Sondage Léger Marketing

Les Québécois veulent Bouchard

Un parti dirigé par Lucien Bouchard et Mario Dumont écraserait le PQ et le PLQ

2006 textes seuls


Kathleen Lévesque
Édition du samedi 6 et du dimanche 7 mai 2006

La moitié des Québécois souhaitent le retour de Lucien Bouchard en politique. Ils seraient même prêts à l'appuyer massivement s'il formait avec l'actuel chef de l'Action démocratique, Mario Dumont, un nouveau parti politique, laissant loin derrière péquistes et libéraux.


Dans une deuxième tranche du sondage Léger Marketing réalisé pour le compte du Devoir, l'hypothèse d'un tandem Bouchard-Dumont a suscité un véritable engouement. Si des élections provinciales avaient eu lieu à la fin de la semaine dernière, ce nouveau parti aurait littéralement balayé le Québec avec 41 % des voix. Le Parti québécois dirigé par André Boisclair n'aurait obtenu que 21% d'appuis, contre 18 % pour le Parti libéral du Québec de Jean Charest et 6 % pour le parti Québec solidaire.
La domination de ce nouveau parti politique se serait surtout fait sentir dans le centre de la province (58 %) et dans la grande région de Québec (48 %), là où le Parti conservateur de Stephen Harper a marqué des points lors des élections fédérales de janvier dernier. Selon le sondeur Jean-Marc Léger, il faut y voir l'émergence, dans le sillage de M. Harper, d'une éventuelle troisième voix au Québec.
«Les gens cherchent ailleurs. La voie alternative d'un parti conservateur québécois incarné par Lucien Bouchard et Mario Dumont a de l'effet. C'est le courant nationaliste de la droite modérée que, seul, Mario Dumont ne réussit pas à incarner. Mais avec Lucien Bouchard, le tandem ramasse le Québec au complet», fait valoir M. Léger.
L'enthousiasme soulevé par un éventuel retour de M. Bouchard à l'avant-scène se vérifie dans toutes les régions du Québec, tant chez les jeunes que chez les plus âgés, tant chez les femmes que chez les hommes. Et même si Lucien Bouchard a été premier ministre du Québec de 1996 à 2001 en tant que chef du Parti québécois, sa candidature est souhaitée tant par les fédéralistes (42 %) que par les souverainistes (41 %).
D'ailleurs, l'effet Bouchard se fait sentir dans tous les partis politiques. Son retour serait souhaité par 40 % des libéraux, 55 % des péquistes, 57 % des adéquistes et même 51 % des solidaires.

