Un militant péquiste n’est pas un militant comme les autres

Tribune libre - 2007




Nombreux sont les journaleux gescatiens à avoir décrit, non sans une certaine jouissance, la crise qui sévit ces jours-ci au PQ. Plusieurs s’amusaient de voir les militants péquistes attaquer leur chef à quelques semaines d’une élection… compromettant ainsi une victoire considérée comme acquise, il n’y a pas si longtemps. Il est évident que pour ces gratte-papiers fédéralistes, le comportement des militants du PQ semble dépourvu de toute logique… C’est que tout habitués à se vendre à un parti, ils n’ont aucune idée de ce que représente le sens de l’engagement envers un parti, pour un indépendantiste.

Celui-ci n’a que faire du pouvoir s’il n’a pas la conviction qu’il le mènera à la fin pour laquelle il milite. Il ne s’engage pas dans une élection dans l’espoir d’une enveloppe brune et généreuse, ni dans l’attente de quelque privilège ou emploi, comme dans un parti fédéraliste comme le PLQ. C’est la différence entre les militants d’un parti fondé sur un idéal et les militants d’un parti fondé sur le pouvoir et l’argent. En dehors de la cause, les militants péquistes sont des citoyens comme les autres, qui possèdent un large éventail de valeurs s’étalant d’un bout à l’autre du spectre politique. S’ils n’ont pas foi en la volonté ou la capacité du PQ de réaliser l’indépendance, RIEN ne les retient au PQ : ils voteront pour un parti ou un autre avec, comme seul critère, ce qu’ils croient être le meilleur choix en terme de gouvernance.

Le militant indépendantiste n’acceptera jamais l’inacceptable, comme les militants du parti Libaral, pour montrer cette unanimité de façade visant à ne pas nuire au parti. Ainsi, la privatisation d’Orford n’aurait jamais pu se faire avec des militants péquistes : ils n’ont pas cette obligation de docilité que commande l’attente d’une récompense ou d’une place au soleil. Ce sont de véritables citoyens qui recherchent le bien commun et l’épanouissement collectif. Ces valeurs commandent, quant à elle, la dissidence et la désobéissance en cas d’erreur ou d’égarement des dirigeants péquistes.

Je me rappellerai toujours d’un conseil national sous Lucien Bouchard, où la privatisation d’aqueducs, vaguement évoquée par l’establishment, avait provoqué une révolte générale et une pluie d’insultes chez les délégués présents… Je me rappellerai toujours du jeune Villeneuve, représentant jeune de son comté, tenant tête publiquement à son propre député, Jacques Brassard, dans le dossier des mini centrales électriques privées. C’est là l’exemple le plus éloquent de ce qu’est un militant indépendantiste : il ne pense pas en termes de carrière, il pense en termes d’idéal. Au PQ, on entre dans l’aile jeunesse pour militer. Au PLQ, on entre pour faire une carrière, obtenir des récompenses et de l’avancement, quitte à renier ses convictions profondes, ce que n’accepteront jamais de faire les indépendantistes puisqu’ils tiennent, pour eux-mêmes, à la même liberté qu’ils souhaitent pour leur peuple tout entier. Cette liberté n’a pas de prix! Bien sûr, il existe au PQ des suiveux et des carriéristes, nous ne les nommerons pas ici. Les péquistes n’aiment pas les chiens de poche, c’est peut-être ce qui explique que l’appui à la souveraineté est plus populaire que le PQ. C’est ce qui arrive quand ils ont l’impression de supporter des gens qui placent leur prestige personnel avant la cause.

Cependant, la prise de pouvoir est nécessaire à l’indépendance et l’expérience passée nous montre bien que le siège des commandes est un siège éjectable. Ce serait bien qu’il ne serve qu’après l’élection et que les dirigeants actuels ne précipitent pas, par leur incurie, leur maladresse et leur irrespect, l’exaspération irréversible des militants. Faire de l’indépendance la clé de voûte des autres éléments de la plateforme électorale serait sûrement un signe de bonne foi apprécié par les militants du PQ. En tant que parti indépendantiste, il serait peut-être temps d’insister sur l’URGENCE de faire la souveraineté plutôt que d’attendre vainement que le peuple la réclame dans la rue.
Frédéric Labrie
Site recommandé:http://www.vigile.net


Laissez un commentaire



1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    5 février 2007

    Ah enfin! Un texte clair et limpide. Tout le monde avisé sait cela, mais personne n’avait osé le dire. Tout à fait d'accord avec M. Labrie. J’ajoute la réflexion suivante. Pas une semaine ne se passe sans qu'un commentateur politique, un artiste, un animateur radio, un ancien député, et alouette! ne nous bassine le fameux: Ah ces « péquisses» qui mangent leur chef! La dernière en date, quoique sur un ton différent, eh bien est de Lise Payette en personne qui, en parlant des péquistes et de leur chef, André Boisclair, dit d’eux qu’«ils l’ont voulu, ils l’ont eux». Eh ben justement, parmi tous les militants que je connais, pas un ne voulait Boisclair comme chef. C’est drôle comme ça nous est passé par-dessus la tête, à nous, les militants, les « péquisses ». Mais comme pour beaucoup d’autres choses, il faudra sûrement attendre des années avant que l’on commence à scruter les dessous de cette élection d’André Boisclair à la direction de PQ. En attendant, solidarité oblige…