Révolution à venir : un printemps québécois?

Vers la gratuité scolaire

De la nécessité des mutations politiques

Tribune libre

En bon Vigile, je développerai plusieurs thèmes autour de l’idée centrale de l’indépendance du Québec. Depuis lundi, je suis officiellement en grève sur le plan scolaire. Plus de 700 personnes se sont prononcées à mon association facultaire étudiante pour signifier le début de l’entrée en grève. La salle était particulièrement animée et les applaudissements fort bien nourris. Revenons sur les entrefaites de mon impulsion créatrice déclenchée hier après-midi. Il était notamment question de la parution de certains ouvrages sur Robert Bourassa de la main des Georges Hébert-Germain et Jean-François Lisée. J’y reviendrai entre autres sujets de prédilection.
Historiquement, j’ai de plus en plus cru à l’éventualité stratégique de s’allier à l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ) à partir du moment où nous envisagions les perspectives de la lutte étudiante en marge de la grève des professeurs à l’UQÀM à la session hiver 2009. Je signifiai en deux occasions opportunes qu’il serait important d’y accorder quelques efforts substantiels. Comme le bal du dégel des frais scolaires reprenait de plus belle, il nous fallait renouer avec le Québec d’après la Révolution tranquille particulièrement au moment où une crise économique commençait à exercer certains ravages.
Revenir sur les entrefaites… il vient des moments dans le destin d’un peuple où il nous faut trancher sur le vif de plusieurs débats, quitte à créer la polémique. Pour ma part, Option Sourde est un alma mater qui revient constamment pour me guider. Dans la situation opportune de la question du financement de l’éducation publique au Québec, je me dois de contredire ce qui fut l’un des dogmes popularisés par le Parti Québécois qui n’en avait que pour le gel des frais de scolarité. Là encore, après avoir signifié quelques désaccords stratégiques avec certaines communications politiques émises par les Françoise David et Jean-Martin Aussant, je me dois de contredire Pauline Marois sur cette question de principe. Nous ne pouvons plus parler tout simplement de gel des frais de scolarité, oui, nous pouvons reporter un sommet aux calendes grecques, mais, mais non… il n’y aura pas de mais. La question de la gratuité scolaire se doit d’être débattue.
De Roosevelt à Lesage, nous avons pu apprécier le relatif retrait d’où se plaçait le Québec par rapport aux mouvances politiques de tendance réformiste et révolutionnaire. Tardivement, nous avons réformé ce qui constituait d’héritage de l’État-providence. Envisagez seulement que nous nous plaisons parfois à idéaliser Otto von Bismarck en certaines régions du monde, ce chancelier allemand de la fin du XIXe siècle qui a forgé le principe de redistribution et du partage de la richesse. De Duplessis à Charest et en passant par les Legault et Deltell, nous avons eu un avant-goût de ce qui se trame de tendance contre-révolutionnaire. Jurerons-nous autant pour le dogme du gel des frais de scolarité ou encore pour le bradage de l’accessibilité aux études? Là encore, il nous faut dire un «non» tout aussi énergique que décisif.
Quand - au moment de rédiger le discours que j’adressais à l’intention du Moulin à paroles du 23 juin 2010 - j’ai choisi de citer certains passages discursifs, c’est toujours avec un esprit de réplique. Le pouvoir d’un discours peut nous amener à élever le débat au-delà de certaines rivalités primaires. Au sein de la communauté sourde, Raymond Dewar est le leader qui aura su rayonner par la force même d’un discours et de certains passages percutants. La citation qui lui est le plus souvent attribuée se cite de la manière suivante :
« Désormais, nous avons cessé de nous laisser modeler. Nous sommes sourds et avons pris conscience de notre différence. Nous sommes nous-mêmes. Oui, nous avons cessé de faire semblant d’entendre. »