Et quand la population est invitée à choisir la personnalité qui ferait le meilleur premier ministre du Québec, près d'un Québécois sur trois (32 %) opte pour Lucien Bouchard. Il devance ainsi largement ses adversaires. L'actuel ministre de la Santé, Philippe Couillard, qui aimerait éventuellement remplacer Jean Charest à la tête du PLQ, arrive deuxième avec un score de 17 %. Le chef péquiste se classe en troisième place (12 %) devant Jean Charest (10 %) et Françoise David, de Québec solidaire (5 %).
Deux tiers des Québécois condamnent la piètre performance du premier ministre Charest. Comme le révélait Le Devoir hier dans la première tranche de ce sondage Léger Marketing, 65 % de la population estime en effet que Jean Charest devrait quitter la direction du Parti libéral du Québec.
Même aux yeux des partisans des autres partis, c'est Lucien Bouchard qui ferait le meilleur premier ministre : 42 % des péquistes, 35 % des libéraux, 29 % des adéquistes et 21 % des solidaires le pensent. Bien qu'il s'agisse d'une question tout à fait hypothétique, cela tend à démontrer un véritable potentiel d'intentions de vote du côté du nationalisme plutôt à droite qu'à gauche.
Malgré la présence active de Québec solidaire, les électeurs ne semblent pas suivre les deux porte-parole Françoise David et Amir Khadir. Dans ce paysage, la gauche ne se faufile pas, et Montréal n'apparaît pas plus sensible à cette vision de la société que n'importe quelle autre région du Québec.
Selon l'analyse de Jean-Marc Léger, la population recherche un leader avec du coffre, de l'expérience et la capacité de prendre en compte les intérêts du Québec. En plus d'être un pont entre le PQ et l'ADQ, Lucien Bouchard correspond au type de politicien que souhaitent les Québécois, croit M. Léger. «Il est perçu comme un gagnant», ajoute-t-il.
À 67 ans, M. Bouchard demeure un homme public qui ne laisse pas indifférent. Il préside le conseil d'administration de l'Orchestre symphonique de Montréal, qui a connu les tourments d'un conflit de travail. Il a fait quelques rares interventions publiques dans des dossiers d'envergure comme l'emplacement du futur CHUM.
En octobre dernier, il a lancé avec 11 autres personnalités un manifeste intitulé Pour un Québec lucide qui a fait grand bruit. Il en appelait alors à la responsabilité collective pour que le Québec sorte de sa torpeur et procède à un véritable redressement, notamment en ce qui a trait à la dette publique et au déclin démographique. M. Bouchard et consorts s'en prenaient à la levée de boucliers qu'on oppose au moindre projet d'envergure ainsi qu'à une certaine intolérance envers tout point de vue différent. Encore récemment, à titre de président de la Société du Havre de Montréal, M. Bouchard a dénoncé la résistance populaire devant le déménagement du Casino de Montréal.
Joint par téléphone hier après-midi, M. Bouchard a refusé de commenter les résultats de ce sondage, soulignant que le faire, «c'est déjà entrer dans l'arène politique». Il a toutefois mentionné que les signataires du manifeste souhaitaient donner des suites à leur engagement afin d'élargir le débat. Une société sans but lucratif a été créée en mars dernier sous le nom de Groupe pour un Québec solidaire. D'autres activités publiques et même des publications sont à prévoir.
«On a convenu qu'il devait y avoir une démarche citoyenne de continuité. [...] La réaction a été très intense. On peut ne pas aimer les diagnostics, les solutions embryonnaires qui ont été évoquées, mais il est certain qu'il y a une préoccupation pour ces thèmes-là au Québec actuellement», a expliqué M. Bouchard.
Au regard du sondage, M. Léger estime que «Lucien Bouchard est positionné là où se situe la population». En comparaison, André Boisclair et le Parti québécois semblent déconnectés, estime le sondeur. Il souligne que la question de la souveraineté n'est pas au coeur des préoccupations des Québécois alors qu'elle avait refait surface à la suite du scandale des commandites.
En concordance avec le nouveau programme péquiste, qui a éliminé toute forme de partenariat, la maison de sondage a demandé si les Québécois étaient pour ou contre la souveraineté du Québec. Ainsi, le NON l'emporterait par 57 % des voix contre 43 %. Les francophones sont partagés également entre les deux options.
Pendant ce temps, le manifeste Pour un Québec lucide stimule des débats. Et il n'est pas bien loin du programme de l'ADQ, dont le conseil général a d'ailleurs lieu en fin de semaine à Granby. Le tandem Bouchard-Dumont risque de susciter quelques débats de couloir alors que l'Action démocratique connaît une période difficile en matière de finances et de membership. Et c'est sans compter l'impact marginal que le parti a eu aux plus récentes élections partielles. Dans Sainte-Marie-Saint-Jacques, l'ADQ s'est littéralement effondrée, ne recueillant que 2 % des suffrages.
Mais le potentiel conservateur au Québec demeure important, ainsi que tend à le démontrer le sondage Léger Marketing. 70 % des Québécois se disent satisfaits du travail du premier ministre du Canada, Stephen Harper. La lune de miel avec le Québec est d'autant plus évidente que 65 % des électeurs bloquistes, 64 % des libéraux et 61 % des néo-démocrates indiquent qu'ils sont satisfaits du gouvernement conservateur.
En matière d'intentions de vote, l'équipe de Stephen Harper -- qui a fait élire dix députés au Québec en janvier dernier -- recueille 27 % des appuis après répartition des indécis, contre 32 % pour le Bloc, 21 % pour le Parti libéral du Canada, 15 % pour le NPD et 4 % pour d'autres partis.
«On est dans une phase de charme, souligne Jean-Marc Léger. Pour l'instant, Harper a livré ce qu'il avait promis. C'est extrêmement rassurant, et c'est ce qui donne un taux de satisfaction exceptionnel chez les francophones. Le potentiel de vote se situe entre les 27 % d'intentions de vote actuelles et les 70 % de satisfaction.» Selon lui, cette tendance positive pour le PC devrait s'accélérer.
Ce sondage Léger Marketing a été réalisé entre les 26 et 30 avril auprès de 1002 répondants. La marge d'erreur se situe à 3,1 %, 19 fois sur 20.


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