Un débat décisif

PQ - stratégie revue et corrigée



Le Parti québécois est le seul parti au Québec dont la raison d'être soit notre accession à la souveraineté nationale. Ce parti porte donc une grande responsabilité historique et aussi un lourd fardeau: sa vision du chemin à parcourir et sa détermination à le parcourir, dans le contexte où les différents sondages indiquent que la moitié de la population est toujours -- et je dirais presque malgré tout -- favorable à la souveraineté, seront déterminantes pour la suite des choses. Pour les militants de ce parti, mais aussi pour tous les Québécois, le débat annoncé par André Boisclair sera donc décisif.

La récente défaite électorale a d'ailleurs moins à voir avec les qualités et défauts du chef qu'avec l'ineptie du positionnement politique du parti. En effet, c'est d'abord l'impuissance, sinon le refus, du gouvernement du Parti québécois, dont je faisais partie, de relancer le combat pour la souveraineté dans les années qui ont suivi le référendum de 1995 qui aura créé les conditions du vide actuel, vide dans lequel s'est engouffré l'ADQ. Qu'est-ce qui aurait empêché alors le gouvernement du Parti québécois au pouvoir d'adopter une constitution québécoise, d'exiger la fréquentation pour les nouveaux arrivants du cégep en français, de créer une carte d'identité nationale relative à l'État civil de juridiction québécoise, de forcer le jeu des relations fédérales-provinciales dans un dossier comme, par exemple, celui des congés parentaux?
Le dernier congrès du parti aura malheureusement rajouté à cette paralysie. Loin d'un débat des idées, nous aurons plutôt assisté à un rendez-vous manqué avec l'Histoire. La démission de Bernard Landry aura occulté l'incapacité des délégués à tirer les leçons des années passées par le PQ aux commandes du gouvernement de la province; des acquis, mais aussi des limites de cet exercice. Pourtant, la situation politique du Québec commandait une réflexion en profondeur sur la nature et la vigueur du combat politique à mener pour atteindre nos objectifs.
Les résolutions adoptées prévoyaient certes la tenue d'un référendum au cours de la première partie du mandat, comme si l'enjeu tenait à la seule date. Mais on s'est aussi immédiatement précipité pour ajouter qu'un gouvernement du Parti québécois ne poserait, une fois élu, aucun geste, sauf les gestes absolument nécessaires pour promouvoir son programme. Malgré tous les signaux allant dans le sens contraire, les dirigeants du parti ont volontairement mis en veilleuse toute promotion de notre option, de son urgence, des raisons qui militent en sa faveur. Bien sûr on a bien consenti à en parler un peu au moment de la campagne électorale, histoire de ramener les troupes au bercail, mais c'était trop peu, trop tard. En fait de plan de match, c'était plutôt mince.
André Boisclair a raison: on ne peut se contenter, en matière de stratégie politique, de répéter pour une quatrième fois la démarche des années passées, sous peine de subir un autre cuisant échec. Mais les conclusions qu'il en tire, lui et bien d'autres, soit de ramener les enjeux à devenir un simple parti de l'alternance -- un parti dont les membres pourraient toujours continuer d'espérer qu'un jour, qui sait, la souveraineté serait, comme de façon naturelle, au rendez-vous -- mènent tout droit au déni des raisons d'être de ce parti et des motifs de ses membres pour y militer. On s'engage en politique, surtout lorsque la souveraineté d'un peuple est la raison de cet engagement, pour promouvoir ses convictions, fussent-elles encore minoritaires, et non pour s'aligner sur les positions et stratégies adverses.
En effet, c'est tout le contraire qu'il faudrait faire et dire, à savoir qu'un gouvernement du Parti québécois s'engage, s'il est élu, à ne poser que les gestes, et tous les gestes, qui engageront le Québec sur la voie de sa souveraineté nationale. L'accession du Québec à la souveraineté ne viendra pas naturellement; il s'agit d'un travail de conviction auprès de nos concitoyens et d'un combat contre bien des intérêts. Ce combat, il faut qu'il revienne au centre, non pas d'une toute virtuelle et future souveraineté, mais bel et bien de notre démarche politique réelle, actuelle, et ce, avant, pendant et après la prochaine élection, comme aimait à le dire Jacques Parizeau.
Ce combat -- et là-dessus je diverge en partie de l'opinion de Louis Bernard -- doit être aussi le combat pour un Québec progressiste et solidaire, engagé dans les grands défis de notre société: la difficile situation des régions, l'environnement, l'accès à l'enseignement universitaire, la laïcité de nos institutions. Il faut aussi avoir le courage de dire que l'on doit, dans l'intérêt public et pour protéger l'environnement, augmenter les tarifs d'électricité, rétablir le péage sur les ponts et le réseau routier, rechercher l'équité fiscale entre les citoyens des villes-centres et ceux de leurs couronnes. Bref, il faut cesser d'infantiliser nos concitoyens en leur promettant la lune et son contraire, et les placer devant les choix difficiles et exigeants qui s'offrent à nous. Sinon, les années à venir seront pour le Québec déchirantes. Là aussi résident les raisons de cette conviction qui doit nous habiter de faire ici un pays différent.
Il faut également créer les conditions d'un dépassement de notre vieille ambiguïté collective qui nous amène à voter pour un gouvernement souverainiste et à lui refuser ensuite la possibilité de réaliser son programme. Il faut pouvoir dire aux Québécois que, faute d'obtenir ce mandat de réaliser la souveraineté, un gouvernement du Parti québécois refusera de gouverner une simple province et démissionnera.
L'indépendance du Québec ne se réalisera jamais avec un Parti québécois enfermé dans une stratégie de court terme, celle dont l'échéance est l'élection suivante.
Rechercher une victoire du PQ à une prochaine élection sans lier cette élection à un mandat clair de la population pour faire la souveraineté est le pire piège qui guette notre projet.
Robert Perreault, Ancien député de Mercier et ministre dans le gouvernement du Parti québécois


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