1200 $ pour qui?

2006 textes seuls


Tout indique que le premier budget du gouvernement Harper remplira la promesse de distribuer 1200 $ par année, par enfant de moins de six ans, à chaque famille canadienne.
On a déjà beaucoup écrit au sujet de cette promesse conservatrice en l'opposant au programme libéral de financement d'un réseau pancanadien de services de garde géré par les provinces. C'est pour des motifs idéologiques que les conservateurs ont promis de ne pas donner suite aux ambitions libérales et d'y aller d'une aide directe aux familles. À chacune le soin de choisir le service de garde qu'elle préfère, y compris de s'occuper elle-même de ses enfants en bas âge, sans perdre le droit d'obtenir l'aide d'Ottawa.
D'abord choqué par cette approche qui fera perdre 800 millions au gouvernement du Québec au cours des prochaines années, le Bloc québécois a choisi de nuancer sa position initiale pour ne pas devoir voter contre le gouvernement minoritaire en Chambre. Personne ne veut d'élections ce printemps, pas plus le Bloc que les autres. On a donc concocté une position en deux temps qui exige que les millions promis par les libéraux fassent partie d'un règlement du déséquilibre fiscal et qui suggère une façon différente de distribuer l'allocation aux familles. Pas facile de s'opposer quand on ne veut pas trop s'opposer...
En ce qui concerne l'allocation pour la garde d'enfants, le Bloc est maintenant d'accord avec les conservateurs, mais il juge inéquitable la formule privilégiée, qui prévoit de verser une somme imposable au conjoint dont les revenus sont moins élevés. Le raisonnement du Bloc est le suivant : parce qu'elle s'additionne au revenu imposable, l'allocation fera perdre des avantages aux familles à revenus modestes alors qu'elle profitera largement aux familles déjà nanties dont un des conjoints ne travaille pas. Ainsi, avec des revenus annuels de 28 000 $, une famille monoparentale avec deux enfants ne toucherait qu'entre 729 $ et 1079 $ de revenus supplémentaires nets pour ses deux enfants. En revanche, une famille dont un des conjoints gagne 200 000 $ et l'autre 5000 $ profiterait de la totalité des 2400 $ d'allocation versés au conjoint sans travail.
Le Bloc propose donc de remplacer l'allocation imposable par un crédit non imposable dont le montant diminuerait à mesure que le revenu total des conjoints augmenterait. Ainsi, une famille dont le revenu est de 35 000 $ recevrait la totalité du montant, soit 1200 $ par enfant, alors que celle dont le revenu est de plus de 100 000 $ aurait droit à 700 $, non imposables, par enfant.

La proposition du Bloc est donc nettement plus équitable.
Cela étant, elle comporte deux défauts. Le premier, c'est qu'en étant non imposable, cette allocation ne rapporterait rien au gouvernement du Québec. Tant mieux pour les familles, tans pis pour Québec ! Le second, plus sérieux, c'est qu'elle heurte de plein fouet l'idéologie conservatrice selon laquelle l'aide aux femmes à la maison fait partie des priorités. Les conservateurs de l'Ouest ne tiennent pas à encourager les familles monoparentales plus que les autres. Au contraire, c'est la famille traditionnelle qui les intéresse et qui constitue leur base politique. À cela, le Bloc ne changera rien !


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