Québec, un état optimal pour un peuples invisible

Le sort des Premières Nations est historiquement lié à celui des capacités de l’État du Québec

Chronique de Jean-Claude Pomerleau

Le film de Richard Desjardins sur les conditions de vie du peuple
algonquin aura le mérite de ramener dans l’actualité le sort fait aux
Premières nations. Cependant, on ne pourra comprendre ce qui a causé leurs
malheurs et fournir une base pour leur redonner la dignité perdue, sans
revenir sur l’histoire et surtout, sur des considérations géopolitiques si
nécessaires à la compréhension de ce débat.
Attribuer tous les problèmes que connaissent les nations indiennes à
l’apparition des « Blancs » en Amérique est un lieu commun facile qui gomme
une réalité historique et géopolitique. Encore faut il préciser que ces
nations furent en fait victimes des conséquences d’une guerre coloniale
menée sur leurs territoires par 2 puissances européennes qui avaient
chacune leur manière d’établir des relations avec elles. Il est capital de
noter que seul le Régime français avait établi avec elles des relations
(diplomatiques) de nation à nation. La Conquête (1759) qui a entraîné la
chute de la Nouvelle-France aura donc des conséquences tragiques sur la
suite de l’histoire.
L’histoire
En signant le Traité de la Grande Paix de 1701, les 32 Nations indiennes
avaient lié leur sort à celui de l’État naissant de la Nouvelle-France.
Durant tout le temps que ce traité fut effectif, cette alliance a permis
aux 70 000 français de contenir la volonté de domination du continent de
plus d’un million de colons anglais et aux 32 Nations indiennes de rester
maîtres de leurs territoires. (1)
Suite à la conquête britannique qui a entraîné la déstructuration de
l’État de la Nouvelle -France, sur lequel ces 32 nations s’appuyaient pour
leurs défenses (milices), plus rien ne s’opposait au rouleau compresseur
des colons britanniques qui convoitaient leurs territoires. En moins d’une
génération après la défaite, toutes ces nations ont perdu leurs bases
territoriales ancestrales. Même les Mohawks ont perdu leur territoire quand
les Yankees américains ont chassé les loyalistes (leurs alliés) du
territoire américain. De l’histoire ancienne sans rapport, pensez vous?.
Non, les Mohawks sont encore dans le prolongement de cette guerre,
puisqu’il érigent actuellement des barricades à Caledonia en Ontario pour
préserver un bout de territoire que la Couronne Britannique leur a cédé
pour compenser la perte de leur vaste terre ancestrale. Des développeurs
veulent y construire des condos!
Géopolitique
La conséquence de la chute de l’État de la Nouvelle France (même
coloniale) a été une catastrophe historique pour les nations indiennes.
Finie la relation de nation à nation. Les vainqueurs britanniques vont les
réduire, petit à petit, dans des réserves, soumis plus tard à une loi de
l’apartheid (Indians Act) (2). Résultat: elles se classent actuellement
au 63è rang dans l’indice de développement humain (I .D.H.) des Nations
Unis; niveau équivalent à celui d’un pays du tiers monde.
On peut plaindre longtemps le sort des nations indiennes pour se donner
bonne conscience mais, il sera plus utile de chercher les bases concrètes
sur lesquels une véritable dynamique de l’espoir puisse prendre appui. La
base concrète de cet espoir pour les Premières Nations du Québec, est le
même que celle de la Grande Paix de 1701 : cette alliance doit s’appuyer
sur un État du Québec performant, et donc optimal.
Suite au lancement de son film documentaire, Richard Desjardins a
interpellé les souverainistes sur leurs intentions politiques concernant
les Premières Nations. Traduit en termes géopolitiques, quelle sera leur
stratégie d’État en matière de relations avec les Premières Nations.
Pour rassurer M. Richard Desjardins, il faut rappeler que la plupart des
membres de l’équipe politique qui ont mis en place l’État moderne du Québec
dans les années soixante sont devenus souverainistes par la suite. Et ce
sont eux qui ont mis au point la stratégie d’État la plus cohérente pour
utiliser les leviers de l’État afin d’améliorer le sort des Premières
Nations par la suite :
C’est le gouvernement de René Lévesque qui a rétabli la relation de
nation à nation entre le Québec et les Premières Nations (Une première
depuis M. Vaudreuil, en 1759). Par cette reconnaissance, plusieurs nations
sont soudainement devenues « visibles » en termes géopolitiques.
C’est le gouvernement de Bernard Landry qui a conclu le traité de « La
paix des braves » qui venait bonifier le traité de « La Baie James ». Une
évocation historique à celui de « La Grande Paix de 1701 ». Traité moderne
qui produit maintenant ses fruits pour le plus grand bénéfice des Cris et
des « Blancs ».
Les politiques mises en place par un gouvernement souverainiste nous
donnent une indication claire de son intention et nous laissent entrevoir
ce qu’il aurait pu réaliser s’il n’avait pas été limité aux moyens d’ un
demi État, celui d’une province.
Pour que le Québec puisse relever l’immense défi de ramener espoir et
dignité parmi l’ensemble des Première Nations, il faudra qu’il se donne les
moyens d’agir d’un État optimal, c'est-à-dire d’un État souverain (En
géopolitique, seul l’État agit avec envergure). C’est à cette condition que
le Québec pourra assumer un leadership exemplaire et s’offrir comme un
modèle pour le monde.
Le sort des Premières Nations est historiquement lié à celui des capacités
de l’État du Québec, et, s’agissant des Algonquins, d’un État du Québec
optimal, pour ce peuple invisible.
Jean Claude Pomerleau
(1) René BOULANGER, La bataille de la mémoire, Les Éditions du Québécois
(Un point de vue géopolitique sur les raisons de la défaite militaire des
français et sur le constat que la bataille n’est pas encore finie pour le
Québec, car elle se poursuit à tous les niveaux dont celui de la mémoire.)

