La Caisse risque de souffrir longtemps

L'affaire de la CDPQ - conséquences et réformes

La Caisse se distingue de ses pairs par la sous-pondération de son avoir en actions. Photo : LesAffaires.tv
Le faible poids des actions dans le portefeuille de la Caisse de dépôt et placement du Québec lui a fait rater le rebond boursier du printemps. Ses déposants et les Québécois en paient maintenant le prix, et écoperont sans doute longtemps.
Que s'est-il passé en octobre 2008 ?
Un rendement de 0% sur six mois
" La Caisse a un pourcentage trop élevé de son avoir dans des placements non liquides, comme les placements privés, l'immobilier, les fonds de couverture et les produits dérivés, soit plus de 35 % ", dit Diane Urquhart, analyste financière indépendante.
Mme Urquhart est consultante auprès de plusieurs organisations de défense des retraités, comme la Fédération nationale des retraités et des citoyens âgés, qui compte un million de membres. Elle commente souvent l'actualité sur les caisses de retraite.
La Caisse de dépôt est toutefois loin d'être la seule grande caisse de retraite canadienne aussi lourdement investie dans les actifs non liquides. OMERS et Teachers y ont respectivement placé 39,8 % et 44 % de leur avoir.
Mode de rémunération à blâmer
Pour Mme Urquhart, cette surpondération s'explique entre autres par le mode de rémunération des gestionnaires de l'institution.
" Il semble que les gestionnaires de la Caisse étaient prêts à courir beaucoup de risques dans le but de toucher des primes de rendement. Les indices de référence [que le gestionnaire doit dépasser pour toucher sa prime] pour les catégories des placements privés, de l'immobilier et des fonds de couverture sont moins connus que ceux qui s'appliquent aux actions et aux titres de revenu.
" Les gestionnaires de portefeuilles étaient en position de toucher de meilleures primes que celles qu'ils méritaient vraiment [parce qu'ils battaient ces indices], ajoute-t-elle. Cette politique de rémunération a incité les gestionnaires à surpondérer les investissements dans des catégories non liquides. "
Il était toutefois beaucoup plus difficile pour eux de dépasser les indices boursiers et obligataires.
L'explication vaut aussi pour OMERS et Teachers.
La théorie financière justifie l'investissement dans l'immobilier et autres catégories d'actifs non traditionnels parce qu'il favorise la diversification du portefeuille en bonifiant le rendement sans augmenter le risque. Mais jusqu'où doit-on investir dans ces types de placement ?
Une vente en panique désastreuse
Là où la Caisse se distingue de ses pairs, c'est dans la sous-pondération de son avoir en actions. Au 31 décembre 2008, les actions ne comptaient que pour 22 % du portefeuille de la Caisse, par rapport à 36 % en 2007. Fin 2008, Teachers avait 30 % de son portefeuille en actions, et OMERS, 42 %.
En octobre 2008, la Caisse a dû vendre massivement des actions, surtout américaines, à perte. Il en a résulté des pertes sur vente de placements de 23,2 milliards de dollars pour l'exercice 2008, trois fois plus que celles de Teachers et huit fois plus que celles d'OMERS au cours de la même période.
Pourquoi cette vente de feu ? La Caisse voulait accroître ses liquidités et réduire son exposition à la Bourse.
" C'est sûr que cette décision revient la hanter. Un investisseur forcé de vendre ses actions l'automne dernier en subit aujourd'hui les effets négatifs, dit un gestionnaire de portefeuilles qui ne veut pas être identifié.
" On ne doit pas vendre ses actions quand le marché baisse. L'orthodoxie, en placement, c'est d'en acheter. "
Toujours est-il que la vente en panique de l'automne 2008 pèse lourd sur les résultats de la Caisse au premier semestre de 2009. Ayant moins investi que ses pairs dans la Bourse, l'institution québécoise n'a pas pu profiter autant du rebond boursier. Conséquence : rendement nul en première moitié d'année. Et la Caisse pourrait sous-performer encore longtemps.
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Caisse : que s'est-il passé en octobre 2008 ?

La Caisse de dépôt et placement est-elle passée à deux doigts d'une catastrophe, en octobre 2008, quand elle a dû vendre à perte des milliards de dollars d'actions au milieu de la chute boursière ?

