Impensable impunité

Haïti - l'indécente dictature



(Québec) La justice haïtienne ayant finalement porté hier des accusations de corruption et de détournement de fonds contre Jean-Claude Duvalier, la question que plusieurs se posent depuis dimanche demeure entière : pourquoi donc le dictateur déchu est-il revenu à Haïti après 25 ans d'exil?
Trois jours après son retour de France, le mystère persiste. Comment un homme peut-il remettre les pieds dans un pays qui l'a chassé en 1986, un pays toujours dévasté un an après un tremblement de terre, un pays de surcroît confronté à une profonde crise politique? L'instabilité et l'insécurité font-elles d'Haïti une destination de choix pour un ex-dictateur?
Jean-Claude Duvalier dit être revenu dans son île pour «aider». Mais qui donc? Sûrement pas les simples citoyens haïtiens. En digne successeur de son père à la tête du pays, «Bébé Doc» a terrorisé, maltraité, volé, tué des opposants politiques et nié les droits des Haïtiens pendant 15 ans. Et il voudrait aujourd'hui se porter à leur secours?
Renversé par la population, Duvalier a attendu 21 ans avant de lui demander pardon. Son retour imprévu laisse supposer qu'il s'attend à être à son tour pardonné pour les fautes commises dans le passé. Il faudrait en effet éprouver un grand mal du pays ou être animé par un fort sentiment de repentir pour quitter une douce terre d'exil pour venir volontairement répondre de ses actes devant la justice, même si c'est celle d'un pays dans le chaos.
Haïti et la communauté internationale ne peuvent passer l'éponge sur des années d'exactions. Le dictateur doit répondre de ses gestes et non pas simplement se livrer à un semblant de justice. Les accusations ne doivent pas se limiter aux crimes économiques. L'impunité est impensable quand des milliers d'individus ont souffert et payé de leur vie.
Selon Véronique Roy, femme de Duvalier, son mari est un simple citoyen qui vient revoir son pays, par solidarité. En service commandé aussi? Certains observateurs notent que l'actuel chef de l'État, René Préval, pourrait bien être derrière cette réapparition inattendue. Son poulain, Jude Célestin, serait arrivé troisième au scrutin présidentiel et Préval aurait intérêt à brouiller les cartes, à détourner l'attention du second tour des élections. Pour d'autres, l'arrivée de Duvalier servirait à tester l'opinion publique en prévision d'autres retours d'exil.
D'ici, il semble inconcevable que le peuple haïtien en soit venu à souhaiter un régime dictatorial plutôt que de miser sur la démocratie. Mais comment juger? Ceux qui jour après jour doivent se battre pour leur survie, subir la promiscuité, craindre les viols et les vols sans voir le moment où le calvaire prendra fin pourraient-ils en être rendus à rêver de la «stabilité» qui régnait sous la dictature?
Cette illusion doit vite être corrigée. D'où l'importance d'envoyer rapidement un message clair à tous les dictateurs en exil ou dans l'âme : ils ne sont pas bienvenus à Haïti.


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