(2) Le chef huron Max GROIS-LOUIS : «La loi fédérale des Indiens
constitue un génocide bien planifié pour faire disparaître les
Amérindiens».



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5 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    16 novembre 2009

    Matthew Coon Come, Grand chef du Grand Conseil des Cris.
    Le moment de donner un sens à la Paix des Braves.
    (...)
    En signant la Paix des Braves, nous voulions reléguer au passé les approches révolues et les instincts négatifs. Nous voulons travailler plutôt à bâtir des assises solides pour notre nation en aménageant et en développant le territoire dans un esprit de partenariat de nation à nation qui profite à nos deux peuples.
    Réaffirmer la Paix des Braves
    Aussi, j'invite le premier ministre Charest à se joindre à moi pour réaffirmer l'esprit de la Paix des Braves, et renouveler l'esprit de la convention de la baie James et du Nord québécois. C'est le moment de donner un sens à nos ententes et de cheminer en tant que partenaires égaux pour le bénéfice mutuel de nos peuples.
    Réaffirmons ensemble la relation spéciale qui existe entre la nation crie et Québec, relation qui découle de nos ententes novatrices et historiques. Retournons à une relation de nation à nation, fondée sur les principes, où règnent la bonne foi, la confiance et le respect mutuel.
    (...)
    http://www.ledevoir.com/2009/11/16/277379.html
    JCPomerleau

  • Nicodème Camarda Répondre

    22 mars 2009

    Merci Monsieur Pomerleau
    Ma mauvaise connaissance de l'histoire me créait quelques malaises lorsque je songeais aux premières nations ; En toute franchise, je me demandais comment me réclamer d'un pays qui, somme toute, n'était pas mien au départ. Ce paradoxe n'a jamais quitté le lieu de ma conscience. Je dis bravo aux peuples de bonnes volontés;Ils ne peuvent pas ignorer la cause des nations autochtones sans perdre toute forme de crédibilités. Nos détracteurs ne le savent que trop. Ré instauré la dignité voir la souveraineté des peuples premiers est la base cohérente d'un État cohérent. Merci monsieur Jean Claude: j'admire cette volonté, c'est le gros bon sens qui parle.
    Un admirateur
    Nicodème C

  • Archives de Vigile Répondre

    20 décembre 2008

    Décembre 2008. La nomination du Ministre Corbeil aux affaires autochtones par le Premier Ministre Charest équivaut a une déclaration de guerre selon les Premières Nations. Comment expliquer que les liberaux provinciaux ait si peu de respect pour les Premieres Nations, comparer au Parti Québécois de Rene Levesques.
    Cette différence de politiique entre Pq et PLQ vis a vis les Premières Nations, évoquée dans l'article en lien (1), vient confirmer mon argumentaire: Les Premières Nations du Québec ont tout a gagner a appuyer fermement les souverainistes , dans l'esprit de la Grande Paix . Une alliance profitable qui prend appuie sur une État du Québec optimal donc souverain.
    Géopolitique 101: Le sort des Premières Nations est lié aux capacités de l'État du Québec.
    JCPomerleau
    (1) http://www.ledevoir.com/2008/12/20/224241.html

  • Archives de Vigile Répondre

    22 mars 2008

    Un autre film sur les Algonquins (Sans réserve, de Patrick Pellegrino ) qui va dans le sens de mon argumentaire. On y présente le projet d'un village modèle voulu par les Algonquins bloqué par l'inertie d'Ottawa:"Le gouvernement (Ottawa) a peur de créer un précédent, croit Henri Jacob, un conseiller de M. Papatie en aménagement du territoire. «Il y a plus de 600 communautés autochtones au Canada et, si le gouvernement crée un statut particulier pour une communauté, ça va faire boule de neige.» Ce problème ne se posait pas à Ouje-Bougoumou, qui ne relève pas de la Loi sur les Indiens mais bien de la Convention de la Baie-James." (http://www.ledevoir.com/2008/03/22/181786.html)
    De toute évidence les Algonquins gagneraient à se débarrasser d' Ottawa et de sa Loi raciste qui les tient sous tutelle coloniale (Indians Act). Ce qui serait le cas si le Québec était souverain.
    jcpomerleau

  • Archives de Vigile Répondre

    25 décembre 2007

    Parmis les propositions pour faire progresser le Québec vers un état optimal de M Gérald Larose, il y en a une qui concerne la relation avec les nations amérindiennes, qui rejoint mon propos:
    ''7. L’engagement à concrétiser l’autonomie gouvernementale des nations amérindiennes. Poursuivant l’élan donné dans la Paix des Braves et dans l’Approche Commune, la gouvernance souverainiste pressera la concrétisation de l’autonomie gouvernementale des nations amérindiennes sur le territoire du Québec et fera alliance avec elles aux Nations unies pour la progression de la reconnaissance de leurs droits.''
    (http://www.m-e-s.org/gauche/bibliotheque/revue/2007-12-15_action_nationale)
    JCPomerleau