La planète subventionnée

Québec 2007 - Québec solidaire

C'est encore une chance pour Québec solidaire que les libéraux soient au pouvoir à Québec. Un gouvernement péquiste aurait sans doute mobilisé toute la machine gouvernementale pour passer au crible les propositions que les 320 délégués au congrès de QS ont adoptées en fin de semaine dernière.
Le gouvernement Landry avait fait le coup à l'ADQ à l'automne 2002. Le parti du Mario Dumont, qui se voyait déjà premier ministre, avait aussitôt commencé à piquer du nez et peine encore à s'en relever.
Le gouvernement de Jean Charest n'a heureusement aucun intérêt à désillusionner les souverainistes progressistes qui ne voient dans le PQ d'André Boisclair qu'un parti néo-libéral de plus. Chaque voix que lui enlèvera QS rapprochera les libéraux d'un deuxième mandat.
Remarquez, les chiffres que Françoise David a transmis aux médias et qui, de son propre aveu, demeurent encore très incomplets, sont déjà impressionnants. Au seul chapitre de l'éducation, avec l'abolition des droits de scolarité, la baisse du ratio maître-élèves et l'élimination de l'endettement étudiant, il y en aurait au bas mot pour un milliard.
Le relèvement immédiat de l'ensemble des prestations d'aide sociale au niveau de celles versées actuellement aux bénéficiaires qui ont des contraintes sévères à l'emploi est évalué à 800 millions, sans compter l'indexation promise. On veut même en arriver à terme à couvrir l'ensemble des «besoins essentiels», aussi difficiles à définir qu'à estimer.
Il y a des limites à promettre la lune. Samedi après-midi, Mme David et l'autre «porte-parole» de QS, Amir Khadir, ont cru nécessaire de lancer un appel à ceux qui voulaient qu'un gouvernement solidaire assure la gratuité des médicaments à toute personne vivant sous le seuil de pauvreté. Dans un premier temps, seuls les prestataires d'aide sociale bénéficieront de la gratuité. Notons tout de même le progrès: dans le document qui a fait l'objet d'une fuite, il y a trois semaines, il était question de l'étendre à tout le monde.
En fin de semaine, les délégués ont également convenu que l'instauration d'un «revenu de citoyenneté», qui nécessiterait un budget deux fois plus élevé que celui du Québec, devrait encore faire l'objet de consultations.
Mme David a promis que QS dévoilerait durant la prochaine campagne électorale un cadre financier rigoureux dans lequel s'inscriront les engagements de son parti. En cela, QS ne diffère pas des autres partis, qui attendent généralement à la dernière minute pour dévoiler leurs chiffres.
On peut cependant tenir pour acquis que QS sera le seul à proposer une augmentation du fardeau fiscal. Celui des mieux nantis, bien entendu. On évalue entre 2 et 3 milliards -- des chiffres «très conservateurs», selon Mme David -- les revenus supplémentaires que générerait la révision de la fiscalité, notamment l'introduction de nouveaux paliers d'imposition pour les contribuables à hauts revenus, une plus forte imposition des gains en capital et des dividendes, de même que l'abaissement du plafond des REER.
Faire payer les riches est toujours la première solution que propose la gauche. La richesse est là, il suffit de mieux la distribuer. On se soucie généralement moins d'en créer davantage. À cet égard, QS s'inscrit dans une longue et riche tradition.
Tout au long de la fin de semaine, les délégués se sont embourbés dans les marécages d'une procédure qui est souvent le lot des nouveaux partis. Devant l'impossibilité de couvrir toute la matière, il a fallu faire des choix. Un délégué issu de la FTQ a déploré qu'en deux jours de délibération, on n'ait pas trouvé un moment pour parler de création d'emplois. En revanche, il y a eu une sérieuse discussion sur la nécessité pour Pharma-Québec d'élaborer des règles strictes pour restreindre l'expérimentation animale.
En conférence de presse, M. Khadir a expliqué que QS comptait aussi sur la création d'emplois pour augmenter les revenus de l'État, mais à aucun moment il n'a été question de la contribution du secteur privé. C'est plutôt l'État qui fabriquera de nouveaux contribuables, qu'il s'agisse des enseignants qu'il faudra embaucher en raison de la baisse du ratio maître-élèves, du personnel des nouvelles sociétés Pharma-Québec et Éole-Québec ou des emplois créés dans secteur de l'économie sociale à l'aide des fonds publics.
Cela compensera peut-être les emplois dont la création pourrait être compromise par l'alourdissement de la fiscalité. Mme David est agacée au plus haut point d'entendre dire qu'elle vit sur une autre planète, mais plusieurs délégués au congrès venaient manifestement d'un monde où tout est subventionné.
Si QS estime que la souveraineté est la clé d'un meilleur avenir pour le Québec, le chemin proposé n'est pas nécessairement le plus rapide, ni le plus sûr. M. Khadir est d'ailleurs le premier à convenir qu'il pourrait déboucher sur autre chose.
Le programme du PQ prévoit lui aussi un vaste exercice de «démocratie participative», qui prendrait la forme d'un «forum public d'expression citoyenne» dans tous les coins du Québec, mais la réunion d'une assemblée constituante serait remise après la tenue d'un référendum sur la souveraineté.
Dans l'espoir de favoriser un consensus, un gouvernement formé par QS prendrait le risque de se dessaisir de l'initiative du référendum au profit d'une assemblée constituante élue au suffrage universelle, qui déciderait même de son objet.
Si cette assemblée est vraiment représentative, les chances sont que fédéralistes et souverainistes s'y retrouvent à égalité ou presque, avec tous les risques de blocage que cela comporte.
Même avec des partenaires favorablement disposés envers la souveraineté, Jacques Parizeau avait dû se résoudre, après des semaines de difficiles négociations, à introduire dans la question référendaire un concept -- le partenariat -- qui ne lui disait rien de bon. Une assemblée où toutes les tendances politiques seraient réunies pourrait virer rapidement à la foire d'empoigne.
Après l'échec de l'accord du lac Meech, la commission Bélanger-Campeau, dont la composition se voulait la plus représentative possible, n'avait pu faire mieux que de constater l'existence de deux voies de solution, la souveraineté et le fédéralisme renouvelé, sans en recommander aucune. Répéter l'exercice à une plus grande échelle risquerait d'aboutir au même résultat.
mdavid@ledevoir.com


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