Doctrine Monroe, blocus et autodéfense

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L’hégémonisme états-unien dans toute sa splendeur


On évoque souvent la «doctrine Monroe» pour déplorer la mainmise des États-Unis sur l’Amérique latine, et tout particulièrement sur Cuba. Qu’en est-il exactement?  


En décembre 1823, dans le but d’éloigner définitivement les puissances coloniales européennes du Nouveau Monde, le président étatsunien James Monroe, au terme d’un long discours devant le Congrès, lance cette fameuse phrase: «L’Amérique aux Américains!» Le message est on ne peut plus clair: les États-Unis ont reconnu l’indépendance des anciennes colonies espagnoles et ces pays nouvellement indépendants font désormais partie de l’arrière-cour des États-Unis. En d’autres mots: Pas touche! Et toute ingérence européenne sera considérée comme une menace à la sécurité des États-Unis, qui auront ainsi le droit d’intervenir dans n’importe quel pays latino-américain, y compris par la force, pour défendre leur sécurité – entendez: leurs intérêts.


Et ils ne se gêneront pas d’intervenir. Voici ce que disait le général de l’U.S. Marine Corps, Smedley Butler, dans son autobiographie intitulée La guerre est un racket, en 1935: 


«J’ai passé trente-trois ans et quatre mois de ma vie en service actif en tant que membre de la force armée la plus performante de notre pays – l’U.S. Marine Corps. Je suis passé par tous les grades d’officier, depuis celui de sous-lieutenant à celui de général de division. Et, au cours de cette période, j’ai passé le plus clair de mon temps comme homme de main de haut niveau au service du grand capital, de Wall Street et des banquiers. Bref, j’ai été un racketteur à la solde du capitalisme.


« Ainsi ai-je aidé à faire du Mexique, et notamment de Tampico, un lieu sûr pour les intérêts pétroliers américains en 1914. J’ai contribué à faire de Haïti et de Cuba des lieux décents pour que les hommes de la National City Bank viennent y faire des affaires. En 1909-1912, j’ai participé à l’épuration du Nicaragua au profit de l’International Banking House des frères Brown. Puis, en 1916, j’ai apporté la lumière à la République dominicaine pour servir les intérêts des sucriers américains. En 1913, j’ai contribué à mettre le Honduras «sur le bon chemin» dans l’intérêt des compagnies fruitières américaines. En 1927, en Chine, j’ai veillé à ce que Standard Oil puisse poursuivre ses activités en toute tranquillité.


«Durant toutes ces années, j’ai pratiqué un racket épatant, comme diraient les habitués du «café du coin». J’en ai été récompensé par des honneurs, des décorations, des promotions. Quand je me retourne sur mon passé, j’ai le sentiment que j’aurais pu rendre des points à Al Capone. Alors qu’il ne pouvait au mieux pratiquer son racket que dans trois quartiers, nous autres, les «marines», agissions sur trois continents.»


Interventionnisme 


La Maison-Blanche est intervenue au Salvador au début des années 1930 et a encouragé l’assassinat du dirigeant révolutionnaire Farabundo Marti et quelque 30 000 paysans qui réclamaient une réforme agraire. Elle a participé à l’assassinat du leader révolutionnaire nicaraguayen Augusto Sandino, en 1934, et a installé au pouvoir la dynastie des Somoza qui dirigera le pays jusqu’en 1979. Elle a renversé, en 1954, le président guatémaltèque Jacobo Arbentz qui avait eu le malheur de nationaliser les plantations de bananes de la United Fruit Company. Elle menace d’intervenir au Mexique dont le président, Lázaro Cárdenas, vient de nationaliser les compagnies pétrolières étatsuniennes et a redistribué la terre à ceux qui la travaillent. Elle intervient à Cuba en 1933 pour installer une dictature militaire qui matera le mouvement de protestation des travailleurs de la canne à sucre, puis en 1953, elle installera au pouvoir le dictateur Fulgencio Batista.


Alors, quand Fidel Castro entre triomphalement à La Havane, en janvier 1959, la Maison-Blanche est aux aguets. C’est la première fois qu’elle ne contrôle pas la situation. Et elle ne chômera pas. Un peu plus d’un an après le triomphe de la Révolution, le bateau français La Coubre, qui transportait des armes belges pour le jeune gouvernement cubain, explose dans le port de La Havane, tuant une centaine de personnes et en blessant tout autant. Plusieurs actes de sabotage ont lieu, dont la destruction de secteurs vitaux de l’économie, comme les plantations de canne à sucre. En avril 1961, des mercenaires tentent une invasion à Playa Giron, avec l’appui de la CIA. Puis en février 1962, les États-Unis imposent un blocus financier et commercial contre l’île et ce blocus criminel, qui s’est durci au fil des ans, dure depuis tout ce temps, même si la quasi-totalité des pays réclame son abolition.


Depuis 63 ans, cette guerre larvée n’a jamais cessé. Peut-on blâmer le gouvernement cubain, qui n’a jamais connu un seul jour de paix, de se défendre?












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