Madame Boucher, s’il vous plaît...

À quand une enquête en profondeur de l’Office québécois de la langue française? À quand un grand ménage dans toutes ces appellations aux noms si rébarbatifs?

Le français à Montréal


Vous vous souvenez du fameux monologue de Michel Chartrand, récité lors d’assemblées syndicales, dans les années soixante et soixante-dix, La journée du parfait Québécois? «Le Québécois se réveille entre des draps de la Dominion Textile et il fait craquer un matelas Simmons. Il met les pieds sur la Dominion Oilcloth and Linoleum. Il va au lavabo et les chantepleures, c’est Crane ou American Brass, c'est aussi pourri les uns que les autres, ça rouille vite. Il se rase avec un rasoir électrique Remington. Après ça, il prend du savon, c’est Procter and Gamble ou bien Lever Brothers. Il s’en va à la table, c’est du pain d’Ogilvie Flour Mills. Il prend une petite boîte de jus Canadian Canners, les céréales, c’est General Foods, le sucre, c’est Acadia Sugar Refinery ou bien St. Lawrence Sugar», etc. Ce monologue, que le fougueux leader syndical répétait sur toutes les tribunes où il était invité, nous faisait rire jaune tout en montrant la mesure de notre aliénation.
Il suffirait de changer quelques noms de compagnie pour le réactualiser, car les choses n’ont guère changé depuis, avec la multiplication en toute légalité des Second Cup, Home Depot, Best Buy, Music World, Brick et Futur Shop, sans parler des Canadian Tire, Burger King et Cie. Rien dans la loi n’oblige ces marques de commerce à s’afficher dans une version française.
J’en veux également pour preuve cette nouvelle façon de nommer les produits que nous consommons tous les jours et qui sont, à mon avis, une façon pernicieuse de contourner la loi 101 sur l’étiquetage, qui impose la prédominance du français. Ces marques de commerce anglaises, comme Hamburger Helper, Sponge Towel ou Garden Cocktail contiennent déjà, dans leur appellation originale, leur signification, leur sens, leur raison d’être et comme on sait que la majorité des Québécois, même ceux de Val-D'Or ou de Percé, savent lire l’anglais, à quoi bon utiliser la version française, si tant est qu’elle existe. Alors, on dit tout simplement: «N’oublie pas, chéri, d’acheter du Spray’n Wash» plutôt que d’utiliser le mot «détachant», et ainsi de suite.
Je suis allé dans une grande surface pour y mener ma petite enquête et j’ai noté des centaines de produits ou marques de commerce qui contiennent dans leur appellation commerciale leur signification d’usage, un peu comme la marque frigidaire signifie maintenant un réfrigérateur.
Aussi, toute la gamme de produits offerts sous la marque «President’s choice / Le choix du président» se conjugue prioritairement en anglais. La prédominance sur l’affichage est nettement donnée à l’anglais. Est-ce légal? Je ne le sais pas, mais je trouve ça aberrant.
Que l’on se promène parmi les produits bio, santé ou amaigrissants (Optimum slim, Rice dream, Slim fast optima, Clockit tasty Soy Nuts, Ritz chips, Artic gardens, Selected Green Giant fresh, Simply Juice, etc.), les produits d’entretien (Glad Kitchen catchers, Swiffer Sweeper, Artic Power, Bounce pure essentials, Pampers Stage, à prononcer à l’anglaise comme dans la publicité, et Baby Dry plus, et oubliez qu’il s’agit de couches-culottes), les collations et friandises (Graduate fortudlers juice treats, Crispy Tortillaz, Twizzlers, Whoppers, Rice Work, Sun Chips, Gourmet Brown rice Crisps Sweet Chili, Maynards Swedish berry ou Fuzzy peach ou cherry blasters ou juicy squirts berry, Hershey top Scotch, True Blue ou Lite Blue, Kool-Aid singles, Smucker’s Sundae syrup, Chewy Quaker et Chewy dipps, etc.), toute la gamme des sous-produits alimentaires (Hamburger helper, Sides plus, Side Kicks, etc.), on découvrira ainsi toutes sortes de produits où le français est à peine visible sur l’étiquette, quand ce n’est pas carrément inexistant. Je ne savais pas que nous étions encore à l’époque des Aunt Jemina, des Betty Crocker Super Moist et des Cat Chow Purina beneful et cela est totalement inacceptable et par ailleurs fort déprimant.
Et si vous utilisez votre automobile pour vous rendre à l’aéroport, n’oubliez pas que vous pourrez «park ‘n fly» sans problème, tel que lu sur un panneau publicitaire près de l’aéroport international de Montréal. J’espère que vous aurez emmené, dans votre valise, votre nouveau rasoir Braun Free Glider avec son nouveau système Clean & Charge. Vous aurez ainsi un look plus clean et votre best friend ne s’en plaindra pas.
À quand une enquête en profondeur de l’Office québécois de la langue française? À quand un grand ménage dans toutes ces appellations aux noms si rébarbatifs?
Aux dernières nouvelles, le gouvernement vénézuélien rejoignait le Québec (du moins, le Québec d’il y a quelques années) dans son combat pour faire respecter la langue nationale. En lançant une campagne de valorisation de la langue espagnole, «Dis-le en espagnol, dis-le avec fierté!», on veut inciter la population à ne plus utiliser certains termes anglais, comme password, staff, host, meeting, mouse, etc., qui ont tous leur équivalent en espagnol. Comme il fallait s’y attendre, la presse de droite, opposée au gouvernement socialiste, s’est déchaînée en accusant Chávez de vouloir bannir l’anglais et de brimer la liberté d’expression, rien de moins. Mais au Québec, on connaît la chanson, car on se fait traiter de raciste, de frileux, de pure laine borné et «fermé à l’autre» chaque fois qu’on ose réclamer le respect de ses droits.
Pouvons-nous, dans de telles conditions, inviter joyeusement davantage d’immigrants à se joindre à nous pour partager notre histoire et notre avenir en français? Hum...
Pouvons-nous, devant un tel envahissement de la langue anglaise dans la majeure partie de nos activités quotidiennes, demander aux étudiants et aux professeurs de mieux parler la langue française? Hum, hum...
Madame Boucher, s’il vous plaît, faites quelque chose, ça presse. Sinon, démissionnez!
Et cela s’adresse aussi à vous, madame la ministre St-Pierre!


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