720$ de moins pour les retraités de la construction

Raymond Bachand soutenait encore hier qu'aucun travailleur ne subirait de pertes en 2009 en raison de la contre-performance de la Caisse de dépôt

L'affaire de la CDPQ - conséquences et réformes

Robert Dutrisac - Québec -- Contrairement aux assurances données par le gouvernement Charest, certains travailleurs perdront une partie de leur rente de retraite en raison des résultats désastreux de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ). C'est le cas de milliers de travailleurs de la construction qui prendront leur retraite cette année.
C'est ce qu'a révélé, hier, le président-directeur général de la Commission de la construction du Québec (CCQ), André Ménard, lors de son audition devant la commission parlementaire spéciale qui se penche sur les déboires de la Caisse. «On ne peut pas perdre 2 milliards sans qu'il y ait un impact, a-t-il souligné. Il est évident que ceux qui prendront leur retraite cette année subiront les effets de ces rendements.»
Dans le cas des 145 000 travailleurs de la construction, ce ne sont pas seulement les cotisations qu'ils versent à leur régime de retraite qui seront affectées, mais leurs rentes. Ainsi, les travailleurs qui prendront leur retraite en 2009, soit quelque 3000 personnes, perdront en moyenne 4 % de leur rente, ou 720 $ sur une rente annuelle de
18 000 $, ont calculé les actuaires de la CCQ. Il s'agit cependant d'une moyenne: certains ne perdront rien parce qu'ils ont contribué depuis longtemps à un régime à prestations déterminées, alors d'autres essuieront une perte de 17 % parce que leur rente n'est pas garantie et qu'elle dépend des rendements obtenus par le portefeuille de la CCQ. Les retraités actuels ne seront pas affectés puisque leur rente est garantie.
Hier encore, le ministre des Finances, Raymond Bachand, soutenait qu'aucun travailleur ne subirait de pertes en 2009 en raison de la contre-performance de la Caisse.
La perte de 2 milliards qu'a subie en 2008 le portefeuille de la CCQ -- il s'élève désormais à
9,9 milliards -- entraîne un déficit actuariel de 606 millions dans le volet du régime de retraite à prestations déterminées. Cette part du régime n'est plus alimentée depuis la fin 2004. En vertu des règles de ce régime privé, fixées par des négociations patronales-syndicales, ce déficit doit être comblé par les cotisations que versent les travailleurs actifs dans un nouveau régime à prestations indéterminées, créé en 2005.
Ainsi, la cotisation que versent les employeurs au régime de retraite est de 3,50 $ de l'heure pour un compagnon. À l'heure actuelle, une somme de 2,10 $ est versée au volet à prestations déterminées, pour service passé, et 1,49 $ est versé au volet courant. Pour éponger le déficit de 606 millions, il faudra prendre 75 ¢ dans le volet courant pour le verser à l'ancien régime pendant neuf ans.
Pour les 145 000 travailleurs actifs, le déficit représente un somme de plus de 4000 $ à éponger. Évidemment, le fait de puiser dans le régime courant diminuera d'autant la rente des travailleurs actuels quand ils prendront leur retraite, a expliqué l'actuaire principal de la CCQ, Jacques Rainville. Cette conséquence de la perte causée par la Caisse devra faire l'objet de la prochaine négociation dans le secteur de la construction, dont les conventions collectives viennent à échéance en 2010.
Le p.-d.g. de la CCQ, André Ménard, ne prend pas la situation à la légère, contrairement à d'autres représentants de grands déposants de la Caisse comme le président du comité de retraite du Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics (RREGOP), Gilles Giguère. Comparaissant devant les élus mardi, M. Giguère ne s'en faisait guère, soulignant que les pertes de 40 milliards étaient en bonne partie des provisions et que l'institution pourrait se refaire. En outre, le comité n'avait pas daigné présenter une évaluation des conséquences de la perte de 12 milliards subie par le RREGOP en 2008, au grand dam des députés de l'opposition.
La CCQ est dans l'obligation de déposer ses fonds à la Caisse, mais il est venu à l'idée de ses représentants de faire appel à d'autres gestionnaires. Ça fait deux fois depuis le début des années 2000 que le fonds de la CCQ est en difficulté et qu'on doit prendre des mesures exceptionnelles pour le renflouer. La Caisse a essuyé des pertes deux années d'affilée, en 2001 et 2002. «On a été frappé assez, deux fois, et ça, ça fait réfléchir», a dit André Ménard
La perte de 2008 fait d'autant plus mal que la CCQ a opté pour une composition de portefeuille extrêmement conservatrice: 50 % dans les obligations et une bonne part dans les immeubles. En 2008, la perte a été moindre que pour l'ensemble de la Caisse: -17 % contre -26 %. Son rendement sur cinq ans est d'ailleurs meilleur que pour l'ensemble de la CDPQ.
Il n'en demeure pas moins que la Caisse a fait 6,3 % de moins que les indices liés au portefeuille de la CCQ. Cela représente un manque à gagner de 741 millions pour la CCQ.
«On veut un rendement pour rencontrer [sic] nos objectifs, mais on ne veut pas parier sur n'importe quoi», a fait valoir M. Ménard. Désormais, la CCQ entend «challenger» la Caisse. «Lorsqu'on place en obligations, on s'attend à ce que ce soient des obligations, on ne s'attend pas à ce que ce soit placé dans autre chose.»
Le nouveau président de la Caisse, Michael Sabia, a rencontré récemment le conseil d'administration de la CCQ. M. Sabia a promis de viser des rendements «plus stables», «plus fiables», a relaté André Ménard. «Ça va directement dans notre ligne de pensée», a dit le p.-d.g. de la CCQ.


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