Regardons les faits froidement: le PQ tient par un fil. Son 28 % à l'élection est un désastre. Selon le dernier CROP, il a rechuté à 23 % pendant que l'ADQ poursuit son ascension.
Ça n'a rien de personnel. Le constat crève les yeux: la décision d'André Boisclair de rester est irresponsable. Comme le chantait Charles Aznavour: "Il faut savoir quitter la table / Lorsque l'amour est desservi / Sans s'accrocher, l'air pitoyable / Mais partir sans faire de bruit".
(Et avant qu'on ne crie au scandale, réclamant que les "méchants" journalistes cessent de "s'acharner" sur Boisclair, prenez ma parole d'honneur: rien de ce qui s'écrit dans les journaux ne peut arriver à la cheville de la dureté de ce que beaucoup de péquistes pensent et disent de leur chef actuel.)
Dans les circonstances, la suggestion d'attendre à septembre 2008 pour tenir un congrès, changer le programme et soumettre le chef à un vote de confiance, c'est trop peu, trop tard.
Il est inconcevable que, dans un état aussi vulnérable, avec un caucus divisé, une base démobilisée, des finances catastrophiques - alors qu'une élection peut se produire n'importe quand -, le PQ se paye le luxe d'attendre 18 mois avant de bouger.
C'est comme si vous appreniez que vous avez une tumeur maligne, mais que vous décidiez d'attendre un an et demi avant de voir si vous avez le bon médecin et de choisir vos traitements. Ça s'appellerait un suicide.
UN VRAI CONGRÈS
Une solution possible: faire tout en même temps, et ce, d'ici
la fin de l'année. Ce qui veut dire que pour le bien de son parti, et non le sien, Boisclair doit convoquer une course à la direction. S'il veut quitter, ou s'y présenter pour confronter ses "nouvelles orientations" à celles d'autres candidats, il sera libre de le faire.
Mais attention. Une VRAIE course se terminant sur un vrai congrès, avec des délégués élus dans chaque comté par les membres. Pas un concours de vente de cartes, comme en 2005, qui s'est terminé par un vote téléphonique où même des chiens et des plantes vertes ont pu voter.
L'urgence et la gravité de la situation exigent aussi l'obligation pour chaque candidat, contrairement à 2005, de mettre sur table son programme, sa vision, ce qu'il a dans le ventre, et d'en débattre. Les péquistes feront ainsi d'une pierre deux coups: choisir le chef qui défend la vision pour laquelle ils veulent se battre.
S'ils élisent un autonomiste, ils l'auront fait les yeux ouverts et assumeront les conséquences. S'ils préfèrent un souverainiste, ce sera aussi leur choix. Une chose est certaine: le programme et le chef ne peuvent plus être dissociés. Ils doivent venir en package deal.
Ou ce parti choisit quelqu'un qui s'engage à faire du pouvoir un outil de réalisation de la souveraineté - avec un référendum ou autrement. Ou il se transforme en succursale de l'ADQ. L'important, c'est qu'il puisse choisir, et non qu'il demeure l'otage du chef actuel pendant une année aussi cruciale.
LES PEDDLEURS
C'est fascinant comme les crises au PQ réveillent toujours les "peddleurs" de l'affirmation nationale*.
Depuis le 26 mars, les peddleurs grouillent et scribouillent un peu partout. Ils sont faciles à reconnaître. Ce sont ceux qui disent: "Ce n'est pas le temps de soulever la question du leadership, il faut changer le programme AVANT."
Leur objectif: garder Boisclair juste assez longtemps pour qu'il ramène le PQ à l'affirmation nationale - ce qui rencontre sa propre vision d'un "nouveau" PQ. Cela, évidemment, provoquerait un schisme, lequel purgerait le PQ de ce qu'on appelle les "purs et durs", mais qui, dans les faits, sont des membres ordinaires et honnêtes, qui se sont joints à ce parti pour la souveraineté, pas autre chose.
Un PQ nouveau, tout gentil, lavé de son péché originel, enfin sortable devant la visite, libre de gouverner en paix sans se faire achaler par une option compliquée. Du moins, c'est le fantasme des peddleurs.
Pourtant, plus le PQ s'éloigne de sa raison d'être, plus ses appuis baissent. C'est une tendance lourde depuis 1996. Aujourd'hui, le PQ est à 23 % et la souveraineté à 42 % - un fossé de 19 %. Ce sont les souverainistes qui sont orphelins de parti. Pas les autonomistes. Ils ont l'ADQ.
Ce qu'ils ne voient pas, les peddleurs, c'est qu'avec un PQ vidé de son essence, ils seront les prochains à tomber et les derniers à éteindre la lumière avant de fermer la porte derrière eux. Leur rêve d'affirmation nationale est porté par Mario. Qui voudra d'un perroquet de l'ADQ?
Il ne faut pas prendre les gens pour des valises. Si les Québécois ont le choix entre l'autonomisme de Mario et une souveraineté diluée dans le "un jour, peut-être, et en attendant, réformons le Canada", ils choisiront Mario.
(*Doctrine de Pierre-Marc Johnson, chef du PQ de 1985 à 1987, semblable à l'autonomisme de Mario Dumont, selon laquelle le Québec peut s'émanciper sans se séparer.)
Voix publique
Il faut savoir quitter la table...
Ça n'a rien de personnel. Le constat crève les yeux: la décision d'André Boisclair de rester est irresponsable.
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