Qu'est-ce qui a pu pousser les investisseurs professionnels de la Caisse à liquider les actions, sinon qu'ils n'avaient pas le choix ?
Pierre Goyette, ex-président de la Banque Laurentienne et critique féroce de la gestion de la Caisse sous Henri-Paul Rousseau, veut savoir. Il a été sous-ministre des Finances à Québec, de 1972 à 1977. À ce titre, il a siégé au conseil de la Caisse. " Non seulement j'aimerais savoir ce qui s'est passé, mais la Caisse a l'obligation d'expliquer pourquoi elle a dû vendre des dizaines de milliards de dollars d'actions. Quelles actions a-t-elle vendues ? Sur quels marchés ? " dit-il.
Ces ventes massives d'actions ont contribué à la perte de 23 milliards de dollars sur la vente de placements que la Caisse a inscrite pour 2008.
" C'est une perte importante qui a été réalisée, convient Michel Magnan, professeur de comptabilité à l'Université Concordia. La Caisse avance une brève explication dans son rapport annuel. Est-ce suffisant ? Il reste qu'en matière d'explications de ses résultats, la Caisse de dépôt se compare à ce que fait la Banque Nationale, qui est assujettie aux règles des autorités boursières ", précise-t-il.
M. Magnan souligne par ailleurs que les agences de notation ont maintenu la cote de crédit de l'institution pendant la tourmente. La Caisse a répété n'avoir jamais manqué de liquidités.
Sous le tandem Rousseau- Richard Guay, la Caisse a beaucoup investi dans le papier commercial et les placements non liquides. Ceux-ci comptaient pour 38 % de son portefeuille à la fin de 2008.
La Caisse a utilisé une partie de ses obligations en nantissement d'emprunts qu'elle a contractés et elle en a prêté d'autres à des tiers, les rendant inaccessibles au moment où elle en aurait eu besoin, selon M. Goyette, qui rédige un article sur la " crise d'octobre " qui a secoué la Caisse. Cette stratégie est-elle responsable de la vente, au pire moment qui soit, du seul produit liquide qui lui restait, les actions ?
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Caisse de dépôt : un rendement de 0%

La raison? Des baisses de valeur non matérialisées de 6 G$ sur les placements non liquides. Photo: LesAffaires.tv
La Caisse de dépôt et placement du Québec a annoncé qu’elle affichait une performance neutre pour le premier semestre de l’année.

Pour la première fois de son histoire, l’institution québécoise publie son rendement semestriel. Habituellement, elle rend des comptes au public une fois l’an.
Cette performance sans éclat est causée par des baisses de valeur non matérialisées de près de 6 milliards sur les placements non liquides comme les titres de dettes immobilières, des immeubles, des placements privés et des infrastructures.
En réaction, le président et chef de la direction, Michael Sabia a annoncé une réorganisation de son groupe immobilier et la cessation des activités de prêts hypothécaires de 2e rang par la Caisse.
Notons que lors de la conférence téléphonique, la haute direction de la Caisse n’a pas voulu commenter ses résultats au-delà des pertes non matérialisées sur les placements non liquides et la performance neutre pour l’ensemble de l’institution au cours de la période.
M. Sabia a toutefois admis que la Caisse a de nouveau réduit la valeur de son placement dans la société BAA, l’exploitant aéroportuaire de Heathrow, à Londres.
Ces baisses de valeur viennent annuler complètement le rendement de 5% réalisé sur les marchés plus liquides comme les placements boursiers.
On sait que depuis le creux de mars, les bourses nord-américaines ont progressé de plus de 40 %.
Le rendement de 0 % de la Caisse souffre mal de la comparaison avec la performance des autres gestionnaires de caisse de retraite.
Dans un communiqué, la firme RBC Dexia relatait que l’actif des caisses de retraite canadiennes avait gagné 6,5 % au cours des six premiers mois de l’année.
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Réorganisation à la Caisse de dépôt

La Caisse de dépôt et placement du Québec tient actuellement un point de presse. Photo : LesAffaires.tv
La Caisse de dépôt et placement du Québec annonce aujourd’hui une réorganisation de son groupe Immobilier qui lui fera notamment abandonner les «prêts mezzanines», qui sont à la fois coûteux et dangereux.

Deux changements principaux sont dans les plans, soit l’intégration de la division Cadim à la filiale SITQ ainsi que la cessation des investissements dans le secteur des prêts mezzanines et autres prêts subordonnés.
Rappelons que ces prêts mezzanines sont des prêts de deuxième ou troisième rang sur un immeuble, qui rapportent davantage, mais qui sont plus risqués.
Chutes de valeur
Depuis le début de 2009, les placements moins liquides de la Caisse ont connu des baisses de valeur alors que prévalaient des conditions économiques et financières précaires. Les placements immobiliers ont particulièrement souffert de la faiblesse du marché à l’échelle mondiale, notamment des difficultés du secteur commercial aux États-Unis.
Pour l’instant, au 30 juin 2009, les placements en dette immobilière et les placements en immeubles ont perdu près de 4,0 milliards de dollars (G$) en valeur. Ces baisses de valeur ne sont toutefois pas encore matérialisées puisque ce sont des évaluations de la valeur des actifs selon le marché.
Le portefeuille complet de placements moins liquides, lorsqu’on ajoute les placements privés, les infrastructures, les diverses participations et les PCAA, affichait quant à lui une performance neutre malgré des baisses de valeur non matérialisées totalisant 5,7 G$.
En effet, même si les placements nets et les placements liquides ont connu de bons rendements, la performance globale a été contrebalancée par les baisses de valeur des placements moins liquides.
« Nous prévoyons que le contexte des placements moins liquides demeurera ardu à moyen terme, étant donné la faiblesse persistante de l’économie mondiale. Cela dit, il faut garder à l’esprit que, dans l’ensemble, nos placements moins liquides sont composés d’actifs de qualité dont nous continuons à tirer des revenus réguliers, tels les revenus de location de nos immeubles », conclut Michael Sabia.
Nominations
René Tremblay sera nommé premier vice-président Immobilier et président du groupe Immobilier de la Caisse. Il sera secondé par Karen Laflamme qui est nommée vice-présidente principale Immobilier.
En dernier lieu, André Charest est nommé vice-président principal Gestion des risques et Immobilier.


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