Le français menacé par l'immigration

Le français à Montréal


Baptiste Ricard-Châtelain - Si le gouvernement québécois maintient le cap dans le dossier de la francisation des immigrants, il y aura «au mieux» stagnation du français, voire effritement de la cohésion sociale, prévient le Conseil supérieur de la langue française (CSLF).

Le gouvernement piloté par Jean Charest a promis de hausser le nombre d’immigrants accueillis de 45 000 à 55 000 d’ici 2010. Pour atteindre la cible, il faudra recruter de plus en plus dans des pays anglophones ou anglophiles. Et seulement 15 % de leurs émigrants choisissent le français une fois installés ici... Si les libéraux n’investissent pas gros, le français est menacé dans la vie publique, dans les entreprises, évalue le Conseil. Les deniers récemment promis ne suffiraient pas.
«On ne peut pas laisser aller les choses», lance le président du CSLF, Conrad Ouellon. «À l’importance qu’on accorde à l’immigration pour l’avenir du Québec doit correspondre un effort de même niveau de l’État québécois.» Sinon? «Dans 10 ans, on va se mordre les doigts.» D’entrée de jeu, en conférence de presse, le Conseil convient que «la situation du français s’est nettement améliorée» depuis 40 ans. Les francophones ont des salaires équivalents, les enfants de l’immigration vont à l’école française...
Mais un groupe demeure intouchable, détaille le Conseil dans un avis déposé hier : «Les immigrants qui ne sont ni de langue latine ni originaires d’un pays de la francophonie sont demeurés imperméables à toutes les mesures de francisation prises au cours des 30 dernières années.» Il est question des Indiens, Pakistanais, Russes, Suédois... La Charte québécoise de la langue française n’apparaît pas suffisamment contraignante.
La Charte a néanmoins permis aux francophones de travailler dans leur langue, écrit le CSLF. Quoique la seule présence d’un collègue anglophone transforme le milieu de travail en environnement anglais. Le président, Conrad Ouellon, invite d’ailleurs ses compatriotes à un peu plus de militantisme, à exiger de travailler, de converser, d’acheter dans leur langue.
Dans un rapport aussi publié hier, le Conseil insiste beaucoup sur la métropole, où 85 % des nouveaux arrivants prennent racine. L’auteur, le sociologue Paul Béland, exprime son inquiétude : «Si les allophones utilisent l’anglais en public, un jour ils l’utiliseront en privé, et la demande de services en anglais augmentera. (...) Dans la région de Montréal, il est possible de faire sa vie presque uniquement (...) en anglais.»
Le Conseil recommande donc que des cours de français et de citoyenneté québécoise soient imposés à tous les immigrants. Les écoles du Québec deviendraient d’excellents points de ralliement pour tous les intervenants œuvrant à la francisation. Le nouveau Québécois n’aurait qu’à s’y rendre afin de recevoir tous les services, prône-t-il.
En mars, l’Office québécois de la langue française (OQLF) avait déposé un controversé rapport quinquennal sur la situation linguistique. Les ministres du cabinet libéral avaient ensuite multiplié les annonces : 12 millions $ de plus et 20 conseillers supplémentaires embauchés à l’OQLF; 39 millions $ afin d’améliorer l’enseignement du français; 22,7 millions $ et des crédits d’impôt pour la francisation des immigrants.
Voilà plus de 80 millions $ investis dans ce dossier, insiste la ministre responsable de l’application de la Charte de la langue française, Christine St-Pierre. Aussi, les entreprises de moins de 50 employés sont conviées à un grand rassemblement au cours de l’automne afin de prendre le virage francophile.
Sa collègue de l’Immigration et des Communautés culturelles, Yolande James, ajoute que le bilan libéral en francisation «n’est pas juste bon, il est solide». Les budgets sont suffisants, selon elle, et permettent de répondre aux besoins exprimés par les immigrants.
Elle doute, par ailleurs, que les écoles puissent devenir le guichet unique de la francisation. Certains immigrants ne s’y présenteraient pas, pense-t-elle.


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