La partie nulle de Jean Charest

Québec 2007 - Parti libéral du Québec

Jean Charest a choisi de faire une campagne électorale à l'image du gouvernement qu'il a dirigé pendant quatre ans, sans éclat, sans passion et sans élan.
Cette stratégie reposait sur deux messages: compétence et continuité. Les libéraux voulaient d'abord montrer que, des chefs des trois principaux partis, c'est Jean Charest qui était le plus compétent pour diriger le Québec. Ils comptaient aussi sur la force de l'inertie qui amène les électeurs à confier un deuxième mandat à un gouvernement sortant.
Cette stratégie n'a pas donné les résultats escomptés, comme le montrent les derniers sondages: à deux jours du scrutin, il est absolument impossible de prédire l'issue des élections. Deux choses n'ont pas marché.
Premièrement, de nombreux Québécois ne partagent pas le bilan que fait M. Charest de son passage au gouvernement, assez pour qu'ils ne le voient ni comme le meilleur des trois, ni même comme le moins pire. Deuxièmement, la logique de l'inertie a trouvé une autre forme d'expression. Les libéraux espéraient sans doute qu'une partie de l'électorat, faute de choix, par logique, ou par habitude, leur revienne de façon presque automatique. Mais ces voix ont trouvé un autre chemin, celui de l'ADQ.
Si les libéraux ont eu du mal à se servir du bilan de leur mandat pour assurer leur réélection, c'est d'abord parce que beaucoup de Québécois ont choisi d'évaluer Jean Charest non pas sur ce qu'il fait, mais sur ce qu'il avait dit qu'il ferait. M. Charest, dans cette campagne de 2007, a été hanté parce qu'il avait promis en 2003, particulièrement les baisses massives d'impôt, qu'il a livrées trop partiellement, et l'engagement de régler le problèmes des urgences, ce qui était impossible, parce que les solutions sont à long terme. On ne lui a pas pardonné.
Et le deuxième problème, c'est que la feuille de route des libéraux est loin d'être impeccable. Jean Charest n'était pas prêt lors de la prise du pouvoir. Ses premières années au pouvoir ont été marquées par des gaffes, des batailles qui ont suscité un vent d'opposition que le gouvernement n'a pu endiguer, des incohérences, de la paralysie dans bien des dossiers, et une incapacité chronique à communiquer, à expliquer les choix et à susciter l'adhésion.
Ce très mauvais début, heureusement pour le Québec, a été suivi d'une période que l'on peut qualifier d'excellente, en gros, les derniers dix-huit mois où le gouvernement Charest, en pleine possession de ses moyens, s'est ressaisi, a trouvé un rythme de croisière et a eu une bonne performance dans de très nombreux dossiers: éducation, environnement, relations fédérales-provinciales, développement économique, et en santé, avec des gestes qui ne donnent pas toujours des résultats immédiats, mais qui préparent l'avenir.
Bref, les libéraux ont mal commencé et bien terminé. Il y a là une courbe d'apprentissage qui, en toute logique, nous dit qu'un second mandat ressemblerait à ce qu'on a pu voir à la toute fin du mandat qui s'achève. Ce n'est donc pas un bilan général de son gouvernement que devait faire Jean Charest dans cette campagne. Il devait surtout se faire pardonner ses promesses non tenues, faire oublier les premières années de son gouvernement et insister sur les dernières. Montrer en quelque sorte qu'il y avait deux Jean Charest, l'ancien et le nouveau. Et que c'est ce Jean Charest nouveau qui se présentait devant les électeurs.
La stratégie de campagne, celle d'un chef d'État, au dessus de la mêlée, dont le programme électoral consiste essentiellement à promettre de continuer le beau travail, ne suffisait pas. Il aurait fallu de l'autocritique, pour faire oublier les gaffes du début. Il fallait aussi, parce que la performance du gouvernement libéral n'a pas été convaincante aux yeux de bien des électeurs, proposer un deuxième souffle dans un second mandat, pour aller plus loin.
Mais la campagne du chef libéral, morne et sans éclat, a eu l'effet paradoxal de rappeler aux citoyens cet ancien Jean Charest qu'ils n'aimaient pas, sans passion et sans conviction, notamment lors du débat des chefs, sans les talents de communicateur qui permettent de donner une direction et de mobiliser. Une initiative comme la baisse d'impôts de 700 millions, financée par le budget Flaherty, une promesse sortie d'un chapeau, improvisée et sans cohérence, rappelait aussi ces libéraux du début.
Jean Charest, dans le fond, visait une partie nulle. Dans certains sports, cela peut suffire, comme à la boxe. Mais notre sport national, c'est le hockey, où les nulles n'existent plus. Et voilà pourquoi la victoire, lundi soir, se décidera à la toute dernière minute, au moment des tirs de barrage.


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