PQ et mouvement souverainiste

L'urgence de remettre en question les vieux paradigmes

PQ - stratégie revue et corrigée


La déconfiture du PQ aux dernières élections peut s’expliquer de diverses
façons. Certains pointeront du doigt André Boisclair, d’autres diront que
le parti n’a pas assez parlé de souveraineté, plusieurs affirmeront qu’il
est contrôlé par des apparatchiks se situant à mille lieues des
préoccupations des gens. Quant à la question identitaire, nombreux sont
ceux qui affirment que le PQ s’est tiré dans le pied en choisissant la voie
aseptisée de la rectitude politique et du « nationalisme civique ». Et il y
a, bien entendu, ceux et celles qui affirment que le PQ est trop à gauche,
ou trop à droite…
La grande coalition souverainiste n’est plus
Amorcé après le référendum perdu de 1995, l’effritement de la coalition
souverainiste s’est confirmé le 26 mars dernier. La présence au sein du PQ
du club politique Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre
n’aura pas empêché la création de Québec solidaire (QS), dont le maigre
score de 3,65% aura contribué à la défaite du PQ dans quatre comtés.
D’ailleurs, Pierre Reid et Jean Charest auront survécu grâce à cette
division, tandis que des progressistes en feront les frais (dont Elsie
Lefebvre, dans Laurier-Dorion). Mince consolation pour la gauche, le PQ a
tout de même réussi à faire élire un membre du SPQ Libre dans Jonquière.
Quant à l’ADQ, l’opportunisme de Mario Dumont aura réussi à attirer vers
lui les désabusés de la politique et les souverainistes sensibles aux idées
conservatrices. Résultat ? Une division du vote souverainiste, ce qui a
empêché le PQ de prendre le pouvoir, puisqu’on peut estimer à 25 % les
électeurs adéquistes qui voteraient « oui » à un référendum. Or, pour qu’un
parti souverainiste puisse gouverner, celui-ci doit faire le plein des
votes tant à gauche qu’à droite, d’où la nécessité de miser sur les bons
dénominateurs communs, même si cela doit signifier un chambardement de la
stratégie souverainiste. En ce sens, la proposition de Daniel Turp de doter
le Québec de sa propre constitution m’apparaît un pas dans la bonne
direction.
Le pire des dangers : se contenter d’une simple opération cosmétique
Il y a eu la « Saison des idées » qui a suivi la débâcle de 2003, et il y
a eu le rapport Alarie, commandé par le Bloc québécois (BQ), suite à la
percée conservatrice dans la région de Québec. Dans le premier cas,
l’exercice s’est soldé par une réécriture du programme. Toutefois, cet
exercice n’a pas ravivé la flamme souverainiste au niveau espéré. Qui, dans
la population, a lu ou a vraiment entendu parler de ce programme, fruit du
Congrès de 2005 ?
Quant au rapport Alarie, ses conclusions annonçaient le désastre du 26 mars.
Le « montréalisme » y était décrié, la rectitude politique aussi, ainsi que
le peu d’égard du Bloc envers la fibre nationaliste plus traditionnelle des
régions. Que la soi-disant crise des accommodements déraisonnables ait
contribué à la dégelée du PQ dans plusieurs régions ne fait que confirmer
les observations exprimées dans ce rapport. Pourtant, le Bloc n’avait pas
hésité à déclarer « périmé » celui-ci, sous prétexte que l’ouverture d’un
bureau du parti à Québec avait réglé une fois pour toute la question du «
mystère de Québec » ! En fait, le pire ennemi du mouvement souverainiste
sera le souverainiste lui-même, celui qui, rivé à ses dogmes, niera les
évidences en jetant l’anathème sur ceux qui oseront s’attaquer à « l’ordre
établi ».
Revaloriser le travail du militant
La mainmise des apparatchiks sur le parti est un problème réel aux yeux de
plusieurs. Ceci aurait pour effet de démobiliser une fraction importante
des militants de la base. Je suis d’avis qu’il y a lieu de valoriser le
travail des militants en favorisant la création de clubs ou de comités
d’action politique traitant de divers thèmes : médias souverainistes,
l’identité québécoise, la social-démocratie, le développement et
l’autonomie des régions, la mondialisation et ainsi de suite. Ces clubs,
pour être efficaces et influents, devront s’appuyer sur la réalité des
régions et des municipalités, là où sont concentrées les activités de la
société civile. Bref, il faudra remodeler la social-démocratie à partir des
besoins exprimés par la population, puisqu’il est de plus en plus admis que
les modèles technocratiques actuels sont lourds et plus ou moins efficaces.

