Le syndrome du pur et dur

2006 textes seuls


Éditorial - Michel Tremblay est un de nos dramaturges et citoyens les plus respectés. À titre de créateur, il a produit une oeuvre aux influences plus durables que celles de la plupart des Québécois de sa génération.
Cela étant dit, lorsqu'une personnalité comme celle-là se prononce sur une question politique, certains l'écoutent, d'autres pas. En effet, contrairement à ce que pensent les politiciens, les électeurs ne sont pas tous des imbéciles : ils votent rarement pour un candidat ou pour une cause sous l'influence de personnalités du monde des affaires, de la culture ou du sport. En fait, il n'y a que les militants politiques eux-mêmes qui aient besoin de savoir que les vedettes sont de leur côté...
Les souverainistes n'ont pas eu raison de s'énerver à la suite de la sortie de M. Tremblay. L'auteur lui-même a dû être le premier surpris de se retrouver à la une des journaux le lendemain. Après tout, n'importe quel souverainiste avouera avoir souvent douté de son choix au cours de sa vie. Il n'y a que les plus exaltés, qu'on qualifie aussi de purs et durs, qui soient incapables d'une telle franchise. Leur cas relève de la psychiatrie, mais comme la médecine ne peut pas guérir toutes les maladies, il faut les endurer.
Dans toutes les organisations qui font appel au militantisme, il y a des purs et durs. Ces gens n'ont jamais besoin de connaître l'opinion des autres. Ils ont seulement besoin de savoir si les autres sont avec ou contre eux. Le pur et dur est prêt à consacrer sa vie à la cause... et il en attend autant des autres. Ce qu'il accepte le plus difficilement, c'est que des gens autour de lui ne comprennent toujours pas l'importance de sa cause. Mais il est convaincu qu'un jour, le monde entier sera derrière lui.
Quelle que soit la cause, les militants qui se laissent aveugler par leurs propres certitudes sont incapables de déterminer les contradictions qui les assaillent. Il faut des événements comme celui de cette semaine pour les rappeler à l'ordre.

Qu'on se le rappelle : la souveraineté n'est ni une religion ni une idéologie, les deux mamelles du fanatisme dans l'histoire. Elle n'est même pas une fin en elle-même mais un moyen pour permettre aux Québécois de se développer collectivement et individuellement dans leur langue et leur culture en terre d'Amérique. Or, à entendre certains nationalistes, cette option politique est non seulement une fin mais la fin par excellence.
Que M. Tremblay sente le besoin de critiquer l'omniprésence d'arguments économiques et l'absence de motifs culturels dans le discours des ténors de l'indépendance, au point d'en perdre le sens, c'est son droit le plus fondamental. La chose pourrait choquer si l'auteur des Belles-Soeurs était le chef du Parti québécois, mais il est écrivain. À ceux qui pensent qu'il a tort de trouver les arguments du coeur et de l'esprit pour convaincre une majorité de Québécois que l'indépendance est toujours un des moyens privilégiés qui s'offrent à eux pour construire un monde meilleur.


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