Une harmonie passagère

Québec 2007 - Résultats et conséquences


Sonnés par le résultat des élections de lundi soir, les deux premiers à cause de leur déconfiture, le troisième par son succès inespéré, Jean Charest, André Boisclair et Mario Dumont ont promis hier aux Québécois de mettre de l'eau dans leur vin pour faire fonctionner ce gouvernement.
Voilà qui est sage, parce que si les Québécois ont reproduit à l'Assemblée nationale le modèle d'Ottawa, ce n'est pas par envie d'instabilité, mais bien parce qu'ils ont vu depuis 2004 que les gouvernements minoritaires peuvent donner des résultats.
En ce sens, André Boisclair a bien compris le message en affirmant que les Québécois ont rejeté l'idée d'un nouveau référendum en réduisant le PQ au rang de troisième parti. Mais en mettant l'option souverainiste au congélateur comme il l'a fait hier, il vient de fouetter l'aile dure de son parti. En ajoutant que son devoir est d'empêcher les péquistes de sombrer dans le déni, il vient de lui déclarer la guerre. Pire, M. Boisclair a laissé entendre qu'il pourrait suivre Mario Dumont sur la voie de l'autonomie. On entend déjà les gardiens de l'orthodoxie crier à l'hérésie.
André Boisclair veut-il imposer un nouveau virage au PQ? Il ne serait pas le premier chef péquiste à s'y risquer, faut bien garder le parti en mouvement, ne pas abdiquer, gagner du temps en attendant le prochain référendum. Mais a-t-il l'étoffe et le pouvoir d'y arriver? La réponse courte est non. M. Boisclair était déjà sous surveillance au PQ. Son résultat de lundi a scellé son sort.
M. Boisclair affirme avoir du courage à revendre. Ça tombe bien parce qu'il en aura besoin. Il disait quelques jours avant le déclenchement de la campagne qu'il avait le couteau entre les dents, il risque maintenant de se le faire planter dans le dos.
Et juste pour s'assurer de mettre le feu aux poudres, André Boisclair a affirmé que le PQ s'est planté dans la région de Québec parce que les instances régionales du parti ne l'ont pas laissé nommer les candidats qu'il voulait. Le drôle de son que vous entendez en sourdine, c'est celui des couteaux sur la meule...
Dès hier matin circulaient dans les rangs péquistes des rumeurs bien entretenues de démission du chef et des voix - toujours les mêmes - se font déjà entendre pour qu'il parte.
Il faut dire qu'André Boisclair a échoué à rajeunir le PQ et à lui redonner un élan, ce qu'il avait promis en devenant chef il y a 16 mois. Il faut dire aussi que lundi soir, le PQ a fait des gains ou a gardé ses sièges seulement là où l'ADQ n'a pas percé, en Abitibi, au Saguenay-Lac-Saint-Jean ou sur la Côte-Nord ou dans Crémazie, à Montréal.
Il faut dire, enfin, que le PQ d'André Boisclair n'a pas su ressouder la famille souverainiste et la coalition de progressistes. Résultat : Québec solidaire a grappillé suffisamment de votes pour faire perdre cinq circonscriptions au PQ. Ajoutez les verts, et vous arrivez à 15 sièges.
Bien des péquistes jugeaient, après les élections de 2003, qu'ils ne pouvaient plus continuer avec Bernard Landry, qui avait conduit son parti à son pire score électoral avec 33 %. Comment pourront-ils accepter de donner une deuxième chance à André Boisclair, qui n'a récolté que 28 %?
L'avenir immédiat semble un peu moins gris pour Jean Charest, qui est protégé par le gilet pare-balle de premier ministre. Virer un chef de parti, c'est relativement facile, mais un premier ministre? Surtout en situation minoritaire, quand le parti au pouvoir doit être prêt en permanence à de nouvelles élections.
La question est plutôt de savoir si Jean Charest voudra continuer encore longtemps, s'il a encore le goût de se battre. Hier, il a affirmé qu'il était prêt et enthousiaste à renouveler ce nouveau « défi «.
La détermination du chef ne devrait toutefois pas empêcher les militants libéraux de se poser quelques questions. Le résultat de lundi, en soi, a de quoi les inquiéter, mais le fait que l'ADQ ait terminé deuxième dans une quarantaine de circonscriptions allumera sans doute quelques points rouges sur le radar libéral. Ce parti, clairement, a perdu à l'ADQ le titre de rassembleur des nationalistes québécois, qu'ils soient souverainistes fatigués ou fédéralistes décentralisateurs.
Mario Dumont, lui, a décidé de ne pas brasser la cage pour le moment. Conciliant, il affirme vouloir collaborer avec le gouvernement Charest. Pour le moment, du moins.
Le budget libéral subira sans doute quelques modifications, mais il devrait passer. Jean Charest n'a pas le choix d'être conciliant. Pas avec la campagne qu'il vient de mener. Pas avec l'avertissement qu'il vient de recevoir.
Mario Dumont, lui, n'a pas intérêt à jouer les matamores, à être trop pressé et à précipiter la chute du gouvernement à la première occasion.
Magnanime, Mario Dumont a dit hier que la promesse de Jean Charest d'utiliser 700 millions du budget fédéral pour offrir des baisses d'impôts était une mauvaise idée, mais qu'il voulait bien « aider le gouvernement Charest à la corriger «.
Le premier test de ce tout nouveau gouvernement minoritaire ne viendra donc pas avec le budget. Mais la belle harmonie à l'Assemblée nationale subira son premier choc lors du rapport du juge Grenier sur Option Canada sur le camp du NON en 1995, dans quelques semaines.
Pas assez, vraisemblablement, pour renverser le gouvernement, mais l'ADQ et le PQ ne se priveront pas pour l'affaiblir encore un peu plus.


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