Les fédéralistes et leurs alliés conjoncturels ont tout faux : le malaise identitaire des Québécois est bien réel

Chronique de Michel Gendron

Le dernier sondage paru dans La Presse du 6 décembre permet aux péquistes d’espérer un avenir meilleur. Il est fort probable que le projet de constitution québécoise y soit pour quelque chose, cela en dépit des charges intempestives des chroniqueurs et autres manipulateurs d’opinion fédéralistes. À 34% des intentions de vote, le PQ ne peut certes pavoiser, mais au moins il respire mieux.

Le sondage est cependant dur-dur pour ceux qui espéraient voir l’ADQ devenir le prochain gouvernement. Plusieurs souverainistes ayant voté pour ce parti semblent ne pas avoir apprécié la décision de Mario Dumont de rejeter bêtement le projet Marois et les mesures de francisation qu’il proposait. La tentative de Mario Dumont de liquider les commissions scolaires n’aura pas convaincu ces souverainistes à lui rester fidèles. De plus, il apparaît de plus en plus clairement que plusieurs des électeurs fédéralistes ayant voté pour l’ADQ aux dernières élections n’apprécient guère la tangente populo-opportuniste de ce parti. Verdict des citoyens ? 26% des intentions de vote. Bref, on revient aux sources et on redevient libéral, une doctrine qui, pour ces égarés d’un printemps, a bien meilleur goût.

Les temps sont durs aussi pour la gauche alignée sur Québec Solidaire. Leur parti, à qui l’on accordait 5% des intentions de vote il y a quelques semaines, n’obtient plus que 3%. Le ralliement de QS aux opposants fédéralistes du projet de constitution du PQ semble avoir déçu plus d’un souverainiste de gauche. Résultat ? Baisse de 40% des intentions de vote pour le parti de la gauche « plurielle ». Quand on connaît les difficultés financières de ce parti, cela n’a rien pour remonter le moral.

Bref, disons-le franchement : on ne peut faire fi de la question identitaire québécoise sans s’en mordre les pouces. Et ce n’est certainement pas les résultats du dernier recensement qui vont permettre à nos plus farouches défenseurs de la rectitude politique de se redorer le blason.
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Jusqu’à mardi, je n’étais pas trop inquiété concernant la situation du français dans notre beau pays du Québec. J’habite Montréal, je travaille dans la fonction publique municipale et ma vie se passe en français 99,9% du temps. Mon cas n’est pas particulier, et bien des gens qui vivent dans l’est de l’île pourraient dire la même chose que moi. Mais depuis mardi, je pense aux autres, à ceux et celles qui se situent à l’extérieur du cocon francophone de Montréal, là où « la donne » s’avère souvent bien différente.
Vous me voyez venir et vous ne vous trompez pas. Je veux parler du nouvel immigrant, de celui qui a choisi de vivre ici, de celui qui vit de jobines parce qu’il n’est pas trilingue (l’anglais étant la 3e langue). On les a entendus à la Commission Bouchard-Taylor : « Nous sommes venus au Québec parce qu’on y parle français, mais on nous demande de savoir parler et écrire l’anglais ». Déception pour les uns, colère pour les autres. Ces personnes n’étant pas issues du moule historique canadien-français, une telle situation ne sera pas de nature à faire vibrer leur fibre nationaliste, et ça se comprend. N’en reste pas moins que notre infériorisation historique a des incidences sur leur qualité de vie. Notre combat peut devenir le leur, donc devenir celui de tous.
Quant aux allophones qui choisissent le français comme langue d’usage dans une proportion dépassant maintenant les 50%, je dis bravo. Mais ce bravo est finalement bien triste quand on sait que eux aussi se voient dans l’obligation de développer leurs compétences en anglais. 330 millions d’anglos versus 6 millions de québécois francos : la conclusion s’impose d’elle-même. L’intégration des immigrants n’est pas chose facile à Montréal. Pourquoi ? Parce que Montréal (la ville) accueille 80% des immigrants. Depuis 2001, c’est 126 000 immigrants que Montréal a accueillis. C’est beaucoup pour une population de 1,6 millions d’habitants, dont à peine plus de 50% sont francophones. Avouons que cela ne constitue pas un contexte idéal pour convaincre les nouveaux arrivants de s’intégrer à la culture québécoise.
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Et le PLQ, face cela, que fait-il ? Il s’extasie. Nos Christine Saint-Pierre et autres Yolande James unissent leurs voix pour affirmer sans rire que le français progresse, que les mesures d’intégration des immigrants donnent de bons résultats. Pour le PLQ, donc, stagnation égale progrès. Les fédéralistes, c’est connu, adorent se définir comme étant des winners. Je crois que n’importe qui pourrait prétendre être un winner avec d’aussi faibles attentes. À ce compte, mieux vaux être un loser et exiger le maximum…
Oui, le PLQ jubile et exulte. Augmenter le nombre d’immigrants à 55 000 par année, pas de problème, puisque « nos programmes fonctionnent! ». Décidément, le sophisme tient lieu de vérité au PLQ. Pour ma part, je juge une telle attitude pathétique et démissionnaire, en plus d’être bêtement partisane. Si j’étais un fédéraliste convaincu qu’il est possible pour un Québec français de faire sa place dans ce Canada multiculturel, je serais plutôt enclin à douter, ou à tout le moins à me poser de sérieuses questions concernant l’avenir du groupe canadien-français au sein du Canada. En effet, comment peut-on se réjouir du fait que les francophones ne comptent pour moins de 22% de la population canadienne? En bon québécois fédéraliste, je me dirais : « Allons, pour que nous puissions jouer un rôle déterminant dans ce pays, il faut affirmer davantage le caractère français du Québec, faire en sorte que notre nation se dote des outils nécessaires pour augmenter la force d’attraction du Québec français auprès des nouveaux arrivants! ». Mais ce n’est pas ce que j’entends. On nous dit que tout va bien, que les souverainistes dramatisent. Cette condescendance, je ne la supporte plus depuis longtemps. Le Québec peut faire mieux et, surtout, beaucoup plus.

