Pour en finir avec une imposture : la « laïcité ouverte »

Laïcité — débat québécois


Au nom de quoi, sur certaines questions touchant l’avenir de la nation, les choix politiques ne devraient-ils pas exprimer des préférences collectives ? Comme si, concernant ces questions, les « bons sentiments » pouvaient remplacer une pensée politique […] les nouveaux Tartuffe ne font guère qu’exercer et renforcer leur pouvoir symbolique. Sans considération pour l’avenir de leur nation1.
- Pierre-André Taguieff
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Qu’est-ce que la « laïcité ouverte » ? Dans un récent texte, visant à répondre à la question « l’école québécoise est-elle laïque ? », Rachida Azdouz évoque « la notion de laïcité ouverte telle que prônée par le Québec »(«L’école, la diversité et la laïcité», L’État du Québec 2009, Montréal, Fides-INM, 2008, p.283). Comment, par le Québec ? Le Québec est-il au courant ? Le peuple québécois a-t-il opté pour la « laïcité ouverte » après avoir délibéré de cette question ? Je crois que l’écrasante majorité de nos concitoyens serait bien en peine d’expliquer cette nouveauté et ce néologisme. L’État québécois a-t-il adopté une grande politique officielle de « laïcité ouverte » ? Force est de répondre trois fois « non ». Il s’agit bien plutôt de la créature d’une certaine tribu d’intellectuels : ceux-là mêmes qui étaient en majorité dans les comités d’experts de la commission Bouchard-Taylor et dont le rapport reflète les opinions. Or ce concept est avant tout une supercherie intellectuelle. En effet, de quoi parle-t-on sinon d’une laïcité qui n’en est pas une ?
Pour décrire ce nouveau concept, il faut revenir aux recommandations du rapport Bouchard-Taylor. Il est, de plus, impossible de dissocier cette « laïcité ouverte » du cours d’Éthique et de culture religieuse (ECR), autre créature de la même tribu d’intellectuels, et qui vise précisément à la promouvoir. Dans son plaidoyer pour ce programme d’ECR, Georges Leroux fait de l’acceptation de la « laïcité ouverte » par tous les « jeunes », donc par l’ensemble des citoyens de demain, l’objectif du cours, avouant même explicitement qu’il s’agit de s’assurer que tout le monde, à l’avenir, soit d’accord avec la décision de la Cour suprême sur le kirpan[1]. Bref, la finalité de ce cours n’est autre que d’imposer onze années de conditionnement idéologique aux enfants québécois, en faveur de la rectitude politique et spécialement de la « laïcité ouverte ». Jocelyn Maclure, dans « Les raisons de la laïcité ouverte », un texte d’une franchise qui demeure trop rare parmi ses défenseurs, distinguait trois positions quant à ce cours et à l’enseignement religieux dans les écoles : la position conservatrice, la position libérale-pluraliste à laquelle Maclure s’associait et associait le cours d’ECR, et enfin la position républicaine[2]. La position conservatrice revient en fait à vouloir conserver le statu quo ante la laïcisation des commissions scolaires  ; de façon sous-jacente, elle pourrait sans doute renvoyer pour certains de ses partisans au maintien d’une définition de l’identité canadienne-française et catholique à l’ancienne, mais pas nécessairement, impliquant simplement de maintenir les droits acquis des catholiques et des protestants (l’écrasante majorité). La position républicaine, bien sûr, est celle qui s’associe à la laïcité. Si la laïcité comme politique officielle existe dans une démocratie occidentale dont elle est emblématique, c’est la République française. La logique de ce modèle implique une séparation entre l’Église et l’État, reléguant la religion à la sphère privée et dégageant un espace public libre du pouvoir des divers clergés. Contrairement au cas québécois, l’école laïque ne dispense ni catéchèse, ni « culture religieuse », mais plutôt une éducation civique, et des connaissances historiques en matière de religion qu’il y aurait peut-être lieu de développer davantage[3]. La position « libérale pluraliste » est donc sous-jacente au concept bâtard de « laïcité ouverte » et non la position républicaine, dont relève pourtant de la laïcité historique.
