Analyse

La survie du PQ

PQ - succession de Boisclair



Bien des commentateurs se demandaient hier à voix haute : le PQ pourra-t-il survivre à un nouveau putsch? Les vétérans péquistes, eux, se posaient une tout autre question : le PQ pouvait-il survivre avec André Boisclair à la barre?
Les résultats électoraux du PQ dans des régions comme Lanaudière ou la Montérégie avaient, en pratique, dès le 26 mars, scellé l'avenir du chef péquiste. Ce n'est pas une coïncidence si François Legault et Camil Bouchard se sont retrouvés dans le clan des députés " pressés " que le PQ crève l'abcès du leadership du parti - dans des circonscriptions du 450, dans Rousseau comme dans Vachon, ces survivants avaient le plus durement encaissé la vague adéquiste.
Lundi, André Boisclair vivait sa dernière journée à la barre du Parti québécois. Le chef assiégé avait réuni à Montréal - mais pas à la permanence du PQ - ses plus fidèles supporteurs. Nicolas Girard et Nicolas Brisson faisaient sans insister le tour des régions au téléphone pour constater que le chef allait subir toute une raclée le 26 mai, à la conférence des présidents de circonscription. Le clan Boisclair comptait, à cette réunion, proposer de repousser à septembre 2008 le congrès de son parti, et, par conséquent, le test quant à son leadership.
Les circonscriptions d'une région clé pour le PQ, la Montérégie, tenaient aussi une réunion lundi soir. Le tour de table n'augurait rien de bon pour le chef. Il a pris sa décision, en milieu de soirée lundi, avec ceux qui l'avaient secondé durant la course à la direction du PQ; Line-Sylvie Perron, Daniel Audet et Nicolas Girard.
Hier matin, il savait qu'il aurait à affronter une nouvelle vague de députés qui allaient lui demander, comme la semaine dernière, d'organiser un congrès dès l'automne prochain. Un de ses conseillers avait convoqué François Legault pour mettre les choses au clair dès la matinée; on n'aura pas eu le temps de se rassembler, André Boisclair a réuni son personnel, pour une très brève annonce, puis s'est rendu livrer le même message à ses députés qui l'attendaient au caucus. Fin d'un chemin de croix qui s'annonçait interminable.
Une décision étonnante d'un chef imprévisible - d'anciens collaborateurs du démissionnaire confiaient qu'il " n'avait pas la couenne épaisse " et était susceptible de lâcher prise rapidement.
André Boisclair avait péremptoirement parlé de " science-fiction " quand La Presse, il y a deux semaines, avait révélé qu'une poignée de députés, sur 36 élus, serrait encore les rangs derrière lui. Avec le recul, on se met à penser qu'il n'avait pas mesuré l'ampleur du mécontentement, anesthésié par les rapports encourageants de ses lieutenants. Même à la fin de la campagne électorale, André Boisclair était convaincu qu'il serait premier ministre. Minoritaire soit, mais premier ministre. Or, non seulement il n'a pas gagné, mais il a perdu le statut de chef de l'opposition.
Ce glissement comme troisième parti a, bien plus que sa sortie contre Gilles Duceppe, fait monter la tension chez les députés. Tous ceux qui défaisaient leur boîtes dans des bureaux bien plus exigus se sont mis à souhaiter que le chef parte immédiatement avec les siennes.
André Boisclair était arrivé à la barre du PQ avec l'intention de recentrer le parti, de le rendre plus sensible aux obligations de la croissance économique. Québec solidaire a pu faire recette de ce déplacement du PQ vers la droite. Bien des péquistes de longue date se reconnaissaient davantage dans les coups de gueule de Marc Laviolette que dans les envolées " sociétales " du jeune chef. Certains péquistes sont convaincus que l'avenir du PQ passe par un retour vers le centre gauche, espace laissé vacant par les libéraux et les adéquistes. Pour bien des péquistes, Gilles Duceppe est l'homme tout désigné pour éviter le naufrage du PQ. Mathématiquement, la prise du pouvoir est impensable pour le Parti québécois aux prochaines élections, qui peuvent survenir dans 18 mois. Gilles Duceppe pourrait être ce chef de transition permettant d'attendre qu'un Pierre Curzi prenne de l'expérience politique, que François Legault estime que ses deux fils ont suffisament grandi, que Joseph Facal se remette en piste. Diane Lemieux pense qu'elle est prête immédiatement, mais elle est loin d'avoir, au sein du PQ, le réseau de contacts qu'a pu tisser un Gilles Duceppe au fil des années.
Mais le chef bloquiste est loin de faire l'unanimité à Québec. Hier, d'ailleurs, seul Sylvain Simard - le défenseur le plus acharné de Bernard Landry, puis de Pauline Marois et finalement d'André Boisclair - se prononçait dès hier en faveur d'un couronnement, une invitation à peine voilée au grand frère fédéral.
Les autres regardent circonspects les sondages - le dernier CROP montrait que le Bloc ferait 28 % aux élections fédérales, le même score que celui récolté par le PQ il y a un mois. Jamais Gilles Duceppe n'a été plus populaire que son parti, et il doit son heure de gloire des débats de 2004 au scandale des commandites. Les prochaines élections fédérales n'augurent rien de bon pour le Bloc.
À leur époque, Jacques Parizeau, Lucien Bouchard et, dans une moindre mesure, Bernard Landry dominaient tellement leurs éventuels adversaires que, justement, ces derniers ne relevèrent jamais le défi.
Cette fois le plan de match de Gilles Duceppe est clair; annoncer le premier, rapidement, qu'il est prêt à venir à Québec. Certains diront qu'il faut absolument au PQ le " vaste brassage d'idées " qu'assure une course à la direction. De toute l'histoire du PQ, deux chefs seulement ont été choisis au terme d'une véritable course; Pierre Marc Johnson et André Boisclair. Ils ont connu le même sort.


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