Équilibre financier du régime de rentes du Québec

Une question d'équité d'intergénérationnelle

L'affaire de la CDPQ - conséquences et réformes

Texte publié dans Cyberpresse du vendredi 18 septembre 2009 sous le titre "Équité entre générations"
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L'équilibre financier du régime de rentes du Québec est menacé à long terme pour deux raisons. Les mauvais placements de la Caisse de dépôt et placements du Québec ont créé un important trou financier estimé à 9 milliards de dollars. La seconde raison tient à des causes structurelles. Les retraités vivent plus vieux que prévu dans les modèles actuariels, les cotisants prennent leur retraite plus tôt (l'âge moyen à la retraite est maintenant de 62 ans) et il y a moins de cotisants en raison de la dénatalité passée. Le manque à gagner dû à ces causes est estimé à environ 2 milliards de dollars.
Deux avenues s'offrent pour rétablir l'équilibre financier: hausser les taux de cotisations -- ce qui entraînera l'aggravation des iniquités entre générations -- ou encore revoir les types de rentes afin de les ajuster aux nouvelles réalités sociales, 43 ans après la mise en place du régime. Le document de consultation de la Régie des rentes les a bien identifiées et les propositions sont pertinentes.
La Régie des rentes propose deux grands scénarios. D'un côté, elle estime qu'il faudrait augmenter les cotisations de 9,9 à 12 % environ pour rétablir l'équilibre financier à long terme sans modifier les types de rentes actuellement en vigueur. L'autre solution propose un compromis: elle consiste en une hausse du taux de cotisation moindre (+ 0,5 % étalée sur cinq ans) et une série de changements aux dispositions du régime à long terme, sans remettre en cause les acquis des retraités actuels.
Part plus élevée
Le premier scénario pénaliserait injustement les jeunes générations de cotisants. L'analyse que nous avons présentée récemment en Commission parlementaire montre à l'évidence que les hausses rapides des taux de cotisations au régime de rentes du Québec entre 1987 et 2002 ont eu un important effet générationnel. Les jeunes générations de travailleurs ont cotisé et cotiseront une part de leurs revenus beaucoup plus élevée que les autres générations, alors que leurs revenus réels n'ont pas augmenté aussi rapidement. Toute hausse des cotisations -- même modérée comme celle proposée dans le scénario 2 -- accentuera encore l'effet de génération et, donc, augmentera l'effort demandé aux plus jeunes.
Il faut plutôt revoir les types de rentes et les dispositions prévues par le régime, à commencer par la rente d'invalidité entre 60 et 65 ans, actuellement calculée selon des critères généreux, ou encore la rente de conjoint survivant, puisque la situation des femmes vivant en couple est maintenant très différente de celle de leurs grands-mères en 1966. Il y va de l'équité entre générations de femmes (et d'hommes, bien sûr). Transformer la rente viagère de conjoint survivant en rente temporaire de dix ans est un bel exemple de mesure raisonnable dont la transition est bien planifiée dans la proposition soumise par la Régie des rentes.
Revoir l'imaginaire de la liberté 55
Mais il faut faire davantage. D'autres avenues s'imposent et les analyses de la Régie des rentes sont explicites: le régime public doit engranger plus de cotisations (et pas seulement hausser les taux). L'une des causes de la crise anticipée du régime de rentes, en effet, tient au fait que les Québécois travaillent moins longtemps, donc cotisent moins au régime, et qu'il y a moins de travailleurs cotisants que prévu, ce qui affecte le ratio retraités/cotisants. Il faut donc agir dans cette direction et favoriser une hausse de la participation au marché du travail par diverses mesures, dont certaines sont identifiées dans le document de consultation.
On sait par des enquêtes que bon nombre de travailleurs à l'approche de l'âge de la retraite désirent rester en emploi, mais à des conditions différentes, moins stressantes. Le grand défi des prochaines années sera donc de concilier le travail et le loisir en fin de vie active, comme on a réussi à favoriser la conciliation travail-famille par des politiques novatrices qui correspondent aux besoins des jeunes couples avec enfants et qui font l'envie d'autres sociétés.
Il faut collectivement revoir la représentation de la «liberté 55» dans notre société où l'espérance de vie dépasse maintenant les 80 ans. Si on travaille moins longtemps, ce sont les jeunes qui paieront la note, les chiffres le montrent. Il ne s'agit pas de forcer qui que ce soit à travailler plus longtemps s'il ne le désire pas. Il s'agit plutôt de lever les obstacles qui empêchent ceux qui le veulent de rester en emploi, selon des horaires souples à aménager, par exemple.
L'équité entre les générations
Diverses mesures doivent être mises à l'essai, à commencer par la levée de rigidités dans les conventions collectives et les lois du travail, sans oublier la bonification des rentes versées à ceux qui cotiseront davantage. Plusieurs mesures ont été identifiées par la Régie et on doit aller de l'avant en ce sens.
La Régie est cependant timide dans l'énoncé des mesures à prendre. Par exemple, pourquoi ne pas hausser l'âge de la préretraite de 60 à 62 ans, suivant en cela l'exemple du Danemark? On pourrait aussi mettre en place des mesures fiscales comme il en existe pour les familles avec enfants ou pour le retour en emploi des bénéficiaires de l'aide de dernier recours.
Bref, il faut repenser la prise de retraite et son financement. D'autres sociétés l'ont déjà fait en adoptant des mesures plus radicales que celles qui sont actuellement discutées au Québec. Si on ne change rien, les jeunes paieront davantage et ce sont eux qui écoperont lorsque le temps de leur propre retraite sera venu.
Le régime de rentes du Québec est basé depuis sa création sur le principe de la solidarité. Le temps est venu de tenir compte d'un autre principe fondateur qui doit aussi l'orienter: l'équité entre les générations.
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Simon Langlois, Professeur au département de sociologie de l'Université Laval


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