Les révélations faites par les partis d'opposition à l'Assemblée nationale sur le fonctionnement des Fonds d'intervention économique régionaux (FIER) gérés par Investissement Québec ont de quoi faire dresser les cheveux sur la tête. Bien sûr, les allégations de conflits d'intérêts doivent être éclaircies, de même que la destination régionale des fonds. Mais l'usage même de ces millions soulève des questions.
En commission parlementaire cette semaine, le ministre du Développement économique, M. Raymond Bachand, n'a pas pu fournir d'explication satisfaisante à plusieurs situations troublantes révélées par l'opposition au sujet des FIER. Comment expliquer que deux FIER, l'un du Saguenay et l'autre de Laval, dirigés par des sympathisants libéraux, aient effectué neuf investissements dans des entreprises dont ces mêmes sympathisants sont aussi actionnaires? Comment expliquer qu'un autre libéral connu ait obtenu 4 millions de quatre FIER différents pour une même entreprise?
À l'origine, les FIER ont été créés pour encourager l'investissement dans des projets de démarrage qui ne trouvent pas de capital de risque, surtout en région. En théorie, le FIER devait être un fonds dans lequel des investisseurs privés placent de l'argent qui sera réinvesti dans des entreprises, enrichi d'une mise gouvernementale du double.
En général, lorsqu'une banque ou une société de capital de risque joue un tel rôle auprès d'une entreprise qui ne possède pas l'argent nécessaire pour se développer, elle exige un rendement de 20 à 30 % par année en plus d'un certain nombre d'options d'achat d'actions à être exercées si la compagnie inscrit son titre en Bourse. Dans le cas d'un FIER, l'investisseur public (l'État) qui contribue pour les deux tiers n'exige pas de rentabilité à court terme pour lui-même. Si le projet réussit, l'argent retourne au FIER. S'il échoue, c'est la mise gouvernementale qui disparaît en premier, avant celle du partenaire privé.
Dans le cas de ce dernier, c'est différent. L'argent placé dans un FIER doit rapporter, et vite, comme pour toute société de capital de risque. Il faut donc bien choisir les projets pour réaliser des gains élevés, qui seront multipliés si l'entreprise réussit son passage à la Bourse. Or, comme on n'est jamais si bien servi que par soi-même, pourquoi ne pas créer son propre FIER, siéger au conseil et choisir sa propre entreprise pour y investir l'argent du FIER? Ainsi, l'argent gouvernemental servira de levier pour faire grimper la mise de l'investisseur, et par la suite, la valeur des titres des actionnaires. Ce n'est donc pas un hasard si la formule intéresse tant d'investisseurs qui s'y connaissent en capital de risque.
Pour qu'une telle mécanique ne tourne pas au détournement de fonds publics, plusieurs conditions s'imposent: un, que les FIER ne se substituent pas au capital de risque du marché; deux, que seuls les projets régionaux qui ne pourraient voir le jour autrement fassent l'objet d'une aide gouvernementale; trois, que personne ne soit en situation de conflit d'intérêts à aucun moment du processus; quatre, que les FIER ne servent pas de simple levier financier pour des investisseurs à la recherche d'un profit maximum dans des entreprises où ils sont déjà actionnaires; cinq, que l'ensemble des opérations soit sous la supervision d'administrateurs neutres; six, qu'une évaluation exhaustive et transparente soit rendue publique tous les ans par Investissement Québec.
Pour le moment, trop d'indices laissent croire que certains FIER seraient tombés sous le contrôle d'individus trop bien informés qui utiliseraient les fonds publics pour leur enrichissement personnel. Seul le vérificateur général peut faire la lumière sur la question.
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