Nation québécoise : et les institutions culturelles du Québec ?

La Nation québécoise a récemment été reconnue par Ottawa - mais l’est-elle par les grandes institutions culturelles québécoises ?

Tribune libre - 2007



Le Québec s’est doté depuis 1968 d’une Assemblée nationale. Il est probant que fut comprise depuis bien plus longtemps que cela la dualité nationale de la Confédération canadienne, y compris par John A. MacDonald lui-même, autant que la dimension nationale du Québec l’était par les Québécois eux-mêmes en 1867, ce qu’allait réaffirmer le Premier ministre Honoré Mercier. Certes, il n'y avait pas de "vrai" pacte mais c'est ainsi qu'on a vendu et présenté la Confédération aux Québécois : comme une reconnaissance de leur autonomie nationale. Tout récemment, Ottawa a reconnu l'existence de la nation québécoise de façon plus explicite, rompant avec la stratégie de négation absolue adoptée depuis Trudeau.
Paradoxalement, il semble que plusieurs des institutions culturelles majeures de la Métropole gomment cette spécificité dans leur présentation de la création québécoise. C’est contradictoire, parce que c’est précisément en matière d’expression culturelle que la distinction est des plus éloquentes, et des plus évidentes pour le public… québécois.
Qui au Québec ne sait distinguer la littérature québécoise et la littérature canadienne, qui confond le cinéma québécois très couru et le cinéma canadien méconnu ?
Pourtant, lorsque le Musée des Beaux-Arts de Montréal annonce la création d’une nouvelle salle d’exposition, il ne parle que de collection nationale d’art canadien. De même, le directeur du Musée d’Art contemporain parle de trois capitales successives de l’art contemporain canadien, Montréal, Toronto et Vancouver. Est-ce que cette analyse est véritablement éclairante en ce qui concerne l’art québécois que présente ce musée, art qui a une histoire inscrite sur l’ensemble du territoire québécois, autour de Québec et autour de Montréal, comme les parcours de Borduas et de Riopelle eux-mêmes à travers le Québec le rappellent ? Histoire encore plus digne d'attention ici même, pourtant.
Que dire maintenant de l’OSM, qui ne célèbre que des « grands Canadiens », qui présente au public un Alain Lefebvre comme « musicien canadien ». Lorsqu’Alain Lefebvre fait connaître André Mathieu au public québécois, pourtant, c’est pour attirer son attention sur un grand compositeur québécois et en particulier attirer l’attention de la jeunesse sur un grand artiste du cru.
Pourquoi est-ce que l’OSM se découvre une subite pudeur à présenter Lefebvre comme un Québécois quand le monde de la musique a coutume de présenter Jordi Savall comme un Catalan ? Les représentants de l’OSM répondent que, techniquement, Lefebvre est un citoyen canadien… Certes, mais cela n’excuse pas ce manque de précision devant un public plus qu’averti en la matière. Dans ce cas-là, on ne dira plus que Savall est Catalan, ni que Robert Burns est un poète écossais. Après tout, parler avec précision de l’art québécois, de musiciens québécois, n’est que descriptif et demeure indépendant, en fait, des prises de position politique fédéraliste, autonomiste ou souverainiste.
Nos librairies mélangent littératures canadienne et québécoise dans le même rayon, tandis qu’elles mêlent souvent la littérature française ou de langue française avec les traductions internationales.
C’est l’usage de l’épithète national au Québec qui devrait nous interroger. Puisque la nation québécoise fait actuellement partie d’une Confédération, est-ce que ce qui est décrit comme « national » au Québec ne devrait pas, dans notre prose et dans des médias tel Le Devoir, renvoyer à la nation québécoise par souci de clarté et de cohérence avec nous-mêmes, tandis que ce qui relève de l’ensemble de la Confédération devrait être décrit comme « fédéral », « confédéral », à « l’échelle canadienne » ou « pancanadien » ? Ainsi, on éviterait la confusion entre un programme « national » et un programme « confédéral », qu’on présente tous deux comme « nationaux » en ce moment dans nos médias. Cela ne permet guère de distinguer clairement la dimension québécoise et la dimension canadienne et entretient une confusion. Et si nous nous reconnaissions nous-mêmes avec clarté et cohérence, en premier lieu ?
Ce qui se conçoit clairement s'énonce clairement, et puisque nous exigeons d'Ottawa et du Canada, comme du monde, une reconnaissance, nous devrions, au premier chef, être nous-mêmes cohérents avec cette identification !