Mais si la « laïcité ouverte » ne s’inspire pas de la laïcité telle qu’on la connaît, qu’incarne le régime républicain, de quel régime s’inspire-t-elle ? En effet, la laïcité ouverte n’existe nulle part comme politique officielle sous ce libellé. Jocelyn Maclure nous en donne un indice très clair en revendiquant une position « libérale pluraliste » : là dans une conception plus strictement libérale que républicaine, on parle de neutralité en matière religieuse plutôt que de laïcité. Il s’agit ici de distinguer deux variantes de la démocratie libérale dont les priorités divergent. S’appuyant notamment sur les travaux de Pocock, les historiens québécois Stéphane Kelly (La petite loterie) et Louis-Georges Harvey (Le printemps de l’Amérique française) ont respectivement proposé les qualificatifs de « court whig » et de « libéralisme constitutionnel », pour désigner ce libéralisme centré sur le sujet de droit et le distinguer du républicanisme centré sur la démocratie. Or, la neutralité en matière religieuse peut être comprise comme un encouragement à toutes les confessions et à toutes les manifestations religieuses, y compris dans les institutions publiques. C’est particulièrement le cas lorsque ces régimes libéraux adoptent le multiculturalisme (Grande-Bretagne, Canada, Australie et Pays-Bas). En ajoutant la précision « libérale pluraliste », Maclure indique bien qu’il s’agit du modèle des régimes de démocratie libérale marqués par la tradition du libéralisme constitutionnel, lesquels y ont désormais agrégé le multiculturalisme de la manière la plus officielle, comme le Canada avec la constitution de 1982. Le multiculturalisme, en effet, n’a pas reçu de consécration juridique semblable dans les Républiques de France ou des États-Unis, bien au contraire. En ce sens, parler de « libéralisme pluraliste » est un euphémisme pour évoquer le modèle du multiculturalisme.
La laïcité ouverte n’est rien d’autre qu’un néologisme pour présenter sous un autre vocable la politique de neutralité religieuse qui existe dans des démocraties qui n’ont pas adopté une politique de laïcité, mais le multiculturalisme. En somme, c’est le modèle inauguré en Occident par les Pays-Bas, fondé d’abord sur la tolérance de communautés confessionnelles distinctes au sein d’un même pays (modèle qu’on pourrait aussi qualifier, en suivant Ernest Renan, d’ottoman ou libanais[4]…). Aux Pays-Bas, le multiculturalisme est poussé plus loin : il est « structurel », et basé sur la construction de « piliers » confessionnels au sein de la société. Cela définit notamment des secteurs de l’école publique différents selon la confession (et la non-confession). Le multiculturalisme canadien va moins loin sur ce plan, encore qu’une tension existe, comme le montrent les initiatives, parfois réussies, visant à développer pareilles structures et donc à diminuer l’intégration dans un espace commun. Songeons aux propositions d’une charia ontarienne ou à l’instauration d’une école publique pour les Noirs à Toronto. Ainsi, la « laïcité ouverte » n’est qu’une mise en application de la logique du multiculturalisme. La « laïcité ouverte » prétend se distancer du modèle républicain, celui où existe effectivement un régime de laïcité. L’expression elle-même sous-entend que la laïcité réelle, tel qu’elle existe dans une démocratie occidentale – exemple concret qui a inspiré plusieurs changements au Québec depuis les années 1960 jusqu’à la laïcisation des commissions scolaires – est « étroite ».
Partant, en accord avec le multiculturalisme, le dessein particulier de cette prétendue « laïcité ouverte » n’est pas d’établir un régime de laïcité, mais bien un régime de diversité ethnoreligieuse, au détriment de la culture commune  ; autrement dit, au détriment du principe de « culture de convergence » défendu par le Québec, en matière d’immigration, aussi bien que sur le plan de la vie civique commune. Son objectif est de dissoudre le principe de majorité et d’atténuer ses effets concrets qui, par la force des choses, sont intégrateurs et assimilateurs. Comment expliquer sinon qu’une laïcité soi-disant ouverte au fait religieux, ce qui serait contraire à la laïcité connue, implique pour ses tenants d’extirper de la Cité toute référence culturelle aux coutumes issues du christianisme de la majorité ?
