Prophétiser une éventuelle alliance?

Tribune libre

Réalisme politique oblige, l’éventualité de former une alliance entre les partis souverainistes finira par s’imposer dans une fenêtre que j’estime au plus tard d’ici cinq ans. Au mieux, cette option se fera valoir d’ici les prochaines élections ou encore, dans le cas de l’élection d’un gouvernement minoritaire, d’ici deux-trois ans. Dans le pire des cas, la révision de la carte des partis permettra à un parti de droite de détenir le haut du pavé d’ici l’échéance fatidique de cinq ans.
À l’aune du présent conflit étudiant, la notion de récupération politique du mouvement est bel et bien présente. Au-delà de cette polarisation politique autour des enjeux de la lutte étudiante, nous faisons face à la corruption et à la perte de légitimité croissante du PLQ. Paradoxalement, la récupération du réflexe sécuritaire au sein de la population gonfle – fût ce même artificiellement – les appuis au PLQ. Nous avons pu le constater au lendemain de la démission de la ministre Line Beauchamp. La complicité patente entre les John James et Michelle Courchesne de ce gouvernement ont permis de relever ce dispositif de légitimation d’un statut d’appui politique, même en cas de corruption et de collusion avec les amis du pouvoir.
Fut ce même de terme éphémère, la machine électorale opportuniste du gouvernement John James a prouvé son efficacité par le passé. Aujourd’hui même, nous sommes dans un no man’s land électoral. Depuis 2008, l’aggravation de la crise de la légitimité politique du gouvernement libéral n’est plus à démontrer. Artificiellement, deux fronts sont mobilisés afin de tenter une éclipse de ces enjeux immédiats.
Tout d’abord, l’omerta subsiste autour des pertes de la Caisse de dépôts et de placements du Québec (CDPQ). Mario Dumont fut éliminé du portrait à la faveur de la défaite électorale de 2008 et François Legault a tu ses critiques en la matière au moment de se constituer transfuge politique. Par la suite, au moment de la consécration du NPD le 2 mai 2011, nous avons tapé sur le clou de la polarisation du vote gauche-droite plutôt que fédéraliste-souverainiste. Indubitablement, l’appui accordé au NPD traduisait une volonté de faire table rase du surplace politique et qui pérennisait de façon indélébile la dualité politique Québec-Canada.
Au cours des années récentes, le Canada et le gouvernement du Québec jouent un mauvais rôle au point de vue d’une réputation internationale. Les appuis consentis à Stephen Harper, le gouvernement John James et leurs alliés objectifs cautionnent de près ou de loin l’agenda de droite mis de l’avant par les idéologues et acteurs qui contribuent dans les secteurs-clés de la finance, des diverses industries et des médias néocapitalistes. Le mot d’ordre est de sabrer dans les acquis de la social-démocratie et consentis au tournant d’une Révolution tranquille, dynamique s’étant mise en place aux lendemains de la deuxième guerre mondiale.
L’éventuelle planche de salut semble passer par le Québec et/ou l’alternative d’une alliance entre les mouvements sociaux de gauche s’illustrant à l’échelle pancanadienne et internationale. Bien sûr, cette définition prise au pied-de-la-lettre condamnerait d’emblée la portée auto-réalisatrice de quelque prophétie à venir. Quoi qu’il en soit, le printemps d’érable recèle en lui les nécessités d’une alliance inter-partisane au niveau québécois. Le relatif silence du NPD et des partis CanadiAn quant à la grève étudiante québécoise nous inculquent de nous prendre en main collectivement et de compter sur les nôtres ici-même au Québec.
Lors de leur couverture de la grève étudiante, les médias corporatistes et de droite ont fait leurs choux gras des alliés objectifs de la grève étudiante. Nous avons largement laissé place au dérapage et à la légitimation d’une violence symbolique à l’égard de l’ensemble des porteurs du carré rouge. Pauline Marois et la famille Khadir ont pour leur part fait les frais des tenants du statut quo actuel. Bien sûr, cette offensive de la part de la droite néofédéraliste et unitariste CanadiAn a permis aux opportunistes de tout acabit préfabriqués par l’industrie médiatique de continuer à sévir.
Strictement d’un point de vue à court terme, Pierre Curzi semble mal venu de forcer le brassage des cartes politiques québécoises. En réalité, les acteurs politiques qui se sont illustrés au cours de la dernière génération parviennent au stade ultime de leur durée de vie politique. Il serait malséant de les contredire à tout bout de champ de nos jours. Quoi qu’il en soit, les Pauline Marois, Gilles Duceppe, Thomas Mulcair, Jean Charest, Michelle Courchesne et Sylvain Simard incarnent ce qui forcera un éventuel chemin de traverse politique. Amir Khadir et Jean-Martin Aussant semblent prendre part à ce vent de renouveau nécessaire.
À court terme, le Parti Québécois détient l’opportunité de capitaliser sur certains gains. Toutefois, le temps ne semble pas être de son côté. Encore une fois, je vous mets en garde contre ce qui constituerait une vertu auto-réalisatrice de quelque prophétie à venir. Si Pauline Marois et Gilles Duceppe continuent de poser en dénégateurs de conscience, ils risquent d’en payer le prix politique un jour. La politique ne se limitant pas aux intentions idéologiques, nous pouvons également envisager des actions politiques qui s’incarnent dans le présent et l’avenir de quelque posture assumée. Si le passé est garant de l’avenir, la conduite actuelle des ténors de la souveraineté exige une capacité de vision à long terme et ressortant de l’éternel ressassement du carcan provincial.
Encore une fois, je ne prétends pas à quelque statut de prophète. Il me semble que la récente intervention de Patrick Bourgeois tend à passer une branche d’olivier à Amir Khadir. Bien sûr, le courage politique est une donnée difficilement quantifiable et à portée de sondages à court terme. Chose certaine, Amir Khadir s’est attiré l’admiration de certain-e-s des plus résolu-e-s d’entre nous. Par contre, l’avenir des partis politiques et de leurs principaux acteurs et actrices est difficile à prédire. Toutefois, l’éventualité de quelque alliance semble passer par une réforme du scrutin à la proportionnelle. Il nous saute aux yeux que les tiers partis émergents à l’instar de Québec solidaire et d’Option Nationale risqueraient d’y trouver leur compte à condition que cette réforme soit bien posée et avec les acteurs adéquats.