Favoriser l’autonomie des régions
Le développement des régions devra être au cœur du discours souverainiste.
Dans l’état actuel des choses, un Québec indépendant serait l’un des pays
les plus centralisés au monde. Or, les résultats du 26 mars dernier
obligent à réfléchir à cette question : un Québec indépendant est-il
envisageable sans l’autonomie de ses régions ? Et cette autonomie, de
quelle façon pourrait-elle être atteinte ? Des exemples intéressants
existent, il faudra les étudier.
Mettre à l’avant plan l’identité québécoise
La question des accommodements raisonnables a mis en évidence la faiblesse
du PQ sur la question de l’identité québécoise. La direction du parti n’a
tout simplement pas su se libérer de ses ornières « montréalistes », avec
les résultats que l’on connaît. Force est de constater que le concept de
nationalisme civique ne correspond pas à ce que veut le Québécois des
régions. S’il y a bien un domaine où les apparatchiks auront de la
difficulté à s’adapter, c’est bien celui-là.
En finir avec l’échéance référendaire
Et que dire de l’éternel débat entourant la stratégie référendaire. Il y a
ceux qui réclament un référendum coûte que coûte, même si une défaite
semble assurée. Par contre, en l’absence de « conditions gagnantes », il
répugne à plusieurs souverainistes de s’engager sur cette voie.
Jusqu’au-boutisme contre pragmatisme, donc. On sait aujourd’hui que la
volonté de tenir un référendum à brève échéance n’a pas produit le résultat
escompté : au contraire, bon nombre de souverainistes ont voté pour l’ADQ,
QS ou les Verts. Au lieu de s’échiner à promettre la tenue d’un référendum
rapide, il serait préférable d’expliquer pourquoi il faut faire
l’indépendance. Quant aux tenants de l’élection référendaire, un bel espace
vient de s’ouvrir devant eux.
La radicalisation : un remède empoisonné
Une autre constante : en période de crise, le PQ a tendance à se
radicaliser. Une telle tentation pourrait s’avérer mortelle cette fois-ci,
comme l’a si bien souligné Joseph Facal dans une chronique récente (28 mars
2007). Le premier à s’engouffrer dans cette voie a été Louis Bernard qui,
le 2 avril, affirmait que le PQ devait se départir de son programme
social-démocrate, abandonner l’idée de gouverner la « province » et se
limiter à promouvoir la souveraineté. Et qu’arriverait-il en cas de défaite
référendaire? Louis Bernard ne nous propose rien de moins que la démission
du gouvernement péquiste. Et si ce PQ « version pure » réussissait à
prendre le pouvoir avec 33% des voix, sans programme ni possibilité de
tenir un référendum ? Louis Bernard reste muet. À mon avis, peu de citoyens
seraient tentés de voter pour un tel parti.
Une réforme du scrutin
Le mode de scrutin uninominal à un tour aura permis au PQ de diriger des
gouvernements majoritaires et de réaliser deux référendums. Cet avantage se
retourne désormais contre lui puisqu’on ne peut plus parler aujourd’hui de
bipartisme. Advenant le cas que le PQ perde encore quelques points de
pourcentage lors d’une prochaine élection, le mode de scrutin actuel
pourrait le condamner à n’avoir que quelques députés, privant ainsi le
mouvement souverainiste d’un noyau significatif de représentants à
l’Assemblée Nationale. Bien que les péquistes soient divisés sur la
question pour des raisons tactiques, un engagement clair sur cette question
s’avère aujourd’hui nécessaire. Pour ma part, je suis d’avis que la
proportionnelle limiterait les risques d’atomisation des divers courants
souverainistes et progressistes. De plus, un mode de scrutin proportionnel
pourrait amener le PQ à initier ou à participer à des coalitions, ce qui,
stratégiquement parlant, ne peut être que profitable.
Beaucoup de travail, beaucoup d’engagements en perspective
Les quelques éléments abordés ici laissent susciteront à eux seuls tout un
brassage d’idées. Le PQ doit sortir dès maintenant de son carcan stratégique. Or,
la vie – et la vie politique, surtout – évolue constamment. À terme, ne
plus pouvoir s’adapter signifie disparaître. Le parti devra aussi procéder
aux réformes qui lui permettront de placer le citoyen au centre de son
action. Enfin, les souverainistes devront aussi réfléchir à la pertinence
d’organiser des États généraux sur la question nationale s’ils veulent
créer une véritable coalition porteuse d’un projet cohérent et
mobilisateur. Croire que la souveraineté puisse se réaliser en se fiant au
seul processus électoral s’avère de toute évidence une erreur qu’il faut
corriger sans tarder.
Michel Gendron