Le rapport Bouchard-Taylor allait jusqu’à suggérer des modifications au calendrier officiel, celui en vigueur au Québec – comme en Occident d’ailleurs, France laïque comprise bien sûr – étant trop marqué par l’héritage culturel du catholicisme… La même rectitude politique en induit plusieurs à s’interdire, sans craindre le ridicule, de dire « sapin de Noël » ou « joyeux Noël » dans des manifestations officielles, comme nous avons pu le constater à l’Assemblée nationale ces dernières années. Le faux problème de Noël relève entièrement des apôtres de la rectitude politique et de la laïcité ouverte : en quoi un Québécois, non-croyant ou pratiquant d’une autre religion, qui le plus souvent fête Noël lui-même, est-il exclu par la reconnaissance d’une pratique on ne peut plus répandue au Québec ? N’est-ce pas là tout simplement un reflet, dans nos institutions publiques, des coutumes du peuple représenté, dans une parfaite logique démocratique ? Les mêmes qui voudraient qu’on reconnaisse plus officiellement des coutumes religieuses qui concernent des minorités de 0,5 ou 1 % de la population, voudraient que nous cessions de reconnaître des coutumes passées dans le patrimoine commun, au-delà des confessions de chacun, connues de tous et concernant l’écrasante majorité des Québécois.
En effet, une nette majorité de Québécois, croyants, non-pratiquants et athées réunis, ainsi que, bien souvent, pratiquants d’autres religions que le christianisme, fêtent Noël – sans doute au-delà de 95 % des gens. La référence à cette coutume québécoise n’est pas exclusive aux croyants. L’impératif d’ouverture implique-t-il d’exclure 95 % des Québécois de nos références communes ? La seule explication de cette fermeture, en apparence contradictoire, de la soi-disant « laïcité ouverte » est que celle-ci n’est qu’un volet du multiculturalisme, et vise avant tout à déconstruire le rôle culturel normal d’une majorité dans un pays d’immigration, au nom du sacro-saint objectif de « diversité » – qui cache mal un fantasme de reconstruction de fond en comble de l’ordre social[5].
La laïcité, en revanche, n’implique en rien l’effacement du patrimoine culturel national. Dans le cas français, le patrimoine culturel historique de la nation, qui est largement catholique, n’est nullement remis en cause par la Ve République – qui possède par exemple les églises catholiques et protestantes du pays, ainsi que certaines synagogues, à titre de patrimoine et de biens collectifs historiques. Il ne s’agit pas de s’interdire de prononcer « sapin de Noël » ni d’autres simagrées de ce genre. Une très nette séparation des sphères des Églises et de l’État fait que l’espace public est entièrement laïc. Cependant, la vitalité du catholicisme[6] et l’acceptation de la place qui lui revient dans le patrimoine culturel national contrastent avec le cas québécois, où, simultanément à ces pudeurs ridicules quant à Noël, le patrimoine chrétien bâti n’est que très médiocrement préservé. La laïcité est devenue une politique officielle en France, depuis la IIIe jusqu’à la Ve République, sans entraîner un effacement des marques culturelles du passé catholique, par exemple des dates du calendrier catholique dans le calendrier officiel des jours fériés. Ici en revanche les bien-pensants qui prônent l’ouverture à la diversité sont curieusement enclins à l’éradication de ce patrimoine culturel majoritaire de l’espace public, en même temps qu’ils récusent la laïcité au sens propre.
Mais pourquoi diantre donner ce nouveau nom au multiculturalisme, qui porte à confusion, plutôt que de parler de positions conservatrices, républicaines et multiculturalistes ? Pourquoi ne pas avancer à visage découvert en tant que partisan du multiculturalisme ? On sait qu’au Québec le multiculturalisme canadien fait consensus contre lui. Le seul avantage qu’offre ce néologisme est de mystifier les tenants de la laïcité au sens propre et de rendre les prises de position dans les débats nébuleuses : mon voisin, qui parlait de laïcité, prônait-il en fait la laïcité ouverte ? Peut-être même le faisait-il sans le savoir, s’il s’avérait qu’il ne connut pas le terme... Bref, la « laïcité ouverte » n’est qu’un terme de plus au service de l’imposition d’une hégémonie idéologique du multiculturalisme au Québec. Son utilité est d’avancer à mots couverts une logique en harmonie avec la politique canadienne officielle de multiculturalisme.
