(Québec) Avec de l'argent et un bon pointage de la part des fonctionnaires du ministère de l'Éducation, il sera toujours possible de contourner la loi 101 pour que son enfant puisse fréquenter l'école anglaise au Québec. Le gouvernement Charest a beau introduire un nouvel alinéa dans le préambule de la Charte des droits et libertés de la personne pour réaffirmer que le français est la langue officielle du Québec et qu'il constitue un élément fondamental de son patrimoine culturel et de sa cohésion sociale, le projet de loi 103 envoie néanmoins un message ambigu et contradictoire.
Ce n'est pas la protection de la langue française qui a principalement inspiré la réponse du gouvernement au jugement de la Cour suprême portant sur la loi 104. Des considérations politiques ont davantage guidé sa position. Les libéraux ont veillé à ne pas provoquer de mécontentement dans la communauté et la députation anglophones de crainte d'affaiblir davantage leur gouvernement. Ils ont eu peur de créer des remous dans le reste du Canada et n'ont pas osé soutenir que la protection de la langue française, minoritaire en Amérique et trop souvent négligée dans les institutions fédérales, justifiait de recourir à la clause dérogatoire prévue dans la Charte canadienne des droits et libertés.
Cela donne un projet de loi qui ne colmate pas la brèche observée dans la loi 101 et qui n'empêchera pas certains citoyens, non admissibles à l'enseignement en anglais financé par l'État, d'acheter à leur enfant et à sa succession un droit qui ne leur est pas destiné dans la Charte.
Selon le seul critère du nombre de personnes concernées, certains diront que le gouvernement a raison de ne pas ouvrir le débat linguistique et d'exposer le Québec à des remontrances sur la scène canadienne et internationale. Certes, le nombre d'élèves visés est minime. Selon la ministre Michelle Courchesne, quelques centaines d'enfants pourraient finalement fréquenter l'école anglaise même s'ils n'y ont pas droit. Sur un million d'élèves inscrits dans les écoles primaires et secondaires, c'est en effet bien peu.
Néanmoins, évitons de minimiser la portée du message qu'envoie le gouvernement. La popularité des écoles anglophones a augmenté ces dernières années au point de créer de véritables écoles passerelles. Le nombre d'enfants contournant la loi 101 par cette voie a doublé entre 1998 et 2002. Cet attrait et le souci que son enfant puisse apprendre correctement l'anglais ne disparaîtront pas. Certains chercheront des façons de réussir le fameux parcours authentique afin d'obtenir le précieux certificat d'admissibilité dans une école anglophone publique ou privée subventionnée. Pour y parvenir, ils utiliseront tous les recours administratifs et juridiques possibles.
Autre élément, le Québec se retrouve dans une situation démographique où il devra de plus en plus recourir à l'immigration pour assurer son développement. Il doit donc n'y avoir aucune ambiguïté et aucun marchandage sur la langue d'enseignement au Québec. Le passage dans un établissement privé non subventionné, ajouté à d'autres considérations subjectives évaluées à la pièce par des fonctionnaires, ne devrait pas permettre d'obtenir le droit de fréquenter une école anglophone publique ou financée à 60 % par des fonds publics.
Les libéraux avancent un faible argument lorsqu'ils disent que les péquistes ont préféré en 2002 la loi 104, adoptée unanimement, à un recours à la clause dérogatoire. Il est pourtant logique de procéder par étapes. La loi 104 a été invalidée, mais la Cour suprême reconnaît cependant la légitimité du Québec d'assurer la défense et l'intégrité de la langue française. Avec le projet de loi 103, le gouvernement Charest réaffirme du bout des lèvres seulement la primauté du français au Québec.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé