Isabelle Rodrigue et Karine Fortin - L'expression consacrée qui dit qu'une journée est une éternité en politique s'est littéralement concrétisée, samedi. Un peu plus de 24 heures après s'être lancé dans la course au leadership du Parti québécois (PQ), Gilles Duceppe annonçait qu'il rentrait dans ses terres, à Ottawa, et qu'il se ralliait à son adversaire, Pauline Marois.
Dans un communiqué de presse diffusé en début de soirée, samedi, M. Duceppe explique que «l'importante et rapide récolte d'appuis de Pauline Marois tant au sein du Parti québécois, du Bloc québécois que de la population en général fait en sorte qu'il est de mon devoir d'éviter au mouvement souverainiste un affrontement porteur de division et donc d'affaiblissement».
Son entourage refusait de donner plus de détails expliquant pourquoi le chef du Bloc québécois a fait ce revirement surprise. Des proches racontent cependant que M. Duceppe a multiplié les appels, samedi, pour jauger les réactions à l'affrontement qui se dessinait et ses appuis.
Plusieurs lui auraient indiqué que, avec la candidature de Mme Marois, ils auraient préféré qu'il prenne la décision, pour une seconde fois, de demeurer à Ottawa.
Le message Pauline à Québec et Gilles à Ottawa a aussi porté», peut-on d'ailleurs lire dans le communiqué de presse.
Cet affrontement entre deux géants du mouvement souverainiste a, de façon générale, été mal accueilli. Le député d'Abitibi-Témiscamingue, Marc Lemay, dit en avoir eu une bonne démonstration samedi. Il raconte qu'en faisant son épicerie, ses électeurs lui répétaient tous que M. Duceppe aurait dû décider de rester au Bloc.
«Les gens étaient inquiets de le voir partir, de voir la course», a résumé la députée de Québec, Christiane Gagnon, l'une des rares qui disait regretter, vendredi, la décision de Gilles Duceppe de se lancer dans la course au leadership du PQ. Sur le point de s'envoler pour Genève, elle se dit soulagée. «C'est la meilleure décision possible», a-t-elle ajouté, en entrevue à partir de l'aéroport.
Alors que bien des députés tentaient encore de digérer la nouvelle d'un affrontement de titans entre Duceppe et Marois, l'annonce de samedi en aura laissé plus d'un pantois. Mais l'étonnement passé, la réaction s'avérait positive.
«En parlant aux militants de mon comté, j'ai constaté de l'instabilité et de l'insécurité, a fait observer Claude Bachand, député de Saint-Jean. M. Duceppe a peut-être fait la même lecture».
M. Bachand estime que les choses sont, au fond, maintenant pour le mieux.
Le peu d'appuis que M. Duceppe semblait recueillir aurait aussi pesé dans la balance. «Il a dû se rendre compte que les appuis qu'il pensait avoir, ils ne les auraient pas, même au terme de la course «, lance M. Lemay, pour tenter de comprendre la volte-face.
Samedi, le quotidien La Presse publiait aussi un sondage qui donnait peu d'espoirs à Gilles Duceppe. Des 932 répondants interrogés, 45 pour cent estimaient que Mme Marois ferait un meilleur chef pour le PQ, devant 21 pour cent pour M. Duceppe (marge d'erreur de 3,1 pour cent, 19 fois sur 20).
Le sondage démontre aussi que l'ancienne ministre péquiste à la barre du parti souverainiste ferait grimper le PQ au premier rang dans les intentions de vote, 10 points devant l'Action démocratique. Le PQ avec M. Duceppe serait aussi arrivé premier mais aurait dû se contenter de deux points d'avance sur l'ADQ.
Devant la détermination de Mme Marois à mener cette course et le peu de sympathie à l'égard de la collision frontale qui se préparait, M. Duceppe a donc préféré retirer sa candidature.
Pour Bernard Bigras, député de Rosemont-Petite-Patrie, «on a le meilleur duo pour relancer le mouvement souverainiste».
Sa collègue députée d'Ahuntsic, Maria Mourani, qui n'a pas hésité à critiquer vendredi la décision de son chef et à appuyer la candidature de Mme Marois, se disait désormais très contente.
«Je suis très fière de lui qu'il ait pris cette décision. C'est la meilleure pour le mouvement dans son ensemble», a fait valoir Mme Mourani, qui admet que la décision a probablement été difficile pour son chef qui a dû «mettre de côté ses rêve».
Des sources affirment que cette décision a effectivement été très difficile, que M. Duceppe a dû mettre de côté son orgueil et son amour-propre. «Il est très affecté», a confirmé une source sous le couvert de l'anonymat.
M. Duceppe a d'ailleurs décidé de se soumettre, dès lundi, à un vote de confiance auprès de ses députés, à l'occasion d'un caucus extraordinaire. Déjà, samedi, plusieurs lui assuraient leur appui, sans retenue, dont Claude Bachand, Bernard Bigras, Maria Mourani et Christiane Gagnon. Il se livrera à un exercice semblable auprès des militants du Bloc, en octobre, lors du conseil général de la formation.
«Gilles a pris une décision pour le bien et l'avenir de la souveraineté. Il conserve mon appui entier», a indiqué le leader parlementaire, Pierre Paquette, qui était pressenti pour succéder à M. Duceppe au Bloc.
«La population aime les chefs courageux, d'autant plus qu'il ne fait pas juste se retirer de la course, mais il demeure chef du Bloc et il donne son appui à Mme Marois», souligne Bernard Bigras.
Reste qu'une source estime que Gilles Duceppe sortira écorché de cette aventure, qui donnera des munitions à ses adversaires politiques. Son autorité morale sera affaiblie, il aura besoin un peu plus de son équipe, soutient cette personne.
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