Éditorial - Il y a trois ans aujourd'hui, le Parti libéral était porté au pouvoir. Quelques jours plus tard, Jean Charest formait un gouvernement qui, tout au long de ces trois années, n'a jamais réussi à établir une relation de confiance avec les Québécois. Alors qu'approche la fin de son mandat, son impopularité auprès de l'électorat francophone rend sa réélection de plus en plus incertaine.
Pour célébrer cet anniversaire cette semaine, le premier ministre comptait bien obtenir de ses homologues des autres provinces qu'ils fassent front commun avec lui dans le dossier du déséquilibre fiscal. Mais encore une fois, la chance ne lui a pas souri. Décidant de faire bande à part, l'Ontarien Dalton McGuinty a gâché la fête. C'est une bien mauvaise surprise car les concessions financières que M. Charest attend impatiemment d'Ottawa seront plus ardues et plus longues à obtenir.
Cette unanimité des provinces autour de M. Charest lui aurait fait oublier les malheurs qui affligent son gouvernement. Tout ce qu'il touche semble devoir se transformer en problème, si ce n'est en crise. La dernière inscrite sur une liste déjà longue porte sur la privatisation du mont Orford. Impossible pour lui de faire un geste sans provoquer presque chaque fois une éruption de contestation.
Pourquoi en est-il ainsi ? Les explications sont multiples. Dès son installation au pouvoir, on a constaté que ce gouvernement n'était pas prêt à gouverner. Le fait d'avoir un programme élaboré n'était en rien une garantie de sa capacité à le mettre en oeuvre de façon ordonnée. Tout n'a pas été mal fait, loin de là. La réduction des listes d'attente en santé est un exemple de réussite, tout comme la création du nouveau régime de congés parentaux. En revanche, les décisions controversées cristallisant l'opposition au gouvernement auront été encore plus nombreuses, l'obligeant parfois à des reculs humiliants.
Une autre explication tient au fait que ce gouvernement n'a jamais été véritablement accepté par les Québécois francophones. Au lendemain des élections du 14 avril 2003, ils ne lui ont pas accordé cette chance au coureur dont profite actuellement à Ottawa le gouvernement Harper, tout minoritaire soit-il. Par la suite, la communication ne s'est jamais véritablement établie.
Qu'il en soit ainsi ne devrait pas étonner puisque le Parti libéral du Québec a été élu sans l'appui majoritaire des Québécois francophones. Une analyse des résultats des élections de 2003 faite par le sociologue Pierre Drouilly dans L'Annuaire du Québec 2004 montre que Jean Charest doit sa victoire au vote quasi unanime des non-francophones en sa faveur et à la division du vote francophone entre péquistes et adéquistes. Aux élections de 1985 et de 1989, les libéraux avaient obtenu une part significative de celui-ci.
La réaction du premier ministre Charest devant la désaffection des francophones à l'endroit de son parti a toujours été de compter sur le temps. Celui-ci filant, on ne l'entend plus dire que «six mois sont une éternité en politique». On le voit tendu car l'insatisfaction à l'endroit de son gouvernement se répand maintenant au sein même de son parti. Les opposants à la privatisation du mont Orford ne se recrutent pas que chez les péquistes. Sur la ligne de front, on compte de nombreux militants libéraux. La grogne s'est propagée au sein du caucus des députés, où certains commencent à mettre en cause son leadership.
Cette contestation larvée à son endroit est d'autant plus dangereuse pour Jean Charest qu'elle ne fera que confirmer le sentiment des électeurs à son sujet si elle persiste. Cela deviendra un cercle vicieux de plus en plus difficile à briser, à moins qu'il ne refasse rapidement l'unanimité derrière lui au sein du Parti libéral. Au cours des prochaines semaines, il pourrait être tenté de chercher à briser les contestataires. Mieux vaudrait qu'il cherche plutôt à les rallier. Pour cela, il lui faudra faire preuve d'ouverture et non d'autorité.
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