Élections québécoises

Démocratie 101

La RUE vs la LOI


Des élections générales auront donc lieu le 4 septembre prochain. Le premier ministre Jean Charest en a fait hier midi une mise au jeu qui annonce des débats rudes. D’emblée, il fait du respect de notre système et de nos institutions démocratiques l’enjeu principal de ce scrutin. D’accord… à condition de juger de l’ensemble de l’oeuvre.
L'insistance du premier ministre en ce premier jour de campagne sur les valeurs démocratiques de notre société, ébranlées dit-il par le conflit étudiant, ne laisse aucun doute quant à sa volonté de faire des événements du « printemps érable » l’enjeu d’un référendum pour plébisciter sa gestion de conflit.
Il est vrai que ce printemps a été marqué de perturbations sociales. Vrai aussi que des manifestations ont tourné à la violence. Que les injonctions des tribunaux n’ont pas été respectées. Que la loi 12 forçant la reprise des cours et limitant le droit de manifester est toujours vivement contestée. Toutes choses qui ont aujourd’hui un caractère combien providentiel pour le gouvernement libéral, qui pense par là échapper à un examen serré de son bilan de neuf ans de pouvoir. Il ne faudrait pas que l’arbre cache la forêt.
Si l’on est pour parler de démocratie, regardons aussi le respect qu’y a porté ce gouvernement durant ses trois mandats. Peut-on oublier ces interventions partisanes venant du plus haut niveau, du bureau même du premier ministre et de ministres, pour nommer des amis politiques à des postes de juges ou pour leur accorder des subventions et des permis de garderie ? Peut-on oublier ces contributions à la caisse électorale subséquentes à l’octroi de contrats ? Ou cette résistance à se plier aux plus hauts standards éthiques pour l’adoption d’un code de comportement pour les élus, à laquelle on viendra, mais à son corps défendant, tout comme pour la création de la Commission d’enquête sur la collusion et la corruption dans l’industrie de la construction ? Peut-on parler de respect de nos institutions démocratiques quand il y a ainsi abus de pouvoir répétés ?
Le cynisme des citoyens envers les politiciens et, à travers eux, envers la politique et l’Assemblée nationale, se nourrit de tels comportements. Nombre de Québécois sont aujourd’hui désabusés de la politique. S’ils sont descendus dans la rue ce printemps et cet été par dizaines de milliers, et à certaines occasions par centaines de milliers, ce n’est pas sans raison. Ils y ont trouvé un lieu d’expression. Quoi que dise le premier ministre par un raccourci réducteur, la rue n’est pas qu’un lieu de perturbations sociales. Elle est aussi un lieu d’expression démocratique nécessaire. Le nier, c’est prétendre que la démocratie puisse se résumer à voter une fois tous les quatre ans pour conférer à un petit groupe d’élus le droit de parler et de décider.
Une coupure existe entre les citoyens et leurs élus, et cela, depuis plusieurs années, comme en témoigne le taux de participation aux élections qui se réduit de fois en fois. Voter n’est plus un devoir, comme le dit l’auteur de la libre opinion ci-dessous. Le déclenchement de cette élection en plein coeur de l’été ne contribuera certainement pas à briser un cercle vicieux. La perte de confiance des électeurs ne pourra que s’accroître si les candidats à cette élection, tous partis confondus, car cela les concerne tous, ne réagissent pas.
Les causes comme les remèdes de cette perte de confiance sont bien connus. Il faut que l’exercice du droit de vote retrouve sons sens premier, qui est celui de la représentation de ses opinions au Parlement, ce que ne permet pas le système électoral uninominal à un tour. Il faut introduire dans ce système un élément de proportionnelle, chose combien de fois promise, mais jamais réalisée.
En campagne électorale, les candidats promettent beaucoup, mais une fois élus réalisent peu, ce que veut bien sûr faire oublier le plus possible le premier ministre en parlant davantage de son Plan Nord, nouvel objet de promesses. Promettre peu, mais tenir ses engagements serait certainement une façon pour les partis de retrouver la confiance des électeurs.
Ces quatre dernières années, les Québécois ont vu le meilleur et le pire à l’Assemblée nationale, plus souvent le pire, au point où une nouvelle idée a surgi, celle de faire de la politique autrement, qu’on n’a pas encore vu se concrétiser. Tiens, pourquoi pas s’y atteler pendant les cinq semaines que durera la présente campagne ! Ce serait un début.


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