Organisateur communautaire

Membre du Parti Québécois

Montréal
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5 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    27 avril 2007

    On voit très bien qu'il n'y a personne dans l'establishment du PQ qui peut réformer ce parti.
    Vous pouvez publier tous les modes d'emplois imaginables, c'est peines perdues.
    Quant à Boisclair, il ne reste que quelques "groupies" illuminées autour de lui. Soyons réaliste un peu. Souvenons nous de son début comme chef, la lenteur qu'il a mis à se mettre au travail. "J'arrive". Et une fois au poste à l'assemblée, sa piètre performance pour ne pas dire son absence. Et puis sa lenteur de démarrer la campagne électorale et ses discours creux une fois parti.
    Et encore maintenant, son absence prolongée après la campagne et se contente d'annoncer son désir d'attendre jusqu'en 2009 pour une remise en question.
    Il ne réagit à rien du tout sur l'actualité ou même à des sujets qui pourraient êtres profitable pour une réafirmation nationaliste du PQ.
    Il se garde encore en retrait, dans un mutisme qui semble vouloir une fois de plus se prolonger.
    Laissant toute la place et l'opportunité aux contestations contre son leadership.
    C'est à se demander sérieusement si ce gars aurait pas été "placé" là pour "éteindre" le PQ.

  • Archives de Vigile Répondre

    26 avril 2007

    Très cher Monsieur,
    Je vois tout de suite dans quelle direction vous penchez. Vous êtes comme vos confrères péquisto-confédéralistes (et vous ne pouvez me démontrer l'inverse), quand on met les points sur les «i», on se fait vite taxer de dénigreur, d'être susceptible, de ne pas avoir le pas, de nuire à la cause, ...et j'en passe. Je connais le catéchisme péquiste par coeur.
    Et le pire dans toute l'aventure depuis 40 ans, c'est que ceux qui ont le courage de dire ce qu'est faire l'indépendance, se font accuser de nuire à la cause. Alors que c'est justement ceux qui ne sont pas capables de se définir - le PQ, par exemple, véhicule une pensée floue où n'importe qui qui se dit souveraniste peut venir s'abriter - qui nuisent à la cause que les indépendantistes défendent.
    Bonne chance dans la nouvelle stratégie. Vous serez mort et il y en aura d'autres qui vous auront remplacé pour en élaborer une nouvelle qui ne marchera pas davantage.
    La question demeure la même: le PQ est-il, oui ou non, indépendantiste. La réponse est NON. ALors, que faire? J'ai donné ailleurs ma position.
    Alors, essayez de transformer, par l'intérieur, un Parti qui dit qu'il est souverainiste, mais qu'il n'a pas la moindre envie de faire l'indépendance. Ce qui intéresse ce parti, c'est le pouvoir. 40 ans d'histoire sont là pour le prouver.
    Nestor Turcotte
    Matane