De fait, force est de constater que les thuriféraires québécois du multiculturalisme s’emploient à détourner le sens d’une série de termes qui semblent faire consensus dans notre démocratie québécoise, et qui relèvent davantage d’une conception de la démocratie relevant du modèle républicain, c’est-à-dire accordant une importance politique à la nation, à sa culture commune et à la souveraineté du peuple – en d’autres termes à la majorité. Ces termes sont notamment nation civique, interculturalisme et laïcité. Ajoutons que le sens du terme démocratie est lui aussi détourné par plusieurs avocats de l’approche « cosmopolite », pour ne plus signifier l’autodétermination d’un peuple, mais exclusivement les droits de l’homme, sans considération des droits civiques (c’est-à-dire de la différence entre droits de l’homme, universels, et droits de citoyenneté, forcément, nécessairement particuliers). Droits de l’homme compris, de surcroît, dans le sens l’égalité différenciée et de droits identitaires communautaristes.
Ainsi, la nation civique fut opposée de façon tout à fait artificielle à la nation ethnique, en prétendant que la nation civique ne renvoyait à aucun contenu culturel. Si, encore une fois, nous nous référons plutôt à des modèles concrets de nation dans les démocraties occidentales, nous constatons que les théoriciens de la nation s’entendent en fait pour distinguer la nation à la française de la nation à l’allemande[7]. Or, quelle est la différence entre ces deux modèles  ? Elle ne tient pas à la culture, puisque les deux supposent et confortent une culture nationale commune et une langue commune. Le modèle civique français impose la langue française comme langue officielle commune. Non, la différence tient plutôt aux modes d’accession à la citoyenneté : dans le cas allemand, il faut être né de parents allemands, et dans le cas français, il ne le faut pas nécessairement. Voilà ce qui distingue l’ethnique du civique : ce n’est pas la culture, mais la définition du citoyen exclusivement en fonction de l’hérédité, ou non. Au reste, en ce sens, même le nationalisme canadien-français traditionnel n’a jamais été strictement ethnique à la manière du modèle allemand. Encore une fois, il faut constater que les modèles réels de nation civique, en France et aux États-Unis, qui supposent l’assimilation des immigrants, n’ont pas eu l’heur de plaire à nos belles âmes bien-pensantes : c’est connu, le Québec doit toujours être d’avant-garde, alors sa nation civique devrait se définir comme nulle autre auparavant…
De même, les bien-pensants s’emploient à détourner le sens du terme interculturalisme : dans le rapport Bouchard-Taylor, les commissaires expriment très clairement cette volonté d’infléchir l’interculturalisme québécois dans le sens du multiculturalisme canadien[8]. Daniel Weinstock a d’ailleurs confirmé que dans cette optique, il n’y aurait plus de différence entre le modèle canadien et le modèle québécois, sinon la loi 101 : « le rapport Bouchard-Taylor, écrivait-il, propose à la société québécoise un modèle de gestion de sa diversité interne qui est somme toute assez canadien[9] ». En d’autres termes, on voudrait maintenir certaines dispositions en vigueur en faveur du français, mais en éviscérant notre modèle d’intégration et la langue commune de la « convergence culturelle ». L’interculturalisme québécois, tel que décrit dans les documents du gouvernement québécois – qui visait à répondre à la politique du multiculturalisme canadien et à en exempter le Québec – est une politique d’intégration favorisant l’insertion de l’immigré dans la culture nationale commune, ce que ces documents nomment la « convergence culturelle ». Certes, la politique elle-même répondait au multiculturalisme sur son propre terrain, en concédant du terrain au culte du pluralisme. Mais en réaffirmant la « convergence culturelle », elle maintenait l’orientation du modèle québécois, dans l’esprit de la loi 101.
