UPAC: la patience a des limites

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L'UPAC décrédibilisée

«Il y a une grosse guerre à l’UPAC.» Ce n’est pas l’opposition à Québec qui le dit pour embarrasser le gouvernement Couillard. C’est le patron de la Sûreté du Québec, Martin Prud’homme, qui l’affirmait l’automne dernier à des enquêteurs de la GRC. Avant de donner plus d’indépendance et de pouvoir à l’UPAC et à son commissaire Robert Lafrenière en adoptant rapidement le projet de loi 107, le gouvernement doit avoir l’assurance que l’organisation peut se remettre sur ses rails, avancer et faire le travail que les citoyens attendent d’elle.


Philippe Couillard et son ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, ont beau réitérer, comme ils l’ont fait vendredi, leur confiance envers le commissaire Lafrenière et souligner qu’il est à la tête d’une jeune organisation, si des doutes persistent dans la population, nous ne sommes guère plus avancés. 


C’est faire preuve d’un grand optimisme de croire que l’adoption d’un projet de loi, qui donnera lieu à la création d’un comité de surveillance, viendra dissiper les doutes et le scepticisme à l’égard de l’unité créée sous le gouvernement Charest en 2011. 


À moins que ce ne soit de l’aveuglement volontaire.


Comment la population peut-elle avoir pleinement confiance dans l’Unité permanente anticorruption (UPAC) lorsque celle-ci fait périodiquement la manchette depuis sept ans non pour étaler ses bons coups, mais pour exposer les tensions et les dysfonctionnements en son sein, ainsi que les liens étroits entre élus et corps policiers? 


Le commissaire Lafrenière, un ancien policier et sous-ministre à la Sécurité publique, est le beau-père de M. Prud’homme (maintenant chef par intérim du Service de police de la Ville de Montréal en attendant de retourner à la SQ). M. Prud’homme maintient toujours des contacts avec son ex-­collègue Guy Ouellette devenu député libéral. Ce dernier est l’objet d’une enquête de l’UPAC. Ce n’est pas tout le monde qui peut se montrer aussi compréhensif que M. Coiteux sur les relations d’amitié entre un député et un policier.


Ajoutez à cela que le numéro 2 de l’UPAC, Marcel Forget, a dû démissionner en décembre et qu’il réclame maintenant 2 millions $ au gouvernement. La cour est pleine.


Et malgré tout, M. Coiteux veut continuer de faire cheminer son projet de loi comme si tout allait bien, comme si la direction de M. Lafrenière ne posait aucun problème, comme si la crédibilité de l’UPAC était solide, comme si l’adoption d’un nouveau cadre légal gommerait toutes les difficultés éprouvées par l’organisation depuis ses débuts.


Certes, on peut présumer que la création d’un comité de surveillance permettra d’avoir un portrait plus juste de ce qui ce passe à l’intérieur de l’UPAC. Mais d’autres irritants et zones grises demeurent.


Si M. Lafrenière n’a pas su jusqu’à maintenant créer une cohésion au sein de ses troupes, son leadership ne deviendra pas par magie extraordinaire parce que l’UPAC devient un corps de police indépendant. La trop grande proximité entre certains acteurs ne s’estompera pas non plus. 


Rappelons aussi que l’idée d’un comité de surveillance n’était pas dans la première mouture du projet de loi. Ce volet a été ajouté dans la foulée de l’arrestation de Guy Ouellette et sous la pression de députés qui exigeaient une plus grande reddition de comptes. Le projet a cheminé «cahin-caha», notait jeudi la députée péquiste Agnès Maltais. À l’image du fonctionnement de l’UPAC.


En décembre, Robert Lafrenière disait que pour le bien de l’organisation, il quitterait son poste avant la fin de son mandat en 2021 s’il se rendait compte qu’il nuit à l’UPAC. 


Avec les tuiles qui ne cessent de s’abattre sur l’UPAC, 2021 semble bien loin.