Cachez-moi cette grève que je ne saurais voir!

Chronique d'Élie Presseault

Le principe de la désobéissance civile relève de la plus stricte nécessité, j’en suis aujourd’hui convaincu. Pour ma part, je me suis fait un devoir de lire Thoreau, cette référence obligée dans l’historique des théories de la désobéissance civile. Connaissant ce théoricien par l’entremise de Jack Kerouac, je fus à même de parcourir l’existence de cet écrivain du XIXe siècle qui traversa les sinuosités des tendances esclavagistes aux États-Unis. Mohandas Karamchand Gandhi et Martin Luther King s’en sont notamment inspirés au moment de situer leur action politique d’envergure. Fasciste ou pas par tendance, le gouvernement John James fait face au mouvement historique et sera révélé quant à sa propre nature.
Comme nous le savons, Amir Khadir fut arrêté cette semaine à Québec. Ce n’est pas tant le fait qu’il fût arrêté qui pose problème en soi. Ce sont les fameuses prémisses. La Ville de Québec peut se targuer et s’enorgueillir de faire fi de la loi 78. Nous ne pouvons prétendre incarner la légitimité et l’ordre quand nous arrêtons abusivement et sans vergogne. Nous ne pouvons arrêter des citoyens quand nous prétextons l’illégalité d’une manifestation sous prétexte qu’un trajet n’est pas fourni. La liberté de circulation peut tout aussi bien être revendiquée par les piétons qu’elle le serait par les automobilistes. Quel rapport de tendre une souricière aux manifestants? Ce n’est pas les justifications des policiers qui «spinnent» qui arriveront à expliquer le début d’une réalité tangible, pas plus qu’un nombre tout autant égal de policiers et de manifestants se soient retrouvés nez-à-nez. Comme si la richesse et le sort de quelque «pauvre» économie jetteraient le sort sur l’ensemble d’une population captive des politiques de richards.
Autour de la présente révolution, puisque c’en est une, la défiance apparaît comme de nouveau ton. Les forces de l’ordre et le gouvernement actuels peinent à répondre aux exigences de la présente crise. Nous faisons face à un gouvernement dont la légitimité est sans cesse remise en cause. Profitant tout à fait fortuitement et opportunément d’un contexte médiatique, le gouvernement tente la rafle pour empocher la mise à court terme. Nous avons pu le voir au moment de procéder à la série d’arrestations orchestrée afin d’écrouer notamment Yalda Machouf-Khadir, la fille d’Amir. Parlons de quelque acharnement soi-disant thérapeutique. Nous sommes collectivement imputables de nos actes. Toutefois, nous ne pouvons plus digérer cette mixture immangeable qui voudrait que quiconque s’oppose à la politique du gouvernement – ou en ce qui a trait aux procédés utilisés – soit coupable par association.
Comment cacher le vernis derrière lequel les riches et les puissants de ce monde obtiennent et régentent le sort réservé à leurs réceptions privées? En tous les cas, les Desmarais, Ecclestone et autres magnats de ce monde jalousent aujourd’hui le relatif anonymat dans lequel ils pouvaient jusqu’à maintenant évoluer. Désormais, l’entente non imposable que Bernie voudrait par hasard se farcir à nos frais risque de tourner à la mascarade. Toute honte bue et contenue jusqu’à la lie risque d’éclater de plus belle. Nous assisterons aux formidables démentis et aux échappatoires de nature fiscale à conjurer de plus belle, le peuple n’est plus aussi dupe qu’il l’était.
Étrangement, la nudité nous réconcilie avec un aspect plus humaniste. Autant cette nudité peut choquer et aveugler les colères mal contenues, elle nous renvoie à la lorgnette du voyeur sociétal et concupiscent. Un peu de tenue, me direz-vous! Pour ma part, je n’ai pas eu la chance d’être présent à une de ces occasions. La présente grève m’a permis, à partir du 22 mars dernier, d’évoluer mentalement face à la perspective de la nudité dans l’espace public. Par devers l’ampleur du mouvement et l’usage de la nudité comme mode de revendication sociétale, le Québec explore un nouveau sentier dans l’histoire des luttes révolutionnaires dont il est issu. Par nature, la nudité est pacifique. En son propre genre, la nudité répond à un certain attribut de la désobéissance civile. Nous avons le devoir de nous ouvrir à ces horizons nouveaux et inculquer un certain sens du respect dû à des mœurs sociétales qui encouragent sans nuance l’inhibition et censurent à qui mieux mieux.
En rétrospective, le jour n’est pas encore venu. Collectivement, nous nous devons de briser les barrières qui nous encerclent et guider le peuple comme nous le pouvons. Condamner la désobéissance civile à tort et à travers, c’est jeter le bébé avec l’eau du bain. Nous avons le devoir d’interpeller les consciences et susciter le réveil des politicien-ne-s et des activistes sociaux qui sommeillent en nous. Avant tout, il nous faut cheminer en tant que société. À défaut d’avoir vu le jour, le mouvement qui se dessine dans la perspective d’une indépendance à atteindre se retrouve en nous. Quiconque prend conscience se surprend soi-même et affronte de plus belle les tempêtes devant nous.