Charles Courtois,
Montréal.
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Charles-Philippe Courtois29 articles

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Charles-Philippe Courtois est docteur en histoire et chercheur postdoctoral à la Chaire de recherche en rhétorique de l'Université du Québec à Trois-Rivières. Il prépare la publication de La Conquête: une anthologie (Typo, automne 2009).





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4 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    6 août 2007

    "Comment ça qu’il ne restera plus rien aux Québécois ?
    Est-ce que l’Alcan nous appartenait et qu’on la contrôlait plus l’an passé ?" (Bousquet)
    Je suis surpris par votre ignorance du sujet, M. Bousquet. Pourtant Vigile regorge d'information sur cette vente d'un joyau stratégique québécois. Peut-être vous contentez-vous que de venir écrire.
    Vous, qui nous faites des propositions pour le meilleur parti pour le Québec, ne savez même pas ce qui est rattaché à la vente d'Alcan; 32 barrages hydro-électrique ainsi que les terres et rivières qui les font produire, ainsi que les concessions sur les tarifs hydro-électriques d'Hydro-Québec pour les prochains 55 ans.
    Ce n'est donc pas seulement une entreprise qui est vendue, mais une bonne partie de l'hydro-électricité nationale et territoire national. C'est pas votre Super Mario qui vous parlera de ça.
    "La majorité des terres agricoles, qui ont pris tant de valeur au Québec, appartiennent toujours, en grande majorité, aux Québécois francophones, me semble." (Bousquet)
    "Me semble". Vous êtes très convaincant, M. Bousquet.
    Les trois quarts des terres québécoises sont actuellement en négotiation de transfert de propriété aux Innus de Betsiamite par un commité du gouvernement Charest dont le président est nul autre que le président du conseil d'administration d'Alcan, M. Yves Fortier (celui-là même qui vend aux britanniques notre joyau)! Je vous rappelle que M. Fortier est boursier de l'Université Rhodes au United Kingdom of her Majesty the Queen. "Qui est Rhodes?" vous entend-je demander. Rhodes est considéré, au Royaume Uni, comme le plus grand colonialiste britannique. Il a même eu un pays d'Afrique en son nom, la Rhodésie.
    C'est pas Super Mario qui vous apprendra ça. Ni Marois d'ailleurs, car avant Yves Fortier c'était Louis Bernard qui était négociateur pour le transfert de propriété. Il serait peut-être utile de vous mentionner que puisque les Amérindiens sont sous juridiction fédérale, le transfert de propriété de ces terres à ceux-ci (terres dont habitent une majorité de "Québécois francophones") mettra en jeux toutes prétentions à quelques droits que ce soit de la part du Québec, dans l'éventualité d'un accès à l'autonomie réclâmée par le Innus.
    Ce ne sera même pas mentionné dans la "constitution" de votre Super Mario, pas plus qu'elle ne l'est dans c'elle de M. Turp. Car voyez-vous, ces négotiations sont faites à l'insu du peuple qui n'a aucune voix dans cette affaire.
    "Le bonheur ne saute pas automatiquement sur les peuples qui obtiennent leur indépendance totale. Demandez-le un peu aux Israéliens, par exemple."(Bousquet)
    Mon cher Bousquet, l'indépendance d'Israel a été "offerte" par celui-là-même qui domine actuellement et colonise toujours le Québec. Par celui qui se vend et s'achette Alcan et nos barrages. Par celui qui nous fait payer deux milliards pour un méga hôpital aux 5% d'anglais au Québec. Et moi aussi ma liste pourrait être longue.
    Vous avez bien mal choisi votre comparaison.
    J'espère pour vous que vous n'attendez pas d'obtenir l'indépendance, ou l'autonomie, de la part de ces mêmes personnes.
    Mais ça, Super Mario vous en parlera.

