Le couronnement de M. Michael Ignatieff comme chef du Parti libéral du Canada marque une pause dans la vie récente particulièrement trouble de ce parti politique fédéral. Maintenant que les libéraux ont un chef qui fait l'unanimité parmi eux, il leur reste à prouver qu'ils ont appris de leurs échecs. Au Québec, le défi sera d'autant plus grand que rien dans la vision du nouveau chef ne laisse entrevoir d'ouverture sur l'avènement d'un Canada différent de celui que les Trudeau, Chrétien, Martin et Dion ont successivement tenté de nous imposer, sans succès.
À cause de la tourmente politique provoquée l'automne dernier par l'énoncé économique très idéologique du gouvernement conservateur, les libéraux fédéraux ont précipité le départ de leur chef, Stéphane Dion. Choisi lors du congrès surréaliste de Montréal au cours duquel il était parvenu à se glisser entre les deux candidats les plus sérieux, MM. Rae et Ignatieff, M. Dion n'a jamais eu d'ascendant sur le PLC, et c'est dans l'innocence la plus plate qu'il l'a conduit à sa plus cuisante défaite des dernières décennies.
La veille de l'ouverture du congrès, jeudi dernier, Michael Ignatieff a eu raison de remercier ironiquement le premier ministre Stephen Harper d'avoir mis en place les conditions idéales pour la réunification des troupes libérales. Ceux qui écriront l'histoire des années actuelles ne manqueront sûrement pas de noter que celui que l'on qualifiait de grand stratège politique il y a seulement quelques mois, Stephen Harper, a si mal lu la conjoncture au lendemain de sa seconde élection qu'il doit être tenu pour seul responsable du choix unanime et rapide du plus dangereux adversaire qu'il pouvait imaginer, Michael Ignatieff.
Cela dit, même si M. Ignatieff est maintenant le chef incontesté du PLC, cela ne fait pas encore de lui le premier ministre majoritaire de ce pays. Plusieurs obstacles se dressent sur son parcours, à commencer par la situation économique incertaine et l'humeur variable des électeurs dans chacune des provinces.
Pour le moment, le nouveau chef libéral profite de l'élan de nouveauté normal qui accompagne une telle nomination. Les Canadiens sont prêts à l'écouter pour savoir s'il a quelque chose d'autre à offrir que son charme et sa superbe.
Au Québec, M. Ignatieff a rejoint le Bloc québécois dans un sondage récent, mais il faut compter sur Gilles Duceppe pour rappeler aux électeurs qui sont ces libéraux fédéraux qui viennent de choisir un autre professeur d'université pour chef, comme si cela suffisait pour retrouver la virginité perdue.
L'idée de M. Ignatieff de présenter un amendement au programme d'assurance-emploi pour le rendre plus accessible dès ce printemps plaira sans doute à ceux qui craignent de perdre leur gagne-pain. Mais, pour les autres, il faudra beaucoup plus pour faire oublier la vieille clique libérale du Québec, hargneuse et pourrie jusqu'à l'os.
Un nouveau chef peut certainement faire la différence en campagne électorale, mais la mémoire et l'exposition des faits aussi. Remettre les libéraux au pouvoir peut coûter cher au Québec qui a toujours dû jouer la carte du rapport de force pour faire entendre raison aux libéraux fédéraux en matière de respect des compétences constitutionnelles. Or, à ce jour, M. Ignatieff n'a rien proposé pour nous convaincre qu'un éventuel retour libéral au pouvoir à Ottawa serait synonyme de profond renouveau dans les relations avec le Québec. Malgré ses allures progressistes, le PLC reste ce que le Québec a eu à affronter de plus centralisateur, de plus agressif et de plus obsessif comme force politique à Ottawa.
j-rsansfacon@ledevoir.ca
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