Québec -- Un gouvernement de Québec solidaire nationaliserait et taxerait tous azimuts. L'État québécois dont QS détiendrait les rênes prendrait une ampleur inégalée puisqu'il nationaliserait le secteur éolien (création d'Éole-Québec), l'eau (qui deviendrait «chose publique» dans le Code civil), les industries pharmaceutiques (mise sur pied de Pharma-Québec). Il prélèverait aussi plusieurs «écotaxes» sur les produits polluants. C'est une partie de ce que l'on apprend dans un «document préparatoire» daté du 24 octobre -- dont le Devoir a obtenu copie -- et qui est issu du comité de coordination national et de la commission politique.
L'adoption d'une plateforme par les militants de QS se fera les 24, 25 et 26 novembre alors qu'ils seront réunis en congrès à Montréal. Depuis la fondation du parti au début du mois de février, la porte-parole Françoise David a promis de livrer un programme contenant des promesses «chiffrées et réalisables». Aussi, pour ses rédacteurs, ce document a pour but de «faire mentir ceux et celles qui aiment décrire [les militants de QS] comme des "pelleteux" de nuages éloignés des préoccupations quotidiennes». Le parti qui s'autodéfinit comme «écologiste, féministe, de gauche et souverainiste» a mis au travail «200 militantes et militants dans 14 commissions thématiques» pour aboutir à une version de la plateforme électorale qui sera soumise à l'appréciation des militants.
Intitulé Engagements électoraux pour les 1000 premiers jours du gouvernement de Québec solidaire, le document contient trente-six propositions regroupés en cinq thèmes: «habiter ensemble, bâtir ensemble, vivre ensemble, grandir ensemble et gouverner ensemble.» Il se veut farouchement écologiste (le Parti Vert fait actuellement le double de QS dans les sondages) et veut mettre l'économie «au service de la population».
Éole-Québec
Au moins deux mesures figurant dans le document de QS contrastent avec les choix du Parti québécois. Envisageant la nationalisation du secteur éolien, Québec solidaire créerait «Éole-Québec», décrit dans le document comme une «société publique qui développera le potentiel éolien du Québec en "coresponsabilité" avec les instances démocratiques locales et régionales, [lesquelles] seront responsables de la mise en oeuvre des nouveaux projets et pourront conserver une part équitable des bénéfices issus de ceux-ci». QS adopterait toutefois une mesure promue par André Boisclair, soit de définir l'eau, dans le Code civil, comme «chose publique», où on la définit actuellement comme «chose commune». (Les tenants de la nationalisation, notamment André Bouthiller d'Eau-Secours, plaident plutôt pour que l'eau soit qualifiée de «chose collective».)
Un État QS soumettrait l'industrie forestière à d'importants contrôles. Il créerait des «comités forestiers locaux» c'est-à-dire des organismes sans but lucratif (OSBL) qui se verraient confier «la prise en charge d'une gestion écosystémique de la forêt publique», dont les plans de gestion seraient «approuvés par le gouvernement». Celui-ci percevrait des redevances et effectuerait «le suivi des opérations forestières». Un gouvernement QS doublerait la superficie des aires protégées et viserait, «à moyen terme», à protéger ainsi 12 % du territoire québécois.
La souveraineté
QS souhaite la souveraineté du Québec. Dans le document, la démarche qu'il propose pour y accéder est qualifiée d'«inclusive, démocratique et participative». Un gouvernement QS «dès son premier mandat», ferait élire au suffrage universel une assemblée constituante à «parité femmes-hommes». Celle-ci consulterait ensuite la population au moyen d'un processus de «démocratie participative». «Les propositions de l'assemblée constituante» seraient ensuite soumises à la population québécoise «par voie de référendum». «Celui-ci comprendra deux questions distinctes: l'une, portant sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec, l'autre, sur une constitution québécoise», peut-on lire dans le document.
Travailler moins
Contrairement à Lucien Bouchard, QS trouve que les Québécois travaillent trop. Ainsi, en matière d'emploi, la première mesure de QS serait d'étendre «la durée des vacances», qui passeraient «à trois semaines après une première année d'emploi et à cinq semaines après cinq ans». QS multiplierait les promesses en matière d'emploi. Il ouvrirait «un débat en profondeur sur la réduction du temps de travail»; il abrogerait «les lois antisyndicales (7, 8, 31 et 142)» afin de permettre «de véritables négociations avec le secteur public» et modifierait les lois afin s'accorder «aux travailleurs et travailleuses le droit de refuser les heures supplémentaires à la fin de la journée de travail normale sauf en cas de force majeure».
Si le document est adopté, QS prendra les engagement suivants lors de la prochaine campagne électorale:
- embauche des personnes issues des communautés culturelles dans la fonction publique afin que celles-ci représentent, en 2011, 5 % des employés;
- augmentation progressive du salaire minimum à 10 $ l'heure;
- hausse graduellement des prestations d'aide sociale afin de couvrir l'ensemble des besoins essentiels;
- financement d'un chantier de 8000 logements sociaux réalisés écologiquement par année;
- rendrait les médicaments gratuits pour les prestataires d'aide sociale;
- réduction progressive, «à tous les niveaux», des droits de scolarité;
- modification de la Charte québécoise des droits et libertés pour y ajouter de «nouveaux droits» comme ceux au logement, à la santé et à l'éducation;
- dispensation gratuite des cours d'apprentissage et de perfectionnement du français aux nouveaux arrivants, aux anglophones et aux autochtones.
En matière internationale, un gouvernement Québec solidaire se voudrait clairement altermondialiste et pacifiste. Il privilégierait la «collaboration avec d'autres gouvernements progressistes» (l'ancien co-porte-parole Amir Khadir a souvent cité en exemple le Venezuela de Chavez et la Bolivie de Morales) et créerait une Agence de coopération internationale du Québec qui «triplerait» le budget québécois destiné à l'aide étrangère. «Les possibilités de conversions de l'industrie militaire» seraient sérieusement étudiées.
Sondage
Évidemment, la prise du pouvoir par QS est passablement hypothétique. Si un sondage CROP-L'actualité de janvier avait déterminé qu'un Québécois sur 5 se disait prêt à voter pour un parti de gauche (à l'époque, QS n'existait pas encore officiellement), depuis février, QS stagne à moins de 5 % de la faveur populaire. Un récent coup de sonde CROP-La Presse, mené à la fin octobre, indiquait que QS obtenait 4 % des intentions de vote. Le Parti Vert, quant à lui, recueillait plus du double, avec 9 %.
Fin septembre, la porte-parole de QS, Françoise David, avait dit compter sur la publication de la plateforme électorale pour faire remonter QS au niveau de 7 % des intentions, «probablement plus», avait-elle dit. Actuellement à quelque 5000 membres, QS veut en compter 7000 d'ici avril 2007. Différentes personnalités ont depuis quelques mois appuyé publiquement Québec solidaire, notamment la militante «équitable» Laure Waridel, l'humoriste Yvon Deschamps et le chanteur Luck Mervil.
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