65 % des Québécois souhaitent le voir quitter la direction du PLQ. Philippe Couillard ne réussirait pas à faire réélire les libéraux.
Après trois ans de turbulences politiques, la grogne populaire à l'endroit de Jean Charest bat des records. Deux Québécois sur trois estiment que le premier ministre devrait quitter la tête du Parti libéral du Québec, révèle un sondage Léger Marketing.
Réalisé pour le compte du Devoir, ce sondage tend également à démontrer que ce message n'émane pas que des adversaires naturels du premier ministre. Le mécontentement gagne même les rangs du PLQ. Les militants libéraux, réunis en conseil général à compter de ce soir à Trois-Rivières, sont sur la même longueur d'onde que l'ensemble de la population : le départ de M. Charest est souhaité par 41 % des électeurs libéraux.
Les non-francophones, c'est-à-dire les anglophones et les allophones, qui constituent traditionnellement une clientèle favorable au PLQ, sont également partagés. Ainsi, 49 % d'entre eux croient que M. Charest devrait lever l'ancre. Pour l'ensemble de la population, on compte 65 % de Québécois qui affirment que M. Charest devrait quitter ses fonctions de chef du PLQ alors que 31 % donnent un avis contraire et que seulement 4 % n'émettent aucune opinion.
«Les gens ont de la difficulté à cerner qui est le premier ministre Jean Charest. Quel est son plan de match, sa vision ? C'est une série d'événements qui a créé la situation. M. Charest se heurte sans arrêt à des débats plus anecdotiques qui prennent le pas sur les grandes questions d'éducation, de santé ou de développement économique», analyse le sondeur Jean-Marc Léger.
Léger Marketing a mené ce sondage entre le 26 et le 30 avril auprès de 1002 personnes. La marge d'erreur maximale est de 3,1 %, 19 fois sur 20.
La baisse d'impôt promise mais jamais concrétisée ainsi que la voix de la population qui ne semble pas atteindre le premier ministre dans des dossiers litigieux, par exemple celui de la vente d'une portion du mont Orford, érodent de plus en plus l'appui dont bénéficiait M. Charest lors de son arrivée au pouvoir, en avril 2003. Si les raisons de l'insatisfaction envers M. Charest qui militent en faveur de son départ sont nombreuses, quatre ressortent clairement : le non-respect des engagements (32 %), le fait qu'il ne tienne pas compte de l'opinion publique (29 %), le manque de leadership (16 %) et le fait qu'il ne défende pas bien les intérêts du Québec (11 %).
«Il semble y avoir une dichotomie entre ce que représente Jean Charest, soit la droite ultrafédéraliste, et ce que souhaite la population, habituée à un premier ministre nationaliste qui gouverne au centre», affirme Jean-Marc Léger.
De façon plus large, la satisfaction à l'endroit du gouvernement libéral ne s'améliore guère. Les répondants au sondage ont affirmé à 69 % ne pas être satisfaits du gouvernement Charest. Le mécontentement s'accentue chez les francophones, où il atteint les 74 %.
Même avec Philippe Couillard à sa tête, le Parti libéral ne réussirait pas à renverser la vapeur. En effet, dans l'hypothèse où l'actuel ministre de la Santé, à qui on prête des ambitions de se hisser à la direction du PLQ, prendrait le relais de Jean Charest, les intentions de vote bougeraient peu.
Si des élections avaient eu lieu à la fin de la semaine dernière, les libéraux menés par M. Couillard auraient obtenu 30 % d'appuis comparativement à 33 % pour le Parti québécois, ces résultats se situant dans la marge d'erreur. M. Léger s'explique les résultats par le fait que M. Couillard, bien qu'il soit fort apprécié de la population, est un nouveau venu en politique en plus d'être confiné à un seul dossier, celui de la santé. Le croisement de données tend à démontrer que M. Couillard suscite un intérêt inversement proportionnel à l'âge des électeurs.
Mais si on observe les adversaires en fonction à l'heure actuelle, les péquistes d'André Boisclair recueillent 34 % d'appui contre 29 % pour les libéraux de Jean Charest. L'Action démocratique du Québec se classe en troisième place avec 15 % d'intentions de vote et 14 % si M. Couillard était le chef libéral.
Le parti Québec solidaire, une nouvelle formation née de la fusion récente de deux partis de gauche, ferme la marche avec 8 % d'appuis si Jean Charest reste en poste et 6 % dans l'hypothèse d'un PLQ dirigé par Philippe Couillard. Pour M. Léger, la gauche demeure «un vote d'opposition».
Après répartition des indécis, six points d'écart séparent le PQ du PLQ (38 % contre 32 %). Ce qu'il importe de noter, c'est la baisse constante du vote péquiste depuis l'automne dernier. Le Parti québécois et son nouveau chef ne réussissent pas à profiter de la défaveur à l'endroit des libéraux.
En pleine course à la direction du PQ, en septembre dernier, les intentions de vote péquistes s'élevaient à 50 %, contre 30 % pour le PLQ. Deux mois plus tard, alors qu'André Boisclair venait d'être confirmé comme chef péquiste, l'appui populaire glissait à 47 %. En cinq mois, le PQ a perdu neuf points.
Pour ce qui est de la satisfaction de la population à l'endroit d'André Boisclair, elle apparaît très mitigée. En effet, 46 % des Québécois se disent satisfaits, contre 36 % qui disent ne pas l'être. On compte également 19 % de répondants indécis. Jean-Marc Léger mentionne que M. Boisclair «est plutôt absent des grands enjeux et des grands débats», ce qui pourrait expliquer cette situation.
Cette position assez neutre envers le chef péquiste et la contestation marquée de Jean Charest relèvent d'une insatisfaction générale envers la classe politique. «Devant ce grand vacuum, il y a une dispersion de l'électeur, qui est relativement orphelin. Le vote est paupérisé. Personne ne réussit à incarner l'avenue alternative. Il y a 32 % de gens qui votent libéral mais il y en a aussi
68 % qui votent contre le gouvernement libéral. Et personne n'est capable de récupérer cette part-là; on s'en partage des bouts. C'est à l'avantage du Parti libéral car la perception ne signifie pas que les libéraux vont perdre les prochaines élections», soutient M. Léger.
Cette enquête, croit le sondeur, laisse voir à quel point le vote au Québec est divisé en trois segments : péquiste, libéral et autre. «C'est la troisième voie qu'on cherche», laisse tomber Jean-Marc Léger.
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