Entre Boisclair et Duceppe, c'est la guerre

Exaspéré par ce qu'il perçoit comme une opération de déstabilisation organisée par Gilles Duceppe, le chef péquiste André Boisclair a décidé de jeter les gants et de déclarer la guerre au chef bloquiste.

PQ - leadership en jeu - la tourmente


Exaspéré par ce qu'il perçoit comme une opération de déstabilisation organisée par Gilles Duceppe, le chef péquiste André Boisclair a décidé de jeter les gants et de déclarer la guerre au chef bloquiste.
«Je vois des gens qui voudraient nous engager dans des débats précipités. Je dis attention, en particulier quand je vois les intentions que certains prêteraient à M. Duceppe de venir prendre la tête du Parti québécois», a soutenu M. Boisclair dans une entrevue diffusée hier à RDI.
Le chef péquiste a clairement demandé à son allié souverainiste de ne plus jouer dans ses platebandes et de s'occuper de ses affaires à Ottawa. «Je fais mon travail comme chef du Parti québécois, je pense que M. Duceppe doit faire la même chose.»
«Imaginez Gilles Duceppe qui quitte son poste, dans quelle situation cela place le Bloc québécois», avait soutenu le chef péquiste. Lui-même affirme placer les intérêts du mouvement souverainiste avant les siens.
«Je lance cet appel au calme. Attention aux décisions précipitées. Les gens savent que je placerai les intérêts du mouvement souverainiste avant les miens. M. Duceppe doit aussi faire le même genre d'analyse», a laissé tomber André Boisclair.
La réplique fut immédiate du côté du chef bloquiste. Selon lui, cette sortie belliqueuse est totalement irrationnelle. «Je suis carrément estomaqué devant ces accusations totalement injustifiées, c'est tout à fait gratuit», a riposté M. Duceppe, dans un entretien accordé à La Presse en fin de journée.
«J'ai toujours travaillé avec les chefs du Parti québécois. Je devais rencontrer M. Boisclair il y a deux semaines, et c'est lui qui a annulé», a-t-il poursuivi. Mais il reste toujours évasif sur ses visées sur la scène provinciale: «Je vous dis qu'il est chef du PQ et j'ai toujours respecté la démocratie au PQ», martèle Gilles Duceppe.
Dans son entourage, on avait moins de retenue. Le chef du Bloc était littéralement furieux quand on l'a informé des propos de M. Boisclair, explique-t-on. M. Duceppe a surtout sauté les plombs quand M. Boisclair en a remis en laissant entendre que le chef bloquiste semblait tenté par l'«affirmationnisme» de l'ancien leader péquiste Pierre Marc Johnson.
«Ce n'est pas nous qui avons semé la tempête au Parti québécois. La tempête a commencé le 26 mars (aux élections)», a lancé François Leblanc, le chef de cabinet de M. Duceppe. «Le siège de chef du PQ est occupé, et M. Duceppe respectera cette situation tant et aussi longtemps que M. Boisclair sera en mesure d'occuper cette fonction», a prévenu M. Leblanc.
«Doubles discours»
André Boisclair dit ne pas être dupe de ce qui se passe autour de lui. Chaque jour, de nouveaux membres du PQ désapprouvent publiquement sa proposition de ne tenir qu'en septembre 2008 le congrès du PQ où les membres pourront trancher sur son leadership.
Qu'il y ait des péquistes qui travaillent à accélérer son départ, «c'est un secret de Polichinelle», a renchéri le chef péquiste hier, ajoutant même qu'il ne prêtait pas foi aux déclarations d'allégeance lancées pour la galerie.
«Il y a des gens qui ont des doubles discours malgré les déclarations publiques», a-t-il laissé entendre, visant explicitement la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, Louise Harel, qui venait de nier par communiqué qu'elle s'était activée pour que M. Duceppe prenne les rênes du PQ. «Louise est une amie depuis des années», s'est contenté de dire M. Duceppe quand on lui a demandé s'il échangeait fréquemment avec Mme Harel.
Dans un communiqué émis hier, où elle se garde bien d'appuyer son chef, Mme Harel promet, sibylline, de «consacrer toute l'énergie nécessaire pour que nous puissions échanger sereinement dans les instances du parti».
Au Bloc, on fulminait hier en cherchant à joindre la garde rapprochée d'André Boisclair pour obtenir des explications; l'avocat Éric Bédard était en Californie, Louis-Philippe Bourgeois, en vacances dans le Sud, et le directeur Pierre-Luc Paquette en France.
Line-Sylvie Perron, chef de cabinet d'André Boisclair, tentait de calmer le jeu. Selon elle, le chef péquiste n'a pas dit à Gilles Duceppe de se mêler de ses affaires, avec cette entrevue.
Plus de pression sur Boisclair
Ces attaques d'André Boisclair surviennent au moment où d'autres voix s'ajoutent au PQ pour réclamer que l'on tranche rapidement la question de la direction du parti.
Pour l'ancien ministre Richard Legendre, défait dans Blainville aux dernières élections, le PQ ferait une erreur s'il repoussait de 18 mois ce rendez-vous, comme le propose l'exécutif du PQ à l'instigation de M. Boisclair.
«Il faut, selon moi, avoir un vote de confiance le plus rapidement possible, observe M. Legendre. Autrement, ce qui se passe actuellement (la controverse autour d'André Boisclair), cela va se passer pendant 18 mois.» «Qu'on soit pour ou contre André Boisclair, je crois que ce vote de confiance, plus il sera tôt, mieux ce sera pour tout le monde.»
M. Legendre ne veut pas prendre partie toutefois en faveur ou contre le chef péquiste. «Je suis Legendre, pas la belle-mère», a-t-il dit, ironique.
Dans les bureaux des députés péquistes montréalais, on prévoit que l'exécutif n'aura pas les deux tiers des voix nécessaires pour obtenir le feu vert pour un congrès en septembre 2008. En revanche, ceux qui réclament un vote dès l'automne 2007 risquent aussi de manquer d'appuis pour atteindre les deux tiers.
Pour Claude Pinard, ancien vice-président de l'Assemblée nationale battu comme candidat péquiste dans Saint-Maurice, une décision doit être prise bien avant septembre 2008 sur la direction du PQ: «selon moi, on risque d'avoir une élection hâtive, le gouvernement est minoritaire». Le récent sondage CROP publié par La Presse indiquait que Jean Charest et André Boisclair étaient «mal-aimés». Seulement une personne sur trois souhaite les revoir à la tête de leur parti aux prochaines élections. «Si j'étais conseiller de Dumont, je lui dirais : n'attends pas que les libéraux changent de chef», a expliqué M. Pinard.


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