L'extase

2006 textes seuls


ÉDITORIAL - Porte-parole de Québec solidaire, dont la candidate à l'élection complémentaire de Sainte-Marie-Saint-Jacques venait de terminer en troisième place avec 22,2 % des suffrages, Françoise David a confié lundi soir être «dans un état d'extase». De la part de celle que certains appellent sainte Françoise, le commentaire a fait sourire, bien que le sentiment exprimé se comprenne: Québec solidaire, il faut le reconnaître, a brisé la glace de façon admirable à sa première présence sur la scène électorale. Néanmoins, ses militants devront tempérer leur enthousiasme pour ne pas déchanter demain.
Cette élection réunissait plusieurs conditions favorables à Québec solidaire. Sauf pour un bref intermède de trois ans, ce comté a été l'un des fiefs du Parti québécois avec les comtés avoisinants de Mercier, Hochelaga-Maisonneuve, Bourget et Gouin. On y vote tout naturellement à gauche et, ces 36 dernières années, ces votes allèrent spontanément au Parti québécois. Dans ces comtés, l'arrivée de Québec solidaire change indéniablement la donne, ce qui ne sera pas nécessairement le cas ailleurs au Québec, notamment à Québec et dans les régions rurales où l'électorat progressiste est plus dilué.
Le désenchantement ressenti et exprimé de plus en plus ouvertement par certains souverainistes comme Raymond Bachand et Michel Tremblay - mais pour des raisons opposées - aura amplifié sans nul doute ce transfert du vote péquiste. On peut croire qu'à une élection générale la polarisation naturelle entre libéraux et péquistes ramènera toutefois au bercail une partie des désenchantés. La partie sera alors beaucoup plus difficile pour Québec solidaire.
Pour les péquistes, ce transfert de votes est tout sauf une bonne nouvelle. Québec solidaire ne puisera que très marginalement dans le vote du Parti libéral, qui pourra profiter de la désaffection de l'électorat souverainiste et progressiste et de son glissement vers ce tiers partis. Québec solidaire pourrait permettre à certains candidats libéraux de l'emporter, tout comme en 1994 l'arrivée de l'Action démocratique contribua à la victoire électorale du Parti québécois.
Satisfait de la victoire de son candidat, le chef du Parti québécois, André Boisclair, ne peut, à moins d'être aveugle, négliger le signal que constitue la montée aussi rapide de ce nouveau parti. Malgré tout ce que disent les sondages sur l'impopularité des libéraux de Jean Charest, rien n'est acquis. Il ne s'agira pas que de travailler fort. Il faudra d'abord bien comprendre les causes du désenchantement qui affecte une partie de l'électorat péquiste.
Il y a un an, le Parti québécois était effervescent, la souveraineté apparaissant alors à portée de la main, selon les sondages. Bien des militants étaient alors dans le même état d'extase qu'éprouvent aujourd'hui ceux de Québec solidaire. Le résultat des élections fédérales les a depuis ramenés sur terre. D'autres signaux se sont ajoutés. En font partie les propos d'artistes comme Robert Lepage, qui demande «qu'on s'interroge sur ce que le PQ est devenu», une façon de dire qu'il ne se reconnaît plus dans son parti. André Boisclair ne peut se permettre d'attendre la prochaine élection pour leur proposer une réponse. Visiblement, le discours qu'il tient depuis qu'il est le chef ne les a pas encore rassurés.


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