Saint-Henri-de-Lévis - C'est en affirmant le libre arbitre du Québec à utiliser comme bon lui semble les fonds issus de la péréquation que Jean Charest s'est défendu hier de vouloir acheter le vote des Québécois avec une baisse d'impôt de dernière minute.
Selon le premier ministre, l'engagement de réduire le fardeau fiscal de la classe moyenne concocté à partir des fonds annoncés lundi par Ottawa pour corriger le déséquilibre fiscal ne travestit en rien son objectif politique initial. «Moi, ce que je fais, c'est ce que j'ai dit que j'allais faire, c'est-à-dire garder les mêmes priorités et aller plus rapidement. [...] La classe moyenne mérite bien qu'on puisse continuer à faire des efforts pour réduire son fardeau fiscal», a affirmé M. Charest, qui faisait campagne en matinée à Saint-Henri-de-Lévis, dans la circonscription de Bellechasse.
Or l'objectif de plusieurs années de bataille pour obtenir un règlement du déséquilibre fiscal a été mis de côté avec l'engagement d'une baisse d'impôt à compter de 2008. Le 7 juin 2002, c'est Jean Charest lui-même qui avait présenté à l'Assemblée nationale une motion appuyée par Mario Dumont et le gouvernement du Parti québécois pour demander au fédéral de corriger le déséquilibre fiscal «en vue d'améliorer les services de santé, d'éducation et de soutien à la famille». La motion avait été adoptée à l'unanimité.
Dans son discours, M. Charest avait alors souligné que «l'objectif, pour nous, est très clair, puis il y en a un seul, c'est d'améliorer les services que nous allons et que nous voulons livrer aux citoyens du Québec». L'utilisation des fonds provenant du programme de péréquation afin de promettre une baisse d'impôt n'a jamais été mentionnée, ni à ce moment-là ni au cours du mandat du gouvernement libéral.
M. Charest a aussi soutenu qu'il n'avait pas attendu l'argent d'Ottawa pour réinvestir dans les services publics, et ce, malgré le déséquilibre fiscal. Il a ajouté que le gouvernement du Québec avait toute latitude de faire ce qu'il voulait avec la marge de manoeuvre de 700 millions de dollars. En 2002, il disait déjà que «le pire scénario, ce serait un scénario où le gouvernement fédéral, à distance, essaie[rait] de téléguider les décisions du gouvernement du Québec ou d'un autre gouvernement».
Hier, il a rappelé que ce sont «nos domaines de compétence à nous». «Ce n'est pas au gouvernement fédéral de venir dire comment faire dans nos domaines de compétence. On a fait en sorte que l'argent qui va à la santé aille à la santé. J'ai assumé mes responsabilités», a-t-il déclaré.
Mais voilà, si les services publics sont de qualité, pourquoi réclamer plus d'argent?, lui a demandé le journaliste de La Presse lors d'une conférence de presse tenue dans le froid de ce premier jour de printemps. M. Charest a refusé de répondre puisque, selon les règles édictées par son équipe, chaque journaliste qui suit la caravane libérale ne peut poser que deux questions. Le Devoir, à qui c'était le tour, a alors demandé à M. Charest de répondre à cette même question.
«On maintient les services de qualité depuis 2003. On a réinvesti en santé, on a réinvesti en éducation et on veut également réduire le fardeau fiscal de la classe moyenne québécoise pour qu'on puisse générer autant de croissance économique que possible», a répondu Jean Charest.
Mais pourquoi les Québécois le croiraient-ils? En 2003, l'aspirant premier ministre Jean Charest promettait des baisses d'impôt qui ne se sont pas entièrement concrétisées (1,4 milliard en quatre ans plutôt que un milliard par année). Le chef libéral estime que «les gens savent pour quelles raisons on n'a pas atteint notre objectif aussi rapidement qu'on aurait voulu», se référant ainsi à l'héritage du gouvernement du Parti québécois.
Quand Le Devoir a voulu savoir si le vent adéquiste inquiétait le chef libéral, une certaine grogne s'exprimant probablement derrière les résultats du sondage CROP publié hier par Le Soleil, le microphone a été coupé net. Le silence s'est ensuite installé, les journalistes attendant que M. Charest se décide à répondre. Le chef libéral était déjà prêt à couper court à l'exercice quotidien d'affrontement avec les journalistes, mais l'avalanche de questions a repris.
Ces moments de tension sont de moins en moins rares dans la caravane libérale. La veille, M. Charest avait systématiquement refusé de répondre aux questions qu'avait suscitées son annonce de réduction des impôts.
Cet engagement a été pourfendu hier par son ancien adversaire péquiste, Bernard Landry, qui estime que Jean Charest cherche une fois de plus à arnaquer les Québécois avec «une approche démagogique». «Et c'est pour ça que sa crédibilité est à l'image de sa campagne: d'une médiocrité exemplaire», a tranché M. Landry.
Quelques heures plus tard, Jean Charest a pris la parole devant les convives de la Chambre de commerce de Québec, demandant d'avoir une équipe forte pour poursuivre le travail amorcé. «La capitale nationale a besoin d'être représentée», a-t-il souligné.
M. Charest a également profité de cette tribune pour s'attaquer à son adversaire adéquiste, qui semble profiter d'appuis croissants dans la région de Québec. Derrière la volonté de l'ADQ de réduire la croissance des dépenses gouvernementales de 1 % se cache, selon lui, des compressions de 230 millions en santé et de 120 millions en éducation.
En après-midi, le chef libéral a fait un arrêt dans la circonscription de Montmorency, question de stimuler les troupes libérales. Il a ensuite participé à un rassemblement de militants à Donnacona, dans la circonscription de Portneuf. À la sortie, talonné par les journalistes, il a prédit un gouvernemennt libéral majoritaire.
Avec la collaboration d'Antoine Robitaille
Charest nie vouloir acheter des votes
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