Or, les commissaires Bouchard et Taylor ont jugé que cette « assimilation douce » était déplacée et qu’il fallait que les Québécois acceptent non pas d’être la communauté de souche définissant la culture nationale, mais une communauté culturelle parmi d’autres, de façon à ce qu’il n’y ait pas de contenu culturel à la culture nationale commune (sic), afin qu’elle repose uniquement sur des valeurs abstraites. On sent bien l’absurde de la chose, son impossibilité radicale, et que ses effets concrets ne feraient qu’affaiblir la capacité des Québécois d’établir leur culture à titre de culture commune sur leur territoire plutôt que celle de leurs voisins anglo-américains et spécialement celle du Canada. La nature ayant horreur du vide. Néanmoins, force est de constater la remarquable conjonction entre cette volonté d’éradiquer toute « assimilation douce » à la majorité québécoise et les principes de la laïcité dite « ouverte ».
Voilà en effet que les mêmes intellectuels bien-pensants tentent aussi de détourner le sens du mot laïcité. Le rapport Bouchard-Taylor et les concepteurs du cours d’ECR sont les promoteurs de cette « laïcité ouverte ». Le Québec a choisi de laïciser ses commissions scolaires dans les années 1990, dans le prolongement des choix de laïcité qui furent faits au cours de la Révolution tranquille. Or, ces choix en faveur de la laïcité, qui ne firent l’objet d’aucune unanimité, certes, mais d’un assez large consensus, ne devraient pourtant pas être entendus comme étant des choix en faveur de la laïcité telle que chacun la connaît, du moins est-ce ce qu’on voudrait nous faire gober. Non, nous apprend-on, les Québécois auraient fait le choix de la laïcité ouverte, selon ce que nous explique encore Rachida Azdouz : « Parmi les fausses perceptions qui accompagnent le débat sur la déconfessionnalisation de l’enseignement religieux, l’idée que la laïcité constitue un rempart contre les manifestations religieuses à l’école et dans les institutions publiques en général est celle qui a la couenne la plus dure[10] ». Ah, les bonnes gens qui ont la simplicité de penser que la laïcité veut dire la-ï-ci-té. Ils sont naïfs et un peu ignorants : Rachida Azdouz se porte volontaire pour nous relayer « l’information contre la méconnaissance et l’ignorance[11] »... Les Québécois croyaient avoir opté pour la laïcité telle qu’elle est connue, mais nos intellectuels bien-pensants se chargent de leur expliquer qu’ils avaient en fait choisi la « laïcité ouverte », système nouveau, en tout cas sous ce nom. Les Québécois étaient ainsi diablement avant-gardistes dans les années 1960 à 1990, optant pour un modèle qui n’a été conçu que tout récemment par des partisans du multiculturalisme. Heureusement que les experts comme ceux de la commission Bouchard-Taylor sont là pour leur expliquer qu’il s’agit en fait du multiculturalisme à la canadienne, rebaptisé pour l’occasion interculturalisme québécois et laïcité ouverte. Pourtant, pour ne citer qu’un exemple, le mouvement laïque de langue française des années 1960 ne pouvait prôner la « laïcité ouverte », bien sûr, car il n’aurait pu en soupçonner l’existence…
Au sujet de la laïcité et du cours d’ECR, Rachida Azdouz classe les diverses positions dans le débat comme suit : la position laïque radicale, la position laïque modérée et confessionnelle modérée, la position confessionnelle radicale, et la position multiconfessionnelle[12]. Ici, la position républicaine devient la position « laïque radicale » et la position conservatrice devient la position « confessionnelle radicale » – du coup, on aura deviné sans peine qu’elles sont déplacées. La position multiconfessionnelle équivaut en somme au multiculturalisme structurel des Pays-Bas. La position mitoyenne, « laïque modérée » et « confessionnelle modérée », n’est rien d’autre que celle qui correspond à la logique du cours d’ECR et, quant aux principes d’intégration, à la politique du multiculturalisme canadien. C’est ce qu’on appelle l’art de mettre en boîte.
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[1] Éthique, culture religieuse, dialogue, Boréal, 2008. Cf. Joëlle Quérin, « À l’école du multiculturalisme : Georges Leroux, Éthique, culture religieuse, dialogue. Arguments pour un programme, note critique », L’Action nationale, février 2009, p.94-100 et Charles-Ph. Courtois, « Éthique et culture religieuse : analyse d’un programme et d’un argumentaire multiculturalistes », dans Robert Comeau et J. Lavallée (dir.), Contre la réforme pédagogique, Montréal, VLB, 2008, p.251-264.

