Pan! dans le pied

Mettre la pédale douce sur la souveraineté ne suffira pas à redonner le pouvoir au PQ, mais cela pourrait bien lui faire perdre sa raison d'être.

Pacte électoral - gauche et souverainiste


Décidément, la gestion de crise ne s'améliore pas au PQ. La semaine dernière, Pauline Marois admettait que cela avait été une erreur d'imposer la ligne de parti à ses députés dans le dossier de l'amphithéâtre. Pensait-on sérieusement pouvoir l'imposer à Jacques Parizeau? Cet acharnement à se tirer dans le pied devient franchement fascinant.
L'ancien premier ministre n'allait certainement pas accepter de recevoir des leçons de grandeur d'âme d'une douzaine de «jeunes» députés, sans doute inspirés par le bureau de Mme Marois, qui l'invitaient poliment à se taire. La réplique a été cinglante: quand on renonce aussi facilement à ses principes, on devrait au moins s'abstenir de fanfaronner. D'ailleurs, il n'a pas semblé très impressionné par leurs états de service. «À quarante ans, René Lévesque nationalisait les compagnies d'électricité...»
M. Parizeau croit sans doute aux vertus de la paix, de la solidarité et du développement durable évoquées dans la lettre des 12, mais il a toujours eu les phrases creuses en horreur. S'il y a une chose qui ne l'a jamais embarrassé durant ses années en politique, c'est bien la rectitude politique. Il se serait même évité bien des ennuis s'il avait pu réprimer à l'occasion ce besoin insatiable de toujours dire ce qu'il pense.
Il est vrai qu'à l'époque où il était lui-même chef du PQ, sa patience à l'endroit de ceux qui exerçaient leur droit de parole à ses dépens était passablement limitée. En 1993, André Boisclair avait eu le malheur de dénoncer «l'intégrisme» qui régnait au PQ. M. Parizeau s'était senti visé et ne l'avait pas digéré. Le jeune député de Gouin avait dû attendre son départ pour accéder au cabinet.
Au PQ, la stratégie sur l'accession à la souveraineté et le leadership ont toujours été indissociables. Malgré la cabale menée à l'automne 1990 par quelques-uns de ses députés, comme Jean Garon, Gérald Godin et Jacques Baril, qui voulaient revenir au principe de l'élection référendaire, abandonné en 1974, M. Parizeau ne leur avait cependant imposé aucune sanction.
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Il n'a pas aimé la façon dont Mme Marois a manoeuvré pour que son «plan pour un Québec souverain» soit enchâssé dans le programme du PQ. Il a été particulièrement irrité par le sort qui a été fait à la proposition présentée par l'association de Crémazie, qui voulait forcer la chef péquiste à rendre périodiquement compte de ses préparatifs référendaires.
«Ces choses-là laissent des traces...», écrit-il. Et elles ne s'effaceront pas de sitôt, pourrait-on ajouter. Le jour où son épouse a claqué la porte du caucus péquiste, M. Parizeau s'était abstenu de tout commentaire. Pourquoi lui avoir adressé cette lettre, qui relevait de la provocation? S'il fallait maintenant que l'association de Crémazie, présidée par son pugnace petit-fils, Hadrien, soit mise en tutelle...
Certes, on peut comprendre l'exaspération que provoquent ses critiques. Surtout quand on se souvient qu'après avoir renversé Pierre Marc Johnson, M. Parizeau avait fait adopter un programme qui ressemblait à s'y méprendre à ce que Mme Marois appelle la «gouvernance souverainiste».
Une fois élu, un gouvernement péquiste «aura la responsabilité d'enclencher le processus devant mener à la souveraineté», pouvait-on y lire. «Ce processus passera d'abord par la négociation avec le gouvernement fédéral. Il peut aussi passer par d'autres moyens démocratiques, tels que législations et consultations populaires portant sur des pouvoirs spécifiques.» C'est seulement au terme de ce processus, pour lequel aucun échéancier n'était prévu, qu'il y aurait un référendum portant sur la constitution d'un Québec souverain.
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Sans l'échec de l'accord du lac Meech, qui a déclenché un mouvement de fond en faveur de la souveraineté, M. Parizeau aurait sans doute été condamné au même «flou artistique» qu'il reproche aujourd'hui à Mme Marois.
En juin 1995, il avait placé son parti devant un fait accompli. Aucune instance du PQ n'avait été consultée avant la signature de l'entente tripartite avec le PQ et l'ADQ. Le concept de «souveraineté-partenariat» était totalement nouveau. On était très loin de la question claire que M. Parizeau promettait depuis des années.
À l'époque où il était chef de l'opposition, il avait eu la chance d'évoluer dans un contexte bipartite. Peu importe ce qu'il pouvait proposer, le jeu de l'alternance allait ramener le PQ au pouvoir tôt ou tard. Après neuf ans de gouvernement libéral, tous ceux qui voulaient du changement n'avaient pas d'autre choix, quitte à voter non au référendum.
Mme Marois n'a malheureusement plus cette assurance. Aux prochaines élections, un nouveau parti dirigé par François Legault offrira une autre voie, qui semble avoir la nette préférence des Québécois. Mettre la pédale douce sur la souveraineté ne suffira pas à redonner le pouvoir au PQ, mais cela pourrait bien lui faire perdre sa raison d'être.


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