Avant même Jean Lesage, Paul Sauvé - le successeur de Maurice Duplessis à la tête de l’Union Nationale - aura débuté à chaque jour un discours par le mot-clé «Désormais» qui préparait le terrain à la Révolution tranquille naissante. Nous pouvons souvent maudire le règne de Duplessis à la tête de la province de Québec, il aura au moins permis à plusieurs personnages politiques de grande importance de s’illustrer outre lui-même, soit les Paul Sauvé et Daniel Johnson Sr. En outre, les libéraux de Lesage n’auraient pas pu rêver d’une meilleure brèche historique dans laquelle s’engouffrer.
Ainsi donc, la puissance d’un discours se révèle à la faveur d’un momentum. Quand - au moment de paraphraser Robert Bourassa - je reprends la formule «Quoi qu’on dise et quoi qu’on fasse», je savais fort bien que le dossier de la langue française était entre les mains du gouvernement Charest. Je relançais à ma manière la force d’une polémique. Là-dessus, les événements ultérieurs ne viennent que de concrétiser le gouffre en marge duquel le gouvernement s’est peu à peu éloigné des préoccupations québécoises. La démission de Pierre Curzi est venue confirmer l’importance d’assumer un leadership politique sur la question de la langue française.
De nos jours, il est tentant de s’intéresser aux nouvelles mouvances politiques qui prennent le relais des partis politiques traditionnels. Avant même de m’avancer sur quelque sujet, ceux qui me lisent régulièrement sauront sans doute que j’apprécie les Amir Khadir et Pierre Curzi. Le premier est un polémiste de première tandis que le deuxième a tout d’un franc-tireur. Leurs discours colorés m’interpellent dans la mesure où ils dégagent des perspectives nouvelles. Nous pourrions fort bien objecter que l’étiquette de Québec solidaire se limite avant tout à un cadre strictement provincial, nous devons quand même aller au-delà des apparences.
Récemment, je vous interpellais sur la nécessité et l’éventualité d’intégrer les rangs d’ Option Nationale. Pour ma part, je considère que le statut quo actuel sur la question nationale exige d’user de la tactique du principe des contrepoids. Plus nous serons à nous élever sur la question nationale et à proposer des avenues nouvelles, plus nous saurons tirer parti d’une certaine conjoncture en cours. Malgré les embûches et les obstacles historiques, la nature humaine doit suivre son cours. J’aurai beau lire, apprécier certains bienfaits liés à l’existence de Québec solidaire et chérir certains faits d’armes du Parti Québécois, je crois que la conjoncture actuelle exige de choisir un camp. Saurons-nous nous accommoder du statut quo ou encore tenterons-nous de rester fidèles au sens de nos idéaux en matière d’indépendance nationale? Poser la question, c’est y répondre.
Entre le Général de Gaulle et Robert Bourassa, il y a un monde de différences. Pourtant ceci n’a point empêché le second, à l’instar de Justin Trudeau, de puiser dans un vocabulaire qui tend à un certain univers familier aux indépendantistes québécois. La récente tentative de résurrection du RIN peut être mise en parallèle avec l’existence d’Option Citoyenne et du SPQ Libre. Le RIN peut fort bien avoir précédé les mouvements qui l’ont suivi dans l’ordre, le SPQ Libre n’en paraît qu’encore plus vieillot. À l’époque, j’avais accueilli avec scepticisme la fondation du SPQ Libre. Il n’en persiste pas moins à se tenir loin de la langue de bois et à nous rappeler une sensibilité syndicale. Les ponts sont-ils pour autant brûlés entre le PQ et SPQ Libre? Il ne faut rien tenir pour acquis.
Comment sauter du coq à l’âne comme je viens de le faire de long en large dans ce texte? Jean-François Lisée vient de s’acquérir un capital de sympathie de ma part. Il peut fort bien paraître quelque peu caricatural avec sa métamorphose humoristique, il n’en persiste pas moins à m’insuffler une certaine nécessité d’investir le champ de l’histoire politique. L’Aut’Journal peut tout autant maudire qui il voudra – et en cela, je ne démens point mes affinités envers cette publication pionnière –, il nous faut faire preuve d’un sens politique et d’une conscience de l’histoire. Nous n’en serons que plus garants dans le cadre de la lutte en vue de concrétiser les paramètres de la gratuité scolaire, envers et contre tout ce qui bouge à droite d’un certain sceptre politique.


