Bernard Landry avait appelé cela «la guerre des six jours». Ministre plénipotentiaire de l'Économie, il avait été informé à l'avance du départ de Lucien Bouchard en janvier 2001. Il avait appuyé sur l'accélérateur et, en moins d'une semaine, avait forcé la plupart des péquistes à se compromettre.
L'issue du match était scellée quand il était parvenu à convaincre François Legault de l'appuyer.
Pour les autres, le combat était nettement suicidaire. Après une semaine de tergiversations stériles, Pauline Marois avait finalement jeté l'éponge.
Au départ de Bernard Landry, tout l'establishment du PQ, même son chef de cabinet, était vite passé dans le clan Boisclair. C'était quasi épidermique : par définition, tout l'entourage de Bernard Landry voyait depuis longtemps Pauline Marois comme celle qui, constamment, avait travaillé et finalement réussi à déstabiliser le patron.
Cette fois, la partie risque d'être bien différente. Depuis des semaines, sur le terrain, les troupes de Gilles Duceppe s'activent à sonder les appuis au PQ. Pascal Bérubé, le nouveau député de Matane, était très clair hier, parlant de gens d'Ottawa qui s'informaient tout à coup de la santé des péquistes de son entourage. Au sein de la direction du PQ, Gilles Duceppe a depuis un bon moment des oreilles. Au sein du caucus, Louise Harel est depuis longtemps l'avant-garde du chef du Bloc. Son refus de se porter candidate comme chef intérimaire, hier, en dit long sur son désir de garder les coudées franches pour cabaler en faveur de «son ami de 30 ans». Les députés péquistes avaient aussi en tête la course à venir quand ils ont préféré François Gendron, le vétéran d'Abitibi, à Marie Malavoy comme «chef intérimaire». Mme Malavoy avait donné un appui indéfectible à Mme Marois qui, en retour, lui avait cédé son siège dans Taillon, un bastion péquiste convoité.
Au lendemain du départ d'André Boisclair, personne se semblait enthousiaste dans le caucus péquiste à l'idée de voir Gilles Duceppe débarquer soudainement. Que ce soit Camil Bouchard, Danielle Doyer, Lorraine Richard, la réaction est la même : pourquoi, subitement, M. Duceppe veut-il faire le saut à Québec? Gilles Duceppe n'annoncera pas publiquement ses intentions cette semaine, confie-t-on. Dans ce cas, le temps presse pour lui d'envoyer des signaux par l'entremise de ses lieutenants à Québec. Car en l'absence d'appuis tangibles au sein de la députation, on va lui attribuer bien vite le rôle du conspirateur qui a préparé l'invasion du PQ à partir de son bureau d'Ottawa sans être désiré.
Car dans les coulisses, on remet en question ses motivations - pourquoi tient-il tant à quitter le Bloc si ce n'est pour éviter une raclée aux prochaines élections fédérales? Le sauveur pense se sauver. Mais s'il quitte Ottawa, les Québécois diront tout de même qu'il a sa part de responsabilité dans cette dégelée. Une lourde hypothèque pour le futur grand timonier du mouvement souverainiste.
Les dernières heures n'ont pas été les meilleures pour la campagne de Duceppe. Louis Plamondon, l'un des fondateurs du Bloc québécois, a préparé tout un comité d'accueil à son chef à Québec.
Pour cet ancien conservateur, «ce qui manque le plus au PQ, c'est un chef qui imposerait la discipline et qui botterait le derrière à certains, qui ferait en sorte que le parti puisse aller de l'avant sans se chicaner».
«Il doit déjà regretter cette déclaration», a réagi spontanément Bernard Drainville, déjà sympathique à l'idée de voir Pauline Marois sauter dans la course. L'autre bloquiste, Michel Gauthier, avait au moins le mérite d'être un ancien péquiste. Mais pour lui aussi, Gilles Duceppe aura à mettre de la discipline dans ce parti où la dissidence est chronique.
Pendant ce temps, Pauline Marois soutient qu'elle réfléchit. Elle avait fait définitivement une croix sur la politique et profité de 18 mois de liberté en observant de bien loin le long supplice de son rival, André Boisclair. Ses anciens lieutenants ont vu avec surprise le sondage Léger Marketing qui la mettait loin devant Gilles Duceppe dans le coeur des Québécois - 28 % contre 17 %. D'anciens employés de cabinet passent des coups de fil pour sonder des militants, mais tout indique qu'ils n'ont pas eu le mandat de lancer une opération concertée.
On restait perplexe, dans son camp, tant elle est restée muette sur ses sentiments profonds devant cette nouvelle occasion. Elle avait été carrément humiliée la dernière fois, avec 30 % des appuis - seulement 10 % de plus qu'à la précédente course, contre Pierre Marc Johnson en 1985. Le poste de chef du PQ n'est plus du tout celui qu'a obtenu André Boisclair en novembre 2005. Le pouvoir n'est plus à portée de la main comme il l'était pourtant, théoriquement, pour le chef péquiste qui faisait face au gouvernement le plus impopulaire de l'histoire.
Le nouveau chef du PQ aura sa traversée du désert d'un an ou deux suivie, au mieux, d'un mandat dans l'opposition officielle, convient-on facilement dans les officines péquistes.
Devenir chef du PQ, c'est six années à ramer dans une galère. Jusqu'ici, le seul intéressé à la croisière veut avant tout éviter la noyade à Ottawa.
ANALYSE
Le sauveur se sauve...
Devenir chef du PQ, c'est six années à ramer dans une galère. Jusqu'ici, le seul intéressé à la croisière veut avant tout éviter la noyade à Ottawa.
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