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Il est temps que tous ceux et celles qui ont à cœur la nation québécoise se rallient pour que s’affirme une fois pour toutes notre volonté de faire du Québec la terre de la francophonie en Amérique. Pour ma part, il est impérieux de proposer et de réaliser un plan d’action qui permettra aux nouveaux arrivants de bien s’intégrer à leur nouvelle société d’accueil. L’inclusion, l’égalité des chances et une réelle possibilité de s’intégrer doivent nous guider, rien de moins. Cela veut dire :
- Faire en sorte que Montréal n’ait plus à absorber 80% des nouveaux arrivants ;
- Optimiser l’apprentissage du français et y allouer les crédits nécessaires ;
- Compléter l’apprentissage du français par une formation sur la culture québécoise et l’Histoire du Québec;
- Mettre au pas les corporations professionnelles pour qu’un maximum de diplômes étrangers puissent être reconnus ;
- Prendre les mesures nécessaires pour assurer la francisation des petites et moyennes entreprises ;
- Créer des mesures pour favoriser l’embauche en milieu francophone ;
- Soutenir les projets communautaires dédiés à l’intégration et au rapprochement entre les communautés.

La liste pourrait encore s’allonger et je sais que chacun a sa petite idée là-dessus. Mais un fait est certain : les partis qui aspirent à prendre le pouvoir au Québec devront soumettre sous peu à la population des engagements clairs en matière d’intégration. Le Québec se doit d’agir pour ne pas faire des nouveaux arrivants des citoyens de deuxième classe. Il y va de l’honneur et de la dignité de tous.


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1 commentaire

  • Jean Pierre Bouchard Répondre

    10 décembre 2007

    Sur la question de l'intégration des immigrants et la protection de la langue française, l'ADQ pratique la politique de la chaise vide. Y’aura-t-il un sursaut de la part de M.Dumont devant la chute des intentions de vote pour son parti ? Sa récente rencontre complaisante avec S.Harper sème le doute. Les libéraux eux pratiquent la politique du déni et du refoulement au nom de leur clientèle électorale "naturelle", le PLQ n'est plus que le vaisseau amiral du Canada au Québec. D'après La Presse elle même, notre "cher" J.Charest aurait eu l'intention d'inviter la reine aux célébrations pour le 400ème de Québec!
    Quant à Québec Solidaire, ce parti ne s'apparente pas tant à une nouvelle gauche qu'à un résidu d'une gauche dogmatique internationale prolétarienne. C'est d'autant plus incompréhensible que la gauche latino-américaine contemporaine social démocrate ou déterminé encore comme socialiste est resté nationaliste. De son côté si le PQ maintient ou bonifie son projet de citoyenneté, il se donne une nouvelle chance d'être en mesure de représenter le peuple.

    Spécifiquement en ce qui regarde les conditions d’accueil. Dans la fonction publique québécoise, il serait opportun de privilégier par une forme partielle de discrimination positive l'embauche de nouveaux arrivants et ainsi de cette façon permettre par la promesse d'emplois le déplacement d'une partie de l'immigration montréalaise dans la capitale nationale: Québec. Montréal ne peut continuer d'absorber toute l'immigration et ce pour deux raisons: d'abord la raison linguistique se passe d'explications ensuite parce que les métropoles favorisent la constitution de quartiers fermés engendrant l'exclusion.

    Le rêve libéral empoussiéré depuis longtemps dans les deux vieux partis dirigés présentement par Charest et Dion a imaginé que seul un pilotage automatique sous contrôle d’une charte des droits figée rassemblerait les sociétés. Par l'épreuve des faits c'est faux.