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3 commentaires

  • Élie Presseault Répondre

    19 février 2012

    JCPomerleau,
    Financement public… comme je le dis dans ma réplique à Michel, nous ne parlons point de réinvestissement en ce moment, mais plutôt d’un état de désinvestissement des ressources destinées à l’éducation publique, que nous puisons de plus en plus dans la poche de nos étudiants. Un point de non-retour fut atteint avec cette deuxième vague de hausses autoproclamée par les décideurs sans le consentement des premiers concernés, les étudiant-e-s.
    Politiquement, peu importe le parti en place, il faut une réelle option nationale. Le débat doit se mettre en place et le déni de s’arrêter. La gratuité scolaire offerte aux étudiants quand ils étudient inclusivement du primaire jusqu’à la possibilité d’un doctorat est envisageable. Pour les détails de recettes fiscales à aller chercher éventuellement, ceci s’applique au même point que l’éventualité d’une alternative au pouvoir en place. Pour le moment, il est important d’écouter les étudiants que nous sommes et comprendre l’état d’impasse dans lequel la situation politique en cours nous place. Nous voulons une solution viable à long terme pour nos préoccupations étudiantes et cesser de nous inquiéter quant à l’éventualité d’une dette étudiante croissante.
    Induire une mesure de différenciation des frais scolaires poserait préjudice au principe de l’égalité des chances. En situation de véritable gratuité scolaire étudiante, tous un-e et chacun-e trouve le moyen de se consacrer à quelque future vocation et non pas planifier nos capacités de rembourser au fur et à mesure nos dettes étudiantes. L’impôt sert à financer des programmes sociaux de qualité et c’est pourquoi nous avons toujours l’opportunité de choisir une politique qui respecte le principe de l’accessibilité aux études et qui nous permet de développer une relève viable sans que les soucis et inquiétudes affligent le moral de nos réalités d’étudiant-e-s. Restreindre et rendre coûteuse l’accessibilité aux études, c’est hypothéquer le futur de la nation québécoise.

  • Jean-Claude Pomerleau Répondre

    19 février 2012

    Gratuité, il n'y a a rien de "gratis" dans la vie. Il faut plutôt parler de financement publique de l'éducation. La facilitation de l'accès aux études est une stratégie d'État qui vise à tirer le maximum de citoyens vers le haut. Ce thème mérite un vrais débat.
    En attendant, le choix qui s'offre est une hausse des frais de scolarité si le Parti Québécois ne prends pas le pouvoir. Et il risque moins de le prendre avec la division du vote.
    Oui, mais le Parti Québécois ne veut pas la souveraineté, la preuve il ne parle pas d'indépendance.
    La souveraineté il ne s'agit plus d'en parler ,il s'agit de la faire. Et ça commence par la prise du pouvoir. À moins qu'on me démontre qu'il y a une autre voie. Auriez vous des suggestions "quecun".
    JCPomerleau

  • Michel Pagé Répondre

    19 février 2012

    ....Il faudrait revenir sur la notion de gratuité. La gratuité, ça n'existe pas. Il y a un problème d’éthique de la redistribution de la richesse collective à offrir à des étudiants de disciplines ouvrant à de très hauts salaires défrayés par les citoyens ( médecins, spécialistes, juges, etc..) qui oublient dès leur promotion qu’ils ont une dette envers la société, et réclament la parité de rémunération avec les collègues d’autres provinces où ils auraient pourtant dû payer très cher leur formation universitaire.