La comparution en commission parlementaire de quelques dirigeants de la Caisse de dépôt et placement du Québec n'a fait que confirmer la désagréable impression d'amateurisme laissée par les résultats catastrophiques de 2008. À moins d'un revirement de situation imprévisible, la plupart des régimes de sécurité du revenu qui dépendent des rendements de la Caisse devront revoir leurs prestations à la baisse, et les cotisations à la hausse, d'ici quelques années.
Devant les membres de la commission parlementaire jeudi, le président de la Régie des rentes du Québec (RRQ), André Trudeau, a rappelé que l'organisation avait perdu neuf milliards de dollars à cause de la contre-performance historique des gestionnaires de la Caisse de dépôt. La réserve de la RRQ, qui était de 35 milliards en 2007, a fondu à 26 milliards en 2008!
Dans un document de consultation publié l'an dernier, soit avant la crise, la RRQ avouait déjà que la faiblesse des rendements observée ces dernières années et la hausse récente de l'espérance de vie des Québécois l'obligeraient à demander une augmentation des cotisations pour tous les salariés et leurs employeurs en plus d'une diminution des avantages du régime à partir de 2011. Sans ces changements, la réserve de la RRQ commencerait à s'étioler en 2033 et serait épuisée en 2052.
Le président de la RRQ a voulu se faire rassurant devant les caméras de télévision, mais compte tenu de l'obligation de rattraper le terrain perdu l'an dernier, il est d'ores et déjà assuré qu'il faudra des mesures encore plus radicales que celles qui étaient proposées dans le document de consultation. Par exemple, hausser de 60 à 63 ans l'âge minimum pour avoir droit aux prestations avec pénalité et à 67 ou 70 ans l'âge normal de la retraite sans pénalité; réduire la rente aux survivants lorsqu'un cotisant meurt avant l'âge de la retraite; resserrer les normes d'admissibilité aux prestations d'invalidité entre 60 et 65 ans, etc. Voilà quelques-unes des conséquences possibles de la mauvaise performance de la Caisse en 2007 et en 2008.
On a beaucoup parlé des PCAA au cours des travaux de la commission parlementaire. Pour cause puisqu'il reste tout à fait incompréhensible que la Caisse ait été la seule grande institution canadienne à détenir autant de ces produits toxiques. Même après avoir appris que ces fameux papiers commerciaux pouvaient cacher un petit pourcentage d'hypothèques à risque, la Caisse continuait d'en acheter et vendait des papiers bancaires pourtant moins risqués, a-t-on appris avec surprise. Pourquoi, sinon parce que ces titres offraient une rentabilité légèrement supérieure aux titres traditionnels, améliorant du coup la performance du gestionnaire et son bonus annuel? Comment expliquer que personne dans cette grande organisation n'ait même soupçonné que la Caisse avait détenu jusqu'à 22 milliards de dollars de ces PCAA, dont 13 milliards qui lui sont restés sur les bras en août 2007?
Autre fait troublant, c'est la réaction de panique qui semble s'être emparée de la Caisse en octobre. En l'espace de quelques jours, ceux que l'on croyait payés à fort prix pour leur sang-froid d'astronaute ont liquidé des milliards de dollars de titres au plus bas prix imaginable afin, nous a-t-on expliqué, de réduire l'exposition au risque. Ce faisant, ils ont transformé des pertes sur papier en pertes réelles impossibles à récupérer. S'agissait-il de la meilleure stratégie dans les circonstances?
Dans le cas du portefeuille immobilier, on ne comprend toujours pas pourquoi la Caisse a fait des pertes de -22 % pendant que Teachers limitait les siennes à -4 %. Est-ce une question de méthodes comptables, comme l'a prétendu le responsable de ce portefeuille, Fernand Perreault, ou est-ce que la Caisse ne s'était pas trop aventurée dans des régions du monde fortement touchées par la bulle immobilière?
De même pour le portefeuille de produits dérivés qu'on a complètement liquidé après avoir encaissé deux milliards de dollars de pertes: quelqu'un peut-il expliquer pourquoi on en détenait autant si on ne connaissait pas leur niveau de risque en période de crise des marchés?
La semaine prochaine, ce sera au tour de l'ex-président Henri-Paul Rousseau de répondre aux questions. C'est à lui que l'on doit la restructuration des activités de la Caisse qui devait conduire à un meilleur contrôle des investissements et à une plus grande efficacité des gestionnaires dans un contexte mondial difficile. Ça n'a pas fonctionné. Devant les représentants du peuple, M. Rousseau doit expliquer pour quelles raisons, et ce, de façon plus crédible que lors de sa récente conférence devant la Chambre de commerce.
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j-rsansfacon@ledevoir.ca
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