[2] Jocelyn Maclure, [« Les raisons de la laïcité ouverte »->16337], Le Devoir, 24 novembre 2008.

[3] Bien qu’il y ait lieu, dans la conjoncture actuelle, d’étendre l’apprentissage de ces connaissances, au Québec certainement et fort probablement en France aussi, ce n’est pas d’instruction qu’il s’agit dans le cours d’ECR mais de bourrage de crâne : les élèves seront évalués pendant onze ans en fonction d’une compétence, « pratiquer le dialogue », à caractère idéologique. Cf. Charles-Ph. Courtois, « Éthique et culture religieuse : analyse d’un programme et d’un argumentaire multiculturalistes », dans Robert Comeau et J. Lavallée (dir.), Contre la réforme pédagogique, Montréal, VLB, 2008, p.251-264.

4] Ernest Renan : « La politique turque de la séparation [en] nationalités d’après la religion a eu de bien plus graves conséquences : elle a causé la ruine de l’Orient. », [Qu’est-ce qu’une nation ?, Paris, Mille et une nuits, [1882] 1997, p.14.

[5] Fantasme lié à ceux de la rupture avec un ordre socialement injuste et condamnable dans sa totalité, et du recommencement pur, conjonction évoquée par Pierre-André Taguieff, Les contre-réactionnaires, p.44.

[6] Par un curieux paradoxe, en France, où la laïcité est plus fermement établie qu’au Québec, le catholicisme se porte beaucoup mieux et où le dimanche n’est toujours pas un jour de travail comme les autres, au bénéfice des familles. Pas plus, d’ailleurs, que cela n’empêche la France de posséder une très riche sociabilité catholique, avec des écoles libres catholiques, des universités catholiques, de segments de classes sociales (paysans, bourgeois, etc.) qui demeurent attachées au catholicisme, des catholiques de gauche, voire, des figures de clercs populaires, tel que le fut l’abbé Pierre. Rien de tout cela n’existe avec une vigueur comparable au Québec en 2008, malgré certaines régions rurales où le catholicisme demeure bien vivant.

7] Voir, pour ne citer qu’un exemple, Denis Monière, [Pour comprendre le nationalisme au Québec et ailleurs, Montréal, PUM, 2001.

[8] Nous avons développé cette analyse dans « Un rapport trudeauiste ? », L’Action nationale, nov.-déc. 2008.

[9] Daniel Weinstock, [« Bouchard aurait dû s’y attendre »->13898], La Presse, 11 juin 2008.

[10] Rachida Azdouz, art. cit., p.283.

[11] Rachida Azdouz, art. cit., p.283.

[12] Rachida Azdouz, art. cit., p.285.

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Charles-Philippe Courtois29 articles

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Charles-Philippe Courtois est docteur en histoire et chercheur postdoctoral à la Chaire de recherche en rhétorique de l'Université du Québec à Trois-Rivières. Il prépare la publication de La Conquête: une anthologie (Typo, automne 2009).





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