Les 100 ans du Devoir

Toujours pertinent

Le Devoir a 100 ans!!!


Nous célébrons aujourd'hui et demain les 100 ans du Devoir. La mort de ce journal ayant été tant de fois annoncée, sa survie peut surprendre. Elle étonne d'autant plus que les choses vont bien. Qu'il en soit ainsi s'explique plutôt facilement. C'est tout simplement que Le Devoir est demeuré tout au long de ses 100 ans fidèle à sa communauté de lecteurs.
Ces dernières semaines et ces derniers jours, les lecteurs nous ont transmis de nombreux témoignages de toutes sortes, tous très touchants, par lesquels ils ont voulu manifester leur solidarité avec «leur» journal. Oui, ce journal leur appartient. De par sa structure même, il appartient à l'ensemble des Québécois. Le Devoir compte plus de 2000 actionnaires, mais on peut multiplier ce nombre presque à l'infini puisqu'on retrouve parmi eux le Mouvement Desjardins et le Fonds de solidarité, qui sont eux-mêmes des institutions de la collectivité québécoise.
Ce mode de propriété collective du journal fait qu'il n'est pas d'abord à la recherche de profits. Nos actionnaires ne sont pas en attente chaque trimestre de la déclaration du dividende. Ils veulent plutôt qu'il se consacre à remplir sa mission d'informer. Ils voient son mandat comme en étant un de service public. La recherche de profits sera là pour lui assurer autonomie et indépendance et pour lui donner des moyens de se développer.

Si un lien aussi fort existe et persiste entre ceux qui font Le Devoir et ceux qui le lisent, cela tient à l'existence d'un sentiment d'appartenance à une communauté. Ce mot «communauté» est devenu avec Internet un mot à la mode. Il y a des communautés d'intérêts qui se regroupent sur Internet pour échanger et tisser des liens. On n'a rien inventé, car au Devoir, cette communauté existe depuis 100 ans. Elle s'est créée tout naturellement autour des valeurs que son fondateur proposait, tel l'engagement civique, mais surtout autour de la défense et de la promotion de la langue et de la culture françaises. Cette défense a pris la forme de combats de toutes sortes dans ce journal. Ils auront permis au Québec de progresser et de trouver une certaine sécurité.
Lorsque l'on fait l'histoire du Devoir, on fait aussi l'histoire du Québec. On revoit les avancées réalisées par notre société. Aujourd'hui, la société québécoise n'est plus dans la survivance, ce qui explique peut-être que Le Devoir ne le soit plus. Mais on peut conséquemment se demander, puisque les choses vont mieux pour l'un et pour l'autre, si aujourd'hui Le Devoir demeure pertinent.
Au cours de ses 100 ans, il est évident que Le Devoir a évolué. Il n'est plus ce qu'il était lorsque Henri Bourassa l'a fondé. Il s'est adapté aux technologies apparues à chaque époque. Il a été le premier quotidien du Québec à s'installer sur Internet. Nous sommes toutefois à cet égard dans le domaine de la forme. Sur le fond, le journal a pris des virages importants. De journal religieux qu'il était, profondément catholique comme le voulait Henri Bourassa, il s'est peu à peu éloigné de l'autorité de l'Église pour devenir laïque... comme est en train de le devenir le Québec dans la plupart de ses institutions. Le débat sur laïcité se déroule d'ailleurs presque quotidiennement dans nos pages.
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Un autre virage qu'a pris Le Devoir est celui de la défense de la culture. Au début du XXe siècle, la grande préoccupation des Canadiens français était la protection de la langue française. Le débat portait pour beaucoup sur l'enseignement en français. La culture était noyée dans le débat sur la préservation de la langue. Langue et culture n'ont été associées que plus tard. Au Devoir, on aura compris qu'il fallait, pour défendre celles-ci, s'attacher aussi à défendre et à soutenir la création. Cela s'est fait au cours des années 1960 avec l'apparition de pages culturelles vouées à la création québécoise et qui, peu à peu, ont pris une telle importance que depuis deux décennies la culture et la politique sont les deux grandes lignes de force de notre journal.
Il y a une parenté évidente entre ces deux centres d'intérêt. Le regard que porte Le Devoir sur les grandes questions politiques ne vise qu'à s'assurer que les choix que font les gouvernements, celui de Québec comme celui d'Ottawa, permettront à la société québécoise de progresser sur le plan économique et sur le plan social, mais aussi sur le plan politique, tout particulièrement dans ses institutions propres. Le Québec est l'État national des francophones en Amérique et il doit disposer des moyens pour assurer la pérennité de leur existence. Au-delà des institutions, la culture vient jouer par ailleurs un rôle déterminant puisque désormais, c'est elle tout autant que la langue qui donne à la nation québécoise son caractère propre.
La pertinence du Devoir comme journal tient dans la poursuite de ce combat pour la sécurité culturelle de la société québécoise. Il s'agit pour lui d'y participer par les moyens qui sont les siens. Ils sont simples: l'information, la réflexion et le débat d'idées. Le Devoir n'est pas dans l'action politique et il n'a pas à l'être. Son engagement est moral et intellectuel.
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Au-delà de tous les témoignages que les lecteurs nous rendent à l'occasion de ce centième anniversaire, nous avons la conviction que Le Devoir demeure un journal toujours pertinent. Ce ne doit pas être sans raison si sa diffusion augmente. Il ne faut pas pour autant s'asseoir sur nos lauriers. Comme entreprise de presse, ce journal est appelé à s'adapter à de nouveaux outils technologiques. Une période de profonde mutation nous attend qui, pour être exigeante, ne diminue pas pour autant notre enthousiasme. Mais l'ensemble de la société québécoise est aussi en période de profonde mutation, notamment sur le plan démographique. Notre société change, elle se diversifie, la présence plus nombreuse des communautés culturelles nous forcera tous à de nouveaux regards. Ce sera le grand défi des prochaines décennies.
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bdescoteaux@ledevoir.com


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