Le premier ministre Jean Charest a donné hier midi le coup d'envoi à une campagne électorale en vue d'un scrutin le 26 mars. D'entrée de jeu, il a demandé à ses concitoyens un deuxième mandat pour poursuivre la réalisation de ses engagements. La continuité qu'il propose nous oblige à nous arrêter au bilan de ses quatre premières années.
Le premier mandat du gouvernement Charest peut être divisé en deux parties, la première couvrant les années 2003-05. Ce fut une période faite d'avancées, de reculs et, surtout, d'affrontements avec de nombreux groupes de citoyens. Ces trois années ont laissé un goût amer à une majorité de Québécois, qui n'ont pas apprécié de voir leur gouvernement se transformer en apprenti sorcier.
Dès les premiers mois qui ont suivi l'installation des libéraux au pouvoir, les Québécois ont découvert que le Parti libéral pour lequel ils avaient voté avec l'intention de se débarrasser du gouvernement péquiste n'était pas le parti centriste dont ils avaient gardé le souvenir. Les réformes mises en avant ont vite pris leur sens. La modernisation de l'État québécois cachait en fait la remise en cause de plusieurs acquis.
La première attaque contre le «modèle québécois» a été d'autant plus vivement ressentie que le gouvernement Charest rompait ainsi son engagement électoral explicite de ne pas hausser les frais de garde dans les centres de la petite enfance. «On n'a pas voté pour ça!», ont répliqué les parents dans un slogan qui a fait florès. Cette phrase a été reprise par les opposants aux défusions municipales, à la révision du régime d'assurance automobile, à l'abolition de l'article 45 du Code du travail sur la sous-traitance et à l'adoption d'une loi sur les partenariats public-privé.
L'opposition des Québécois au moindre geste du premier ministre -- ajoutons à la liste des controverses les subventions aux écoles privées juives, les compressions de 103 millions à l'aide aux étudiants, la centrale au gaz du Suroît, l'installation du CHUM au centre-ville de Montréal, la privatisation du mont Orford -- n'a pas affecté l'assurance affichée par celui-ci. Apparemment, du moins. «On maintient le cap», répétait-il toujours à ses militants. Néanmoins, ses reculs et ses valses-hésitations ont créé l'impression d'un appareil hors de contrôle.
Un des problèmes de ce gouvernement était alors la faiblesse de l'équipe ministérielle et l'absence de direction. N'eût été quelques ministres, dont Philippe Couillard à la Santé et Monique Jérôme-Forget au Conseil du trésor, ces trois premières années auraient été une catastrophe totale. Le premier a réussi à reprendre en main, du moins en partie, les services de santé. Si les urgences débordent encore souvent et si la pénurie de médecins et d'infirmières persiste, on peut néanmoins constater un progrès général. Quant à la présidente du Conseil du trésor, elle a exercé un contrôle des finances qui a permis au gouvernement de dégager une certaine marge de manoeuvre. Cela n'a toutefois pas suffi pour lui permettre de diminuer les impôts d'un milliard de dollars par année, ce qui était la grande promesse du programme libéral.
Ces 12 derniers mois, le premier ministre a toutefois dû reprendre son gouvernement en main. La direction est devenue plus sûre et un changement de cap s'est doucement effectué. On peut même parler de métamorphose. Comprenant enfin que les Québécois voulaient un gouvernement plus centriste et qu'ils auraient de toute façon le dernier mot, le gouvernement Charest s'est transformé au point de devenir presque aussi social-démocrate que le Parti québécois. D'ailleurs, plusieurs des mesures dont Jean Charest se dit aujourd'hui le plus fier avaient été pilotées par un gouvernement péquiste. C'est le cas des congés parentaux, de l'équité salariale et de l'entente sur la diversité culturelle à l'UNESCO. Il a aussi bien saisi l'état de l'opinion publique en adoptant un plan vert vigoureux. Il a également profité de l'arrivée du gouvernement Harper à Ottawa pour faire avancer les revendications historiques du Québec.
Au cours de cette dernière année, la méfiance d'une partie de l'électorat s'est atténuée, mais pas au point de garantir au Parti libéral, en ce début de campagne, un deuxième mandat. Reste à savoir lequel des deux visages du gouvernement Charest est le vrai, celui de l'idéologue conservateur des premières années ou celui du centriste des derniers mois. Pour pouvoir répondre à cette question, il faudrait savoir à quelle période le premier ministre fait référence quand il prononce le mot «continuité».
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