Je voudrais d’abord remercier tous les lecteurs qui m’ont fait parvenir leurs commentaires à la suite de ma dernière communication sur le nécessaire repositionnement du Parti Québécois. Ils sont si nombreux que je ne pourrai malheureusement pas les en remercier personnellement, comme j’aime à le faire.
Plusieurs m’ont manifesté leur accord, entier ou partiel. D’autres m’ont fait part de leurs objections ou de leurs réserves. Celles-ci portent surtout sur le lien entre la promotion de la souveraineté et les problèmes concrets des Québécois. Le PQ ne va-t-il parler que d’indépendance sans dire un mot des questions de santé, d’environnement, de culture, de famille qui préoccupent les Québécois ? Son discours ne sera-t-il pas désincarné ?
Ces interrogations montrent à quel point, au cours des dernières années, l’indépendance a été absente de la réflexion et des interventions du Parti Québécois. Car la souveraineté, ou plutôt son absence, est pertinente à la discussion de la quasi-totalité des problèmes de la nation québécoise.
Parler de souveraineté, en matière d’immigration, c’est montrer que, si le Québec était souverain, nous pourrions garder ici les immigrants que nous recrutons à l’étranger et que ceux-ci s’intégreraient naturellement à la nation québécoise, car ils seraient « immigrants reçus » au Québec et non au Canada. À l’heure actuelle, les immigrants, une fois arrivés ici, peuvent, à leur gré, déménager dans une autre province et ils peuvent choisir de s’intégrer à la nation canadienne plutôt qu’à la nation québécoise.
Parler de souveraineté, en matière de famille et de natalité, c’est montrer comment le Québec pourrait mettre en œuvre une politique intégrée et vraiment efficace d’aide à la famille et à la natalité en intégrant à ses programmes ceux qui relèvent d’Ottawa comme les allocations familiales, les crédits d’impôt, les prestations d’aide à la garde des jeunes enfants.
Parler de souveraineté, en matière de culture, c’est démontrer à quel point le Québec est impuissant dans ce domaine crucial à la vie de la nation puisque la télévision et la radio relèvent d’Ottawa, quand le Conseil des arts du Canada subventionne nos artistes et nos institutions culturelles, quand Téléfilm Canada décide de la production cinématographique, quand le droit d’auteur est de compétence fédérale exclusive ?
Prenons la lutte à la pauvreté : comment mettre en œuvre une politique vraiment efficace tant qu’Ottawa reste responsable de l’assurance emploi, de la sécurité de la vieillesse et de la moitié de l’impôt sur le revenu ?
Parler de souveraineté, en matière d’environnement, c’est montrer comment notre filière énergétique basée sur l’hydroélectricité est radicalement différente de la filière canadienne axée sur les hydrocarbures de l’Ouest et, en conséquence, comment nos efforts seraient plus efficaces si notre politique environnementale était conçue en fonction de la réalité québécoise plutôt que canadienne.
Parler de souveraineté, en matière de développement régional, c’est montrer comment le Québec souverain, qui n’aurait plus à se défendre contre les interventions du Canada dans ces domaines qui relèvent pourtant de sa compétence, pourrait procéder à une véritable décentralisation des pouvoirs en faveur des régions, notamment en matière d’éducation, de santé et d’affaires municipales.
Parler de souveraineté, en matière de développement économique, c’est montrer comment le Québec pourrait remplacer Ottawa comme grand maître du jeu par ses programmes d’aide, par sa fiscalité, par ses politiques économiques, par son contrôle des institutions financières, par ses propres dépenses de recherche et développement.
Et on pourrait multiplier les exemples à l’infini : le droit criminel et la lutte au crime organisé, les libérations conditionnelles et la délinquance juvénile; la nomination des juges des cours supérieures; le transport ferroviaire, maritime et aérien, où le Québec est systématiquement défavorisé; la scène internationale où le Québec peut difficilement parler en son nom; sa propre constitution interne qu’il ne peut modifier qu’en respectant les pouvoirs de la Reine, etc.
En réalité, il y a peu de secteurs où on ne ressent pas les répercussions néfastes de l’absence de souveraineté du Québec. On ne peut pas discuter de péréquation, par exemple, sans souligner que si le Québec peut en bénéficier, c’est qu’il est une province pauvre. Et, en réalité, toute la question est de savoir pourquoi le Québec est une province pauvre. Ce qu’il faut viser, ce n’est pas que le Québec reçoive plus de péréquation, mais qu’il en reçoive moins parce qu’il est devenu plus riche. Le danger est que le Québec tombe dans la dépendance sociale en comptant de plus en plus sur l’aide des autres. Le Québec ne doit pas être de plus en plus dépendant, mais, au contraire, de plus en plus indépendant.
Une absence de souveraineté, c’est une absence de pouvoirs. C’est une absence de ressources. Dans tous les domaines, on peut montrer comment un Québec qui aurait la capacité de faire toutes ses lois et de percevoir tous ses impôts pourrait mettre en place des politiques beaucoup plus efficaces, parce que plus directement axées sur la réalité québécoise, qui bénéficieraient à tous les Québécois.
En somme, il faut réinventer l’argumentaire de la souveraineté. Il faut savoir parler de souveraineté en parlant de la vie concrète des gens. Car parler de souveraineté, c’est parler de la manière dont nous pourrons organiser notre vie sociale quand nous serons pleinement maîtres de tous nos moyens. C’est parler d’un pays à bâtir.
Vous pouvez commenter les textes en visitant le site LouisBernard.org.
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