Le débat des chefs est chose du passé mais, comme à toutes les élections, on épiloguera longtemps sur l'influence qu'aura eue la performance de chacun d'eux sur le résultat du scrutin. Même si on ne saura que le 26 mars qui a véritablement remporté ce débat, on peut d'ores et déjà dire que l'affrontement de mardi soir n'a pas eu l'effet éliminatoire que certains escomptaient. Ce sera une lutte à trois jusqu'au bout.
Cette campagne électorale est unique dans l'histoire politique récente du Québec dans la mesure où c'est la première fois depuis bien longtemps que nous assistons à une véritable lutte à trois. À la différence des élections de 1976, lors desquelles l'Union nationale de Rodrigue Biron avait joué les empêcheurs de danser en rond et facilité la victoire du Parti québécois, nous avons affaire cette fois-ci à un tiers parti qui est en train de se hausser au rang de grand parti et avec lequel il faudra désormais compter.
Au lendemain de ce débat des chefs, constatons d'abord que l'Action démocratique continue de se rapprocher dangereusement du Parti québécois et du Parti libéral, dont elle demeure la cible principale. Si Jean Charest et André Boisclair pensaient lui régler son compte au cours de leur rendez-vous à trois, cela ne s'est pas produit. Le chef adéquiste a su rester dans la course et consolider sa position. L'ADQ ne sera pas le feu de paille qu'elle avait été en 2003.
Cet état de fait appelle à la prudence. À beaucoup de prudence. Nombreux sont les Québécois qui se réjouissent des difficultés que connaissent le Parti libéral et le Parti québécois. Parmi eux, plusieurs s'apprêtent à appuyer l'Action démocratique tout simplement pour punir libéraux et péquistes. Ce vote ressemble à un solide coup de pied de l'âne, comme l'illustre le geste d'un Victor-Lévy Beaulieu, un indépendantiste vibrant qui souhaite la victoire de l'ADQ pour le puissant effet cathartique que celle-ci aurait sur le Parti québécois et sur le mouvement souverainiste.
Que des Québécois choisissent de voter pour l'Action démocratique à cause de ses valeurs et de son programme, voilà qui est fort bien. Ces électeurs ont le droit d'être entendus et d'être représentés à l'Assemblée nationale. Par contre, il faut dire à ceux qui, comme Victor-Lévy Beaulieu, s'apprêtent à le faire par frustration que leur geste ne sera pas sans conséquences. Au lendemain du 26 mars, ils pourraient bien reprendre le slogan «On n'a jamais voté pour ça», qui a eu cours pendant les premières années du gouvernement Charest. Si leur vote avait pour effet de provoquer l'élection d'un gouvernement minoritaire où la balance du pouvoir appartiendrait à l'ADQ, peut-être trouveraient-ils la chose moins amusante qu'elle semble l'être aujourd'hui.
À ce moment-ci de la campagne, vouloir voter pour l'ADQ dans un esprit de punition équivaut à commettre un geste aveugle qui implique le renoncement à des valeurs auxquelles on a adhéré depuis toujours. À des nationalistes qui ont voté tantôt pour le Parti québécois, tantôt pour le Parti libéral, parce que les politiques du moment de ces partis permettaient d'espérer une avancée de l'affirmation du Québec, le programme autonomiste de l'ADQ peut apparaître rassurant, mais il ne faut pas oublier toutes les autres choses qu'on y trouve.
L'ADQ est tout le contraire d'un parti progressiste. Son chef est un populiste qui défend des idées de droite, à l'instar du Parti conservateur de Stephen Harper. Celles-ci émaillent son discours lorsqu'il aborde par exemple la réforme du système de soins de santé ou celle du système pénitentiaire. Pour marquer des points, il n'hésitera pas à faire de la démagogie facile, comme dans le cas de l'effondrement du viaduc de la Concorde. L'homme est certes sympathique et habile politicien, mais ne soyons pas dupes. Il reste 12 jours de campagne. Soyons attentifs.
bdescoteaux@ledevoir.ca
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