Laissez un commentaire



4 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    12 juin 2012

    J'ai trouvé ce site que je ne connaissais pas:
    L'indignation en chiffres et en aberrations
    http://www.liberaux.net/

  • Élie Presseault Répondre

    12 juin 2012

    Didier,
    Je réponds finalement quelques jours plus tard. Si les policiers n’entendent pas rire, ça va être long pour ceux-ci de se rendre compte du discrédit qu’ils ont accumulé au sein de la population. D’ailleurs, Marc Parent du SPVM vient de faire une ronde de relations publiques. Nous verrons bien qui tiendra le bout du bâton.
    Les policiers exécutent les ordres qui leur viennent. Toutefois, ils ne sont pas tenus d’obtempérer à tout bout de champ, surtout s’ils en viennent à douter du bien-fondé de quelque intervention que ce soit. Bien évidemment, ils sont en devoir. Il y a un décorum à respecter. Si le gouvernement perd le terrain de l’opinion publique, le rapport des forces en présence peut en venir à changer.
    Un intervenant a pris fait et cause en faveur du texte que j’ai écrit. Il s’est plus avancé sur le terrain du comportement des policiers à l’étranger, notamment à Francfort. Pour ma part, j’estime que le comportement du gouvernement John James au cours des derniers jours a été plus répréhensible qu’autre chose. Peu importe ce que la population pourrait être parfois exaspérée par la longueur de la grève, nous pouvons en appeler à sa sagesse. Argenteuil ne suffira pas vraisemblablement.

