Aura-t-il le courage?

Déséquilibre fiscal

À moins de faire preuve d'aveuglement idéologique, ceux qui nient l'existence d'un déséquilibre fiscal au Canada seront confondus par le contenu du rapport publié à l'occasion de la rencontre des premiers ministres qui s'est terminée hier à Montréal. Stephen Harper aura-t-il la finesse politique et le courage nécessaires pour régler ce problème une fois pour toutes, comme il l'a promis?

Contrairement à ce que les libéraux fédéraux ont toujours prétendu, le déséquilibre fiscal est bien réel au Canada. Et il s'accentuera si rien n'est fait. C'est du moins ce que soutient un comité consultatif créé par le Conseil de la fédération canadienne, le regroupement des premiers ministres des provinces. Les plus récentes projections laissent entrevoir des excédents budgétaires de l'ordre de 24 milliards par année à l'horizon 2025 pour Ottawa alors que les provinces cumuleront des déficits de 63 milliards par année. Une catastrophe !
Il y a deux formes de déséquilibre fiscal : celui qui se creuse entre Ottawa et les provinces et celui qui éloigne les provinces les unes des autres. Au fil des ans, les gouvernements libéraux ont complètement déréglé la machine pour satisfaire leurs ambitions politiques. L'an dernier encore, l'ex-premier ministre Paul Martin avait cédé des redevances pétrolières de deux milliards à Terre-Neuve et à la Nouvelle-Écosse et leur avait du même souffle promis de ne pas en tenir en compte le moment venu de calculer la péréquation. Il s'agit d'une absurdité compte tenu de la nature de ce programme de redistribution de revenus établi sur la base de la capacité de chaque province de lever des impôts. Si on tient compte de l'hydroélectricité, pourquoi exclure le pétrole ?
Dans son rapport, le comité consultatif du Conseil de la fédération fait plusieurs recommandations, dont deux très importantes. Pour que chaque province puisse faire face à la croissance des dépenses en santé et en éducation postsecondaire, on suggère d'augmenter les transferts par habitant pour toutes les provinces, sans tenir compte de la richesse. Une dépense supplémentaire de 4,8 milliards par année pour Ottawa.

En matière de péréquation, le comité propose de modifier la formule en profondeur pour la simplifier et la rendre plus transparente. Au lieu de comparer la capacité fiscale de chaque province à la moyenne des seules cinq provinces du milieu du peloton comme on le fait depuis 25 ans, le comité propose d'utiliser la moyenne des dix provinces, dont l'Alberta, et d'y inclure la valeur de la production pétrolière. Une autre hausse de 5,7 milliards pour Ottawa. Huit des dix provinces y gagneraient, dont le Québec, qui obtiendrait 2,7 milliards de plus à cause du nombre de ses habitants.
Il va sans dire que l'Alberta n'est pas d'accord. L'Ontario non plus puisque, même sans pétrole, cette province qui profite d'un niveau de richesse très enviable contribue déjà plus aux dépenses fédérales qu'elle ne retire de paiements de transfert. Le premier ministre Dalton McGuinty a choqué tout le monde en publiant un communiqué de presse séparé dénonçant les solutions retenues par le comité consultatif. Encore une fois, M. McGuinty fait la preuve que plus on en a, plus on en veut.
D'ici l'automne, d'autres rencontres auront lieu au cours desquelles les provinces tenteront de convaincre le gouvernement conservateur de respecter sa promesse électorale. Mais comment celui-ci peut-il songer sérieusement résoudre le problème sans déplaire aux provinces productrices de pétrole, auxquelles le candidat Harper a promis d'exclure cette richesse du calcul de la péréquation; à l'Ontario, qui abrite 40 % des électeurs du pays; au Québec, qui demande à voir la marchandise avant de retourner aux urnes; et aux millions de partisans conservateurs qui n'attendent qu'une chose : des baisses d'impôt ?


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