore toute caution partisane ou d’apparat à l’intérieur des structures étudiantes. Lors de la semaine d’action internationale contre la marchandisation de l’éducation, on m’a ôté tout goût de m’impliquer étant donné que le vote fut réduit à sa plus simple expression de majorité. Or, à la même occasion, je n’hésiterai pas à interroger toute pratique de parti.
Pour résumer le tout, je consacrerai personnalité de l’année Mathieu Bock-Côté [ceci dit avec ironie et respect, surtout qu’il a défendu Richard Martineau contre vents et marées]. Comme ce dernier n’a jamais manqué une occasion de se prononcer sur la grève étudiante et le plus souvent à l’encontre de ce qui constitue la «gauche radicale», je reviendrai sur cette mention de Gabriel Nadeau-Dubois comme «excité de l’année» :
«Il ne manquait ni de talent, ni d’énergie. Il a donné [le](sic!) beau visage de la jeunesse engagé à une contestation multiforme qui devait se personnaliser pour prendre de l’ampleur. Étrange paradoxe de la CLASSE, n’est-ce pas ? La gauche radicale qui croit au mouvement des masses finit toujours par virer dans le culte de la personnalité. Il ne faut pourtant pas oublier que derrière l’angélisme de GND, on trouvait un idéologue particulièrement doctrinaire partageant la plupart des traits politiques de la gauche radicale. On peut souhaiter qu’en 2012 (?!?), l’ASSÉ, qui poursuit son combat, soit marginalisée dans la vie politique québécoise, surtout à la veille d’un Sommet sur l’éducation qu’elle s’est jurée d’instrumentaliser ou de faire capoter.»
Garder le culte de la personnalité comme le propre de la gauche radicale apparaît plutôt partial dans l’équation en cours. Il ne faut pas oublier Arielle Grenier et tous les suppôts médiatiques qui ont pourfendu et participé à cette apothéose du culte de la personnalité GND. Si paradoxe il y avait, il y a une curieuse tentative de révision du discours en cours comme on le fit dans les commémorations successives de Mai 68.
Encore une fois, j’ajouterai une combinaison de «si» : si angélisme et portée doctrinaire il y a, nous pouvons aussi ajouter l’aversion radicale de Mathieu Bock-Côté pour ce qui ne correspond pas à son sceptre d’opinions politiquement acceptables. GND peut partager une communauté d’affinités avec certains mouvements qui correspondent à ses valeurs, il n’est tout de même pas pour s’en cacher. En conséquent, nous pouvons interroger les motivations de Mathieu Bock-Côté.
Nous pourrions émettre l’objection suivante : pouvons-nous réellement parler de gauche radicale quand nous parlons du Printemps Érable? Il me semble à tout le moins que c’est dissimuler ce qui constitua la force motrice du mouvement. Être contre la hausse des frais de scolarité et contre les orientations d’une classe dominante, ce n’est pas uniquement le propre d’une gauche radicale. Je vous ferai remarquer qu’à côté de GND, nous avions les modérés Léo Bureau-Blouin et Martine Desjardins. Nous pouvons d’ailleurs parler de culte de la personnalité dans le cas de Léo. Une chance que Martine Desjardins balançait les diverses tendances même si elle a connu ses propres errements.
Au cœur de notre civilisation, nous versons dans le politically correct et traversons les extrêmes comme si de rien n’était. Pour certain-e-s d’entre nous, l’ASSÉ traduit les démons de ce politically correct qui agonise. Comme je vous l’ai démontré plus haut, on craint comme la peste tout ce qui paraîtrait doctrinaire. Pourtant, la classe dominante a dépassé toute mesure en ce qui concerne l’action politiquement acceptable.
Sous prétexte de monopole de la contrainte physique légitime, il nous faudrait tout accepter de la part de nos gouvernements et de nos institutions? Pourtant, ce ne serait pas trop demander à ces derniers de faire preuve de diligence en ce qui concerne la nécessité de réconciliation avec les diverses composantes de la représentation étudiante d’autant plus que la FECQ fait face à une crise de légitimité à l’époque post-Léo. Joyeuses fêtes!


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