De sauveur à pétard mouillé

On expliquait hier au Bloc qu'il a décidé de se retirer à cause de l'avance de Pauline Marois. La question, alors, n'est pas de savoir pourquoi il se retire, mais bien pourquoi il s'est lancé!

PQ - succession de Boisclair

Les événements se bousculent tellement au Parti québécois ces temps-ci qu'on est presque aussi étourdi à essayer de suivre qu'en regardant un épisode de 24.
Quelqu'un qui rentre ce matin au Québec après une semaine de vacances à l'étranger risque d'ailleurs d'être aussi perdu qu'un fan de Jack Bauer qui aurait manqué le dernier épisode.
Imaginez un peu la surprise d'un militant du PQ qui revient au Québec aujourd'hui et appelle un ami pour se mettre à jour.
- Pis, quoi de neuf depuis une semaine?
Pas grand-chose : Pauline Marois va devenir chef du PQ.
- Quoi??? Comment ça, Pauline Marois chef du PQ? Pis Boisclair, il est rendu où?
- Qui?
- André Boisclair! Le chef du PQ.
- Ah oui! Lui. L'ancien chef, tu veux dire. Il a démissionné au début de la semaine.
- Pis Duceppe, alors?
- Justement, il a annoncé vendredi qu'il se lançait, puis il a changé d'idée hier.
- Tu me niaises-tu?
- Non, non. Mais dans le fond, c'est normal, tu connais le PQ. Pis c'est mieux de même : Pauline à Québec, on lui doit bien ça, et Duceppe à Ottawa, y est bon, là-bas.
- Ouais, dans le fond, t'as raison. Pis à part ça, quoi de neuf?
Blague à part, ça commence à tourner au ridicule, au Parti québécois. En particulier pour Gilles Duceppe, qui est passé en moins d'une semaine du statut de grand sauveur à celui de plus gros pétard mouillé de l'histoire politique récente du Québec et même du Canada.
En plus de devenir un canard boiteux, et même un canard cul-de-jatte, au sein du Bloc et, surtout, devant ses adversaires à Ottawa. C'était la semaine du suicide politique chez les souverainistes, ou quoi?
Stephen Harper, qui n'est pas un grand amateur de vin, a dû demander hier soir aux domestiques du 24 Sussex d'aller chercher la meilleure bouteille de champagne de la cave pour fêter la déconfiture de son adversaire bloquiste.
Déjà, la semaine dernière, quand M. Duceppe s'est levé aux Communes pour poser une question au premier ministre, celui-ci lui a répondu : «Ah bon, vous êtes encore ici, vous?» Imaginez la suite, demain, quand le chef du Bloc se relèvera en Chambre Et les libéraux, les Denis Coderre et les Stéphane Dion, vous pensez qu'ils ne vont pas se payer la tête de Gilles-le-peureux? M. Duceppe, qui est un fier compétiteur et un sportif accompli, sait qu'il n'y a rien de plus risible qu'un joueur qui laisse tomber les gants et qui se sauve dès que l'adversaire en fait autant.
Et son caucus, à qui il va demander demain sa confiance, comment va-t-il réagir? La chance de Gilles Duceppe, c'est que personne parmi ses députés ne veut son job au point d'organiser un putsch. Autrement dit, Gilles Duceppe, contrairement à Jean Chrétien, ne compte pas de Paul Martin dans ses rangs. Le prétendant no 1, Pierre Paquette, se faisait tranquillement à l'idée de plonger et il avait déjà recueilli privément l'appui de plusieurs députés, mais ce sont les circonstances qui l'avaient mené là, pas ses ambitions.
Cela dit, l'autorité de Gilles Duceppe est fortement ébranlée (lui aussi, d'ailleurs), et il serait étonnant qu'il soit à la tête du Bloc durant la prochaine campagne. On entend déjà ses adversaires conservateurs et libéraux en campagne électorale : «Gilles Duceppe, le gars qui dit qu'il veut défendre vos intérêts à Ottawa mais qui a essayé sans succès de se sauver à Québec.»
On expliquait hier au Bloc qu'il a décidé de se retirer à cause de l'avance de Pauline Marois. La question, alors, n'est pas de savoir pourquoi il se retire, mais bien pourquoi il s'est lancé!
Parce qu'il était persuadé que Pauline Marois ne se lancerait pas, dit-on dans son entourage. M. Duceppe a donc tenté un coup de force, un bluff. Malheureusement pour lui, il avait une très mauvaise main.
Puis, les choses se sont mises à débouler vendredi et hier, et Gilles Duceppe a craint que sa candidature ne sème la division dans le mouvement souverainiste. La forte réaction de Pauline Marois et de son entourage, qui ont dénoncé vendredi la stratégie du camp Duceppe d'annoncer en premier sans la rencontrer comme prévu, plaçait aussi le chef du Bloc dans l'inconfortable rôle de fier-à-bras.
Un peu plus de 24 heures après avoir appelé Pauline Marois pour lui dire qu'il se lançait, Gilles Duceppe l'a rappelée hier en fin d'après-midi pour lui annoncer qu'il se désistait. Deux coups de téléphone qui résument l'échec de M. Duceppe et de ses conseillers.
Il faudra voir maintenant quelles seront les répercussions de ce faux départ sur le relations entre le Bloc et le PQ. Les députés du Bloc, majoritairement, voyaient M. Duceppe à Québec. Pas ceux du PQ. Les bloquistes, qui se sentent souvent, avec raison, traités comme l'équipe B de la souveraineté par leurs collègues du PQ, accepteront difficilement ce rejet.
C'est ainsi que nous nous retrouvons aujourd'hui devant le scénario plus que probable de l'élection par acclamation de la grande dame du Parti québécois, celle-là même que le PQ avait humiliée il y a 18 mois en ne lui accordant que 30 % de ses voix, loin derrière André Boisclair. Repentant, le PQ se lève maintenant d'un bond pour réclamer son retour.
C'est tout de même ironique à la puissance 10, quand on y pense : Pauline Marois est en train de vivre le rêve de Bernard Landry.
Pour joindre notre chroniqueur : vincent.marissal@lapresse.ca


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