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4 commentaires

  • Élie Presseault Répondre

    21 juin 2012

    Laurent,
    À ce que je vois, tu reprends le clip pour relancer à nouveau la controverse. Ceci dit, que ce soit clair ici : Option Nationale a ma faveur. La dernière élection partielle m’a convaincu quant à leur approche préconisée. Vous savez sans doute que dans ses statuts, Option Nationale s’ouvre à l’idée d’explorer toutes formes de partenariats et d’alliances.
    Depuis la création de Québec Solidaire, les souverainistes se sont sentis bousculés dans leur calendrier et leurs aspirations de voir un pays de leurs vœux un jour. Idem pour Option Nationale qui a à son tour bousculé les tenants de Québec Solidaire en plus du PQ. C’est sans compter la CAQ dans la donnée.
    La présente grève étudiante fut convoquée à un point critique de l’histoire du Québec. Après neuf ans de régime John James, il était enfin question de remettre en doute des façons de faire et sonner la fin de la récréation du gouvernement. À sa manière, Québec Solidaire a investi beaucoup d’énergies dans une vigoureuse opposition de l’œuvre du gouvernement. Le PQ ne fut pas en reste et il a démontré qu’il avait les effectifs pour former à son tour un gouvernement.
    Il sera sans doute difficile de faire le post mortem de l’élection du NPD le 2 mai 2011 pour les souverainistes qui tenaient coûte que coûte à maintenir le Bloc dans la même capacité ad vitam aeternam. Nous notons une dureté dans le ton et dans la manière d’envisager les fidélités et les épreuves souverainistes. Il ne m’apparaît pas de bon aloi de questionner outre mesure les choix du peuple québécois. Nous devons nous remettre à l’ouvrage pour favoriser l’indépendance du Québec.
    Pour l’instant, il nous faut labourer et explorer les sentiers qui mèneront à notre démarche éventuelle d’accession à l’indépendance. Il est grand temps d’éclaircir le destin du peuple. Ceci passe inévitablement par quelque forme d’alliance et de collaboration entre les partis souverainistes. Nous ne pouvons pas rejeter de la main tout scénario qui ferait avancer le pays.

  • Laurent Desbois Répondre

    21 juin 2012

    Lors du débat entre Option Nationale, Québec Solidaire et le Parti Québécois, sur les stratégies et moyens d’accession à l’indépendance du Québec
    http://www.youtube.com/watch?v=X4bSBn5awsE&list=HL1328560042&feature=mh_lolz
    Quand Saillant QS a demandé à Aussant ON pourquoi il ne se joint pas à QS.
    Aussant lui a répondu qu’il avait beaucoup de misère avec un parti ou le chef se réjouit de l’élection de soixante députés fédéralistes à Ottawa !
    Tout ce que Saillant a su répondre, C’est que Qs n’avait pas de chef ! Euphorie généralisé dans l’auditoire !
    Christian Montmarquette, QS : "Parce que pour dire des niaiseries Aussant ne donne pas sa place" 12 mars, 2012

  • Archives de Vigile Répondre

    19 juin 2012

    "Le relatif silence du NPD et des partis CanadiAn quant à la grève étudiante québécoise nous inculquent de nous prendre en main collectivement et de compter sur les nôtres ici-même au Québec."
    En effet!!!
    Il est aussi exact que la preuve est faite de la nécessité d'introduire la proportionnalité dans notre système électoral ainsi que de limiter le nombre de termes à deux pour TOUS les élus et à TOUS les niveaux.
    Cependant par quel moyen peut-on réaliser ces objectifs puisqu'ils nuisent aux intérêts privés et de parti des mêmes individus qui devraient les mettre en place pour le bien public?
    Encore une fois notre "démocratie" privilégie le privé sur le public.

  • Archives de Vigile Répondre

    19 juin 2012

    C'est absolument nécessaire d'améliorer le mode de scrutin
    pour améliorer la démocratie qui laisse à désirer en ces temps nouveaux.