La résignation tranquille

Il suffit que le message soit ferme et clair. Celui que le gouvernement Charest envoie en ce moment est plutôt un message de résignation tranquille.

Le français à Montréal

À partir du moment où les divers ministères et organismes publics québécois communiquent en anglais avec les immigrants et les entreprises qui en font la demande, même si la Charte de la langue française l'interdit, il n'est pas étonnant d'apprendre que le gouvernement subventionne aussi des cours d'anglais pour les nouveaux arrivants.
Comme l'a expliqué à mon collègue Robert Dutrisac un porte-parole du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles (MICC), il faut «s'assurer que les gens puissent bien s'intégrer à la société et à la réalité nord-américaines».
Elle a bon dos, la réalité nord-américaine. Certes, personne ne nie que certains emplois exigent une bonne connaissance de l'anglais. Si c'est vrai à Paris, à Milan ou à Madrid, ce l'est aussi à Montréal. Comme n'importe où dans le monde, les futurs employés de Stanley Morgan devront maîtriser la langue de Shakespeare.
Il y a toutefois une différence entre le réalisme et la résignation. Entre le discours officiel sur le caractère français de la société québécoise et les efforts consentis pour le préserver, il y a un décalage dont les nouveaux arrivants sont souvent les premiers à faire les frais.
La ministre Yolande James a raison de dire que «la clé de l'intégration, c'est l'emploi» pour un immigrant qui débarque dans son pays d'adoption à l'âge adulte. N'importe qui peut comprendre que sa priorité n'est pas de découvrir une nouvelle culture, si intéressante puisse-t-elle être, mais de répondre aux besoins essentiels de sa famille.
Selon les chiffres du recensement de 2006, les immigrants qui connaissent seulement le français ont un taux de chômage deux fois supérieur à celui des unilingues anglophones. Au sein de la population immigrante maghrébine, francophone et souvent très scolarisée, il dépasserait les 25 %.
La langue n'est pas le seul facteur en cause puisque les unilingues francophones de souche trouvent beaucoup plus facilement de l'emploi, mais il demeure que l'apprentissage de l'anglais fait chuter de moitié le taux de chômage des immigrants. Cela n'envoie pas un message très positif à propos du statut du français.
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Pauline Marois serait malvenue de leur reprocher de vouloir améliorer leur employabilité alors qu'elle souhaite voir tous les élèves québécois sortir de l'école parfaitement bilingues. Pourquoi ce qui est bon pour «nous» ne le serait-il pas pour «eux»? La solution ne consiste pas à forcer les nouveaux arrivants qui ne parlent pas le français à l'apprendre mais plutôt à faire en sorte que celui-ci devienne indispensable.
La Charte de la langue française affirme que «les travailleurs ont le droit d'exercer leurs activités en français», à moins que l'accomplissement de la tâche nécessite la connaissance d'une «langue autre», selon la pudique expression utilisée pour désigner l'anglais.
Bien des entreprises échoueraient sans doute à ce test de nécessité. Faire de la connaissance de l'anglais une exigence dans un magasin de chaussures de Québec, comme on pouvait le lire dans une chronique, est de toute évidence une absurdité. Les cas d'entreprises où la présence d'un seul unilingue anglophone impose l'usage de l'anglais demeurent fréquents.
Dimanche dernier, la chef du PQ a déclaré que sa «nouvelle loi 101» imposerait à tout employeur qui ferait du bilinguisme une condition d'embauche d'en démontrer la nécessité au préalable.
En vertu des dispositions actuelles, une plainte doit être déposée pour qu'il soit tenu de s'expliquer devant la Commission des relations du travail ou un arbitre. Celui qui convoite un emploi préfère souvent se mettre à l'anglais plutôt que de porter plainte.
Même si elle procède d'une bonne intention, l'efficacité de l'approche proposée par le PQ apparaît douteuse. À moins qu'elle ne fasse l'objet d'une plainte formelle, l'embauche d'un vendeur bilingue à Québec continuera de passer inaperçue. Et si les démarches exigées deviennent trop tracassières, elles risquent de freiner la création de nouveaux emplois. Les mesures qui touchent l'ensemble d'une entreprise, comme celles qui ont été imposées en 1977 aux entreprises de plus de 50 employés, semblent plus prometteuses.
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Il était prévisible que la proposition péquiste d'étendre la francisation obligatoire aux entreprises de moins de 50 employés soulèverait un tollé. Égale à elle-même, The Gazette a crié à l'«anglo-bashing». Le spectre du monstre bureaucratique est également réapparu.
Il est vrai que le défi est de taille. Il y a plus de 175 000 entreprises de moins de 50 employés au Québec, dont 150 000 qui en comptent moins de dix. On peut cependant présumer qu'à l'extérieur de la région de Montréal, la très grande majorité de ces entreprises fonctionnent déjà largement en français.
Même après 30 ans d'efforts, il y a encore 20 % des 5600 entreprises de plus de 50 employés qui ne répondent pas aux exigences de la loi, fait-on valoir. Raison de plus pour s'attaquer dès maintenant aux plus petites. Si cela doit prendre 50 ans, il n'est certainement pas trop tôt pour s'y mettre.
Au PQ, on réfléchit encore aux modalités, mais on est bien conscient qu'il faudra agir avec discernement. Il faudrait tenir compte de la taille des entreprises, du secteur dans lequel elles oeuvrent, de leur degré de proximité avec le public, etc.
Le projet de loi 195 sur l'identité québécoise, présenté par Mme Marois l'automne dernier, prévoyait déjà des dispositions différentes selon que les entreprises comptent plus de 25 employés ou moins de dix.
Bien sûr, il y aurait des difficultés, mais on ne doit pas présumer de la mauvaise foi des entreprises visées. La plupart d'entre elles se montreraient sans doute coopératives sans qu'il soit nécessaire de lancer une armée d'inspecteurs à leurs trousses. Il suffit que le message soit ferme et clair. Celui que le gouvernement Charest envoie en ce moment est plutôt un message de résignation tranquille.
mdavid@ledevoir.com


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