  • Gabriel Proulx Répondre

    10 juin 2012

    Cher Didier,
    Suite à cet excellent texte d'Élie Presseault, tu as décidé de défendre les policiers, comme le font systématiquement d'autres individus beaucoup moins bien intentionnés que toi. Malheureusement, je dois te dire aujourd'hui que ton commentaire est assez naïf et voici pourquoi :
    Tu as dit : « Les policiers sont obligés de faire appliquer la loi. Eux ne peuvent se payer le luxe de la désobéissance civile. »
    Ils pourraient pourtant facilement se payer le « luxe » de « caller malade » en bon québécois, ce qui leur permettrait de ne pas avoir à tabasser des citoyens pacifiques, tout en passant un peu de temps avec leurs familles, qui leur manquent supposément. Les manifestants, eux aussi, ont des familles. Je vais aussi te référer à cette vidéo parue récemment sur Vigile, montrant des policiers allemands retirer leurs casques et marcher aux côté d'une manifestation anticapitaliste regroupant plus de 20 000 personnes à Frankfurt. Un bon exemple d'humanisme et de solidarité pour un bon paquet de policiers québécois qui n'ont montré aucun signe de ces qualités jusqu'à maintenant, préférant suivre les ordres, en bons larbins, jusqu'à tabasser au sang, à 4 contre 1 d'autres humains qui ne représentent pas la moindre menace pour eux.
    Tu as également dit : « Ils sont obligés de se transformer en brutes capitalistes, à l’image de ceux pour qui ils travaillent. »
    Non, Didier, personne ne les a obligé à choisir ce chemin. Ils se sont eux-mêmes mis dans cette situation. Quand tu choisis d'adhérer à l'escouade « anti-émeute », ou « escouade tactique » de la SQ, du SPVM et du SPVQ, tu choisis de devenir le bras armé de la bourgeoisie et d'avoir le droit de matraquer, poivrer et gazer tes concitoyens pacifiques si ces derniers ne font que te regarder de travers. Un policier anti-émeute, moins qualifié qu'un policier ordinaire, ne sera toujours rien d'autre qu'une brute épaisse qui intimide et terrorise, sous l'excuse de « suivre les ordres », un prétexte non valide selon le tribunal de Nuremberg.
    Enfin, tu termines ton intervention par ce paragraphe : « Mais je crois bien qu’il y a bon nombre de policiers qui trouvent eux aussi que bien des choses ne tournent pas rond au Québec. Ce sont eux aussi des citoyens qui ont des opinions. Ces pauvres policiers sont vraiment dans une situation difficile par les temps qui courent. »
    Sans doute, mon cher Didier, qu'ils ont leurs propres opinions. Sans doute même qu'ils ne sont pas tous d'accord avec ce que leurs patrons leur demandent de faire. Dans ce cas, je les invite à venir manifester avec le peuple. Par contre, je te demanderai poliment de retirer ton propos sur la « difficulté » de leur situation.
    Les habitants des pays que l'OTAN envahit, eux vivent une situation difficile, cauchemardesque même. Nos frères palestiniens subissent des épreuves difficiles, à chaque jours, à travers les dizaines de points de contrôle, rien que pour se rendre au travail, à l'école ou à l'hôpital. Ils se font aussi agresser et assassiner par des colons fanatiques et des soldats israéliens fascistes, qui font bien plus que simplement obéir aux ordres. Les pauvres et les déshérités de ce monde subissent des situations difficiles. Les manifestants pacifiques qui se font profiler, matraquer, poivrer, gazer, arrêter et arnaquer de plusieurs centaines de dollars pour avoir « osé » exprimer leur opinion, eux vivent une situation difficile.
    Les policiers, eux qui ont droit à tout les abus, ne vivent pas une existence difficile. Ils vivent une existence de pouvoir, adulés par les médias bourgeois pour leur travail de bras armé de la bourgeoisie, qui sait bien les récompenser pour le sale boulot qu'ils accomplissent sous l'excuse hypocrite de « protéger et servir ». Tout ce qu'ils ont à faire, si jamais leur conscience leur dicte enfin d'arrêter de tabasser et d'abuser de leurs compatriotes, c'est de ne pas rentrer travailler.
    J'aurai de la compassion pour les policiers le jour où ils choisiront enfin d'écouter leur conscience, d'arrêter de tabasser, d'intimider et d'abuser de citoyens pacifiques et surtout, le jour où ils arrêteront de protéger leurs collègues violents, le genre de déchets humains qui se mettent à 4 contre 1, des gorilles en armures pour agresser physiquement des citoyens sans défenses qui appellent à l'aide.
    En attendant ce jour, cher Didier, les policiers qui continuent d'obéir aveuglément aux ordres en affichant des sourires baveux, ceux-là ne méritent que le mépris du peuple.

  • Archives de Vigile Répondre

    8 juin 2012

    Le problème de la désobéissance civile, c'est que les policiers n'entendent pas à rire avec ça.
    Les policiers sont obligés de faire appliquer la loi. Eux ne peuvent se payer le luxe de la désobéissance civile. Ils ne peuvent pas mordre la main qui les nourrit. Ils sont obligés de se transformer en brutes capitalistes, à l'image de ceux pour qui ils travaillent.
    Mais je crois bien qu'il y a bon nombre de policiers qui trouvent eux aussi que bien des choses ne tournent pas rond au Québec. Ce sont eux aussi des citoyens qui ont des opinions. Ces pauvres policiers sont vraiment dans une situation difficile par les temps qui courent.