  • Archives de Vigile Répondre

    26 avril 2007

    Monsieur Turcotte,
    J'entends par "coalition souverainiste" le rassemblement de ceux et celles qui mettaient au premier plan de leurs préoccupations la question nationale : faire un pays, pour ensuite mettre en place un monde politique pluraliste. Ces gens se retrouvaient au PQ, mais on les retrouvent souvent ailleurs maintenant. Parmi les souverainistes, il y a des gens de gauche, du centre et de la droite. Que les épithètes vous énervent, je le veux bien, mais les faits sont têtus : cela existe et je ne me priverai pas d'aborder ces questions dans mes analyses.
    Comme bien d'autres, il me semble que vous ayez de la difficulté à bien saisir les composantes de la conjonctures actuelles. Que vous soyez un fervent indépendantiste ne doit pas vous faire oublier que la stratégie est une chose, vos convictions profondes une autre. Même si elles peuvent paraître en contradiction, cela ne veut pas dire qu'on renie ce qu'on est pour autant. Les gens du Sein Fein seraient-ils à vos yeux des renégats parce qu'ils ont modifié leur stratégie en cours de combat? Bref, vos idées sont bien arrêtées, et je crois que vous en êtes davantage à l'étape du dénigrement , plutôt qu'à celle du débat serein. Je vous sens susceptible; aussi, permettez-moi de le déplorer.
    Enfin, puisque vous insistez sur le fait que je défini mal mes termes (auriez-vous préféré un texte trois fois plus long?), j'aimerais bien connaître votre orientation actuelle (ADP, Québec Solidaire, tenant de la création d'un nouveau parti?), puisque vous manquez de précision à ce sujet.
    Ah, oui. Pour votre information, j'ai 54 ans.

  • Archives de Vigile Répondre

    26 avril 2007

    Vous écrivez: "En période de crise, le PQ a tendance à se radicaliser." Or, le problème du PQ réside justement dans son absence de radicalité. C'est pour cette raison que les indépendantistes se sont détournés du parti. Si le PQ ne met pas l'accent sur l'indépendance du Québec et les moyens pour y parvenir, il disparaîtra. Il est bien parti pour ça...
    Caroline Moreno

  • Archives de Vigile Répondre

    26 avril 2007

    Ça veut dire quoi, «sortir de son carcan stratégique»? Ça veut dire quoi, pour un parti indépendantiste, «vouloir s'adapter»? Ça veut dire quoi des «souverainistes aux idées conservatrices»? Ça veut dire quoi« l'effritement de la coalition souveraniste»? Un PQ à gauche, à droite?Y a-t-il déjà eu une coalition souverainiste? Le PQ étant confédéraliste, L'ADQ aussi et le BLoc, la coalition de 1995, n'était pas une coalition souverainiste. Vous ne définissez pas vos mots, cher monsieur, quand vous parlez ainsi.
    LE PQ veut tellement s'adapter qu'il est en train de mourir. AU lendemain des élections, on a fait un sondage au Québec. Il est passé inaperçu, mais j'ai bien pris le temps de l'analyser. Les réultats? 38 % pour l'ADQ, 33 % pour le PLQ et 22 % pour le PQ. Ce qui signifie la quasi disparition de ce dernier.
    A la prochaine élection, - surtout avec Boisclair - le PQ va disparaître. Ceux qui ont voté pour la première fois pour l'ADQ se sont habitués à voter pour autre chose que le PQ et le PLQ. La prochaine fois, ils voteront encore plus pour lui. Et d'autres, en grand nombre, vont s'ajouter.
    LE PQ n'a pas à s'adapter. Il doit naître d'une façon claire et ferme à l'idée de l'indépendance. Point. C'est la seule façon de retrouver dans son sein ceux qui l'ont quitté. Mais ce parti ne le fera pas: il va chercher une formule pour reconquérir le pouvoir. Mais les gens sont rendus ailleurs. Ils veulent que le pouvoir soit donné à une autre formation politique que vous appellez conservatrice, respectueuse de l'identité québécoise, qui est plus à droite. Autant de qualificatif qui me met en colère. Je n'ai jamais aimé les étiquettes politiques. Je ne commencerai pas aujoud'hui.
    Il faut faire revivre l'idée d'indépendance. Je ne crois pas que ce soit le PQ qui le fasse. Il faut choisir une autre voie pour accéder à notre libération nationale. J'ai trop vu, en quarante ans, ce que le PQ peut faire. Je ne sais pas votre âge, mais le mien étant suffisamment avancé pour avoir une petite expérience, je pourrais vous en raconter des bonnes. Et venant de très hautes instances.
    Ma confiance est ailleurs maintenant et personne, comme des centaines de milliers d'autres, ne me fera changer d'idée.
    Nestor Turcotte
    Matane