Alea jacta est... Le sort en est jeté. Les Québécois ont opté hier pour le pire des scénarios, un gouvernement minoritaire, très minoritaire. Il sera libéral. Ce choix transformera la scène politique radicalement. Des carrières seront remises en cause, tandis que le fonctionnement de l’Assemblée nationale et du gouvernement sera bouleversé.
Les électeurs ont eu beaucoup de mal à choisir. Aujourd’hui, le Québec est fortement divisé, morcelé en trois parts presque égales. Le risque d’instabilité est grand, et celui qui sera appelé à diriger le Québec devra faire preuve d’une grande prudence. Jean Charest, puisque c’est lui qui sera premier ministre, aura une légitimité incertaine. Avec seulement 33 % des suffrages accordés au Parti libéral et ne comptant que sur 48 députés, il ne pourra prétendre parler avec autorité au nom du Québec.
La marge de manœuvre du prochain gouvernement sera réduite. Extrêmement! Il lui faudra gouverner à vue, chercher l’appui de l’un ou de l’autre parti d’opposition. Un gouvernement minoritaire n’est pas en soi une catastrophe, mais il y a minoritaire et minoritaire. Les jeux d’alliance sont ici fort limités, contrairement à ce qu’on retrouve à la Chambre des communes. L’intérêt supérieur du Québec commandera que les deux partis d’opposition coopèrent avec le gouvernement pour assurer un minimum de stabilité. Si un gouvernement de coalition semble a priori impossible, il faudrait néanmoins explorer cette avenue.
La réussite de ce gouvernement tiendra beaucoup à l’habileté de celui qui présidera ses destinées. Pour naviguer sur une mer politique houleuse, il faudra du cran, de la détermination et des réflexes. Il faut savoir rester constamment sur la brèche, à la manière dont Stephen Harper mène sa barque à Ottawa. Dans les circonstances qui prévaudront à Québec, il faudra un grand talent de négociateur à ce premier ministre pour obtenir l’appui de l’opposition à son programme de gouvernement. La capacité de créer des consensus sera impérative. Jean Charest saura-t-il le faire?
Partager les gagnants des perdants à l’issue de cette journée électorale est facile. Du côté des vainqueurs, on n’en trouve qu’un seul. Mario Dumont a mis en échec aussi bien Jean Charest qu’André Boisclair. L’avenir politique de ce dernier est désormais incertain. Non seulement a-t-il fait moins bien en nombre de sièges que Bernard Landry aux élections de 2003, mais aussi en nombre de suffrages. Son parti a la réputation d’être mortifère pour ses chefs, mais la première chose à faire sera de comprendre les raisons profondes de cet échec, qui ne peuvent tenir à la seule personnalité de son chef. Le PQ, obsédé par le débat référendaire, est demeuré sourd à l’évolution de l’opinion des Québécois, qui ne se sont pas reconnus dans son programme.
La situation de Jean Charest sera aussi très difficile. En conservant le fauteuil de premier ministre, il a en main le principal instrument du pouvoir. Cependant, la sévérité avec laquelle son gouvernement a été sanctionné le handicapera. Son autorité sera considérablement affaiblie. De leur côté, les libéraux auront aussi à analyser les raisons de leur échec. Comme pour le PQ, la personnalité du chef a joué. Les Québécois ont une confiance limitée en lui et ils n’ont jamais adhéré majoritairement aux politiques qu’il a défendues ces quatre dernières années.
Libéraux et péquistes se retrouvent aujourd’hui devant une situation inédite. Ils sont menacés par le succès de l’Action démocratique, qui est maintenant en mesure de consolider sa position. Ils ne peuvent laisser à Mario Dumont la moindre chance de se hisser au pouvoir. Le risque est que le Parti québécois ou le Parti libéral finisse par être déclassé au rang de tiers parti. Le danger est plus que réel puisque l’ADQ est le parti qui a reçu le plus fort appui de l’électorat francophone.
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