André Boisclair a eu, cette semaine, un avant-goût amer de ce qui l'attend en campagne électorale. Le chef du Parti québécois n'a pas prisé les questions de l'animateur Paul Arcand sur sa consommation passée de cocaïne. Il s'est senti piégé en ondes, à la radio, et il s'est fâché. M. Boisclair n'avait pourtant même pas de caméras pointées sur lui.
Pendant plus d'un mois, il aura bientôt plusieurs dizaines de journalistes collés en permanence à ses talons. Il se développe toujours une curieuse dynamique au cours des tournées des chefs. Le film À hauteur d'homme, sur la campagne de Bernard Landry, en 2003, en a fourni un bon exemple aux non-initiés. Les chefs politiques doivent rencontrer les mêmes journalistes à quelques reprises chaque jour. Ceux-ci ne portent vite plus aucun intérêt au message officiel que cherche à passer «leur» chef. Ils détectent par contre très rapidement les sujets qui l'irritent et sur lesquels il est donc susceptible de trébucher, de donner la meilleure cut, ces courts extraits qui alimentent si bien les bulletins de nouvelles.
Les points de presse se transforment alors en véritables séances de torture. Des reporters sont devenus des experts du harcèlement psychologique.
Ces méthodes journalistiques peuvent certes être dénoncées par quelques puristes réfugiés dans les estrades universitaires, mais elles ont néanmoins le mérite de vérifier l'étoffe de l'individu, sa résistance au stress, la maîtrise de ses émotions, sa vivacité d'esprit à travers son sens de la répartie, etc. Les journalistes doivent aussi toujours demeurés maîtres de poser toutes les questions qui leur semblent pertinentes, au-delà de la rectitude dictée par une intelligentsia ou des groupes de pression aux intérêts inavoués.
Or, André boisclair a déjà donné à quelques reprises des signes de vulnérabilité au cours de la campagne à la direction du PQ. Ce n'était pourtant qu'une promenade dans un jardin de fleurs, comparativement à une véritable campagne électorale, avec la «presse nationale» sur ses pas. La vraie montée du calvaire vient de commencer.
Des stratèges tentent parfois de garder un chef à l'abri le plus possible de ces journalistes aguerris. Ils optent alors pour une multiplication des rencontres avec la presse régionale et pour des contacts directs avec les électeurs (bains de foule).
Un, cette recette engendre beaucoup de frustrations parmi la presse politique qui prend alors le chef en grippe. Deux, ce dernier ne peut se soustraire sans cesse à eux et penser trouver sa juste place aux bulletins télévisés du jour. Trois, le chef tombera inévitablement sur des journalistes et des animateurs en régions qui voudront se faire un nom en s'attaquant rudement et sans pudeur à la vedette politique de passage. Il n'y a rien de plus imprévisible qu'un Bleuet dont l'ambition est de «monter» à Québec ou à Montréal, ou même seulement d'être reconnu comme un king dans son royaume. Quatre, le chef est en plus tenu de posséder à fond tous les dossiers de chaque région, que les journalistes locaux tiendront à discuter. Enfin, cinq, pour ce qui est des bains de foule, des visites industrielles ou agricoles, des centres commerciaux, c'est le sport extrême des tournées politiques. Même avec les meilleurs éclaireurs devant lui, André Boisclair ne saura alors jamais sur quel énergumène il est susceptible de se heurter, sur quels sujets et en quels termes celui-ci osera l'apostropher, sur son orientation sexuelle par exemple ou sa consommation de drogue... Un seul faux pas et il est cuit.
Je sens déjà que la tournée d'André Boisclair ressemblera à un interminable chemin de la croix.
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