  • Archives de Vigile Répondre

    5 août 2007

    M. Zach Gebello écrit : «L’autonomie de quoi, quand il ne nous restera plus rien ? »
    Comment ça qu'il ne restera plus rien aux Québécois ?
    Est-ce que l'Alcan nous appartenait et qu'on la contrôlait plus l'an passé ?
    La majorité des terres agricoles, qui ont pris tant de valeur au Québec, appartiennent toujours, en grande majorité, aux Québécois francophones, me semble.
    Et l'Hydro-Québec et Desjardins et Métro et Jean Coutu et Couche-tard et le Cirque du Soleil et Céline. J'arrête ici pour vous laisser continuer la liste. Nous avions peu de ça avant 1960.
    Est-ce que vous vous sentez dominé au Québec par le ROC, M. Gebello comme un Palestinien par les Israéliens ? Nous avons le droit de vouloir changer notre constitution mais il n'y a pas de solution miracle. Les souverainistes, les autonomistes et même les fédéralistes ont droit à notre respect et à une certaine forme d'honnêteté intellectuelle jusqu'à preuve du contraire.
    Il y a du bon dans chaque option. Les Québécois vont choisir ce qui leur semble la meilleure chose à faire et, quelque soit ce choix, je vais m'en déclarer satisfait. Je fais confiance à notre intelligence collective. Je ne passerai pas ma vie à me "pomper" sur mon sort de martyr constitutionnel qui me semble bien loin de la réalité canadienne.
    Depuis que le Gouvernement Lesage et, principalement, celui de M. Lévesque a réussit tant de bonnes choses, je suis beaucoup moins "pompé" sur le besoin de séparer le Québec du Canada. Pour me repomper un peu, je dois alors relire les évènements de 1837/38 ou la vie de PET Trudeau ou de Jean "que voulez-vous" Chrétien.
    On est pas mal loin de ça quand je pense aux indépendantistes qui décrient maintenant la souveraineté-association et la souveraineté-partenariat comme des genres d'entourloupettes ourdies par les chefs du PQ. Ils semblent ne vouloir que la souveraineté pure pour le Québec sans trop évaluer les problèmes de partition, d'indiens fédéralistes, de monnaie...nommez les.
    Le bonheur ne saute pas automatiquement sur les peuples qui obtiennent leur indépendance totale. Demandez-le un peu aux Israéliens, par exemple.

  • Archives de Vigile Répondre

    5 août 2007

    "Rédiger et adopter la constitution du Québec pour affirmer notre identité et nos valeurs dans une démarche non partisane, démocratique et consensuelle." (Gilles Bousquet)
    Il attend quoi Dumont pour la rédiger cette constitution qu'il nous propose? Qu'on le porte au pouvoir?
    Qu'a t'il contribué à l'ébauche constitutionnelle non-partisanne de M. Turp? Rien.
    Il ne semble non-plus s'inquiéter de la vente des ressources et actifs québécois à des intérêts étrangers. So much pour son "autonomie"!
    De belles paroles, de belles promesses, de beaux projets d'autonomie virtuelle sur du beau papier parchemin qui n'auront aucune force légale. Rien de concret.
    Des bouts de papiers et des bons voeux à la Marois.
    L'autonomie de quoi, quand il ne nous restera plus rien?

  • Archives de Vigile Répondre

    3 août 2007

    Très bien M. Courtois, vous avez raison.
    Vous parlez d'autonomie du Québec. Voici ce qui étais à la dernière campagne électorale et est encore dans le programme de l'ADQ à ce sujet que vous pouvez trouvez sur son site Internet :
    ÉTABLIR UNE NOUVELLE POLITIQUE AUTONOMISTE POUR
    LE QUÉBEC. Promouvoir et défendre l’autonomie du Québec
    par la conduite de relations bilatérales et d’égal à égal
    avec Ottawa, par l’abolition du Conseil de la fédération,
    et par la réouverture du dialogue constitutionnel avec le
    gouvernement fédéral et les autres provinces.
    » ADOPTER UNE CONSTITUTION QUÉBÉCOISE. Rédiger
    et adopter la constitution du Québec pour affirmer notre
    identité et nos valeurs dans une démarche non partisane,
    démocratique et consensuelle.
    » DÉSIGNER LE QUÉBEC COMME « ÉTAT AUTONOME
    DU QUÉBEC ». Inscrire dans la constitution du Québec
    l’appellation « État autonome du Québec » afin de mieux
    définir, pour nous-mêmes et pour les autres peuples,
    la nation québécoise.
    » DÉFENDRE NOS CHAMPS DE COMPÉTENCES. Utiliser
    tous les moyens à notre disposition pour contrer l’intrusion
    fédérale à l’intérieur de nos champs de compétences
    exclusifs, compétences où nos droits sont souverains
    au sens même de la Constitution canadienne.
    » RENFORCER L’AUTONOMIE FINANCIÈRE DU QUÉBEC.
    Renforcer l’autonomie financière du Québec en donnant
    la priorité au rétablissement de l’équilibre fiscal entre les
    paliers de gouvernement, à la diminution de l’endettement
    du Québec, à la réduction de la dépendance à l’égard de
    la péréquation, et à l’instauration d’un seul rapport d’impôt
    pour les contribuables québécois.
    Voici que M. Dumont vient de reprocher à Mme. Marois d'abandonner ou de repousser la souveraineté en même temps que les auteurs de Vigile. Que fera-t-elle suite à toutes